Voici un très beau film qui nous fait pénétrer dans l’univers fermé et de la vie monastique.
J’ai eu personnellement l’occasion et la chance d’être invité à enseigner le judaïsme dans divers monastères, c’est une atmosphère spéciale que celle d’un monde où le temps est suspendu et où le seul enjeu véritable est de partager une vie mise au service de la transcendance. Bien évidemment ce n’est pas la façon juive d’aborder les choses, mais c’est pour un juif une leçon de spiritualité très différente de celle de la synagogue ou de la yeshiva, très différente de la vie de famille juive ponctuée par le shabbat, mais c’est une vie spirituelle riche qui mérite d’être connue et qui est rarement présentée au grand public.
L’avantage de ce film est de bien montrer cette atmosphère et cet engagement spirituels, cela bien au-delà du scénario et du contexte politique. Ce travail a été fait avec beaucoup de justesse par le metteur en scène et les excellents acteurs.
Il s’agit donc bien d’une forme de rencontre interreligieuse enrichissante que d’aller voir un tel film pour un juif et de tenter de mieux comprendre ce qu’est le monde spirituel chrétien.
Par ailleurs se film pose une question spirituelle majeure qui devrait intéresser le judaïsme, celle de l’engagement et du cout de cet engagement.
En effet, les moines sont obligés de se poser la question de savoir s’ils doivent partir ou pas face à la montée des périls. Ils se savent menacés et ne veulent pas pour autant céder à la terreur et remettre en cause leur engagement monastique au service d’une population civile, celle du petit village algérien où leur monastère se trouve.
Jusqu’où doit aller un engagement spirituel ? Que doit-on sacrifier pour celui –ci ? Ce dilemme va ici au paroxysme, mais il existe dans toutes les spiritualités impliquant un engagement et donc forcément certains sacrifices.
C’est un dilemme que le judaïsme connaît bien, de par la vie quotidienne qu’il engage, ne serait –ce que par le respect du shabbat et des fêtes dans une société qui n’y comprend rien, mais c’est aussi un dilemme poussé très loin dans le judaïsme, jusqu’au choix entre la vie et la mort, du fait de l’histoire juive et de la difficulté de l’engagement juif que cette histoire implique.
Dans « des hommes et des dieux », les moines se trouvent confrontés à une situation de minoritaires face à la montée des périls de l’extrémisme religieux du monde étranger qui les entoure. Appréciés par certains membres de la population musulmane parmi laquelle ils vivent, ils sont néanmoins vécus comme un corps étranger par les autres prêts à tout pour les faire partir. Ils sont une cible facile et n’ont aucun moyen réel de défense.
Ma subjectivité juive me pousse à voir ici une situation qui était celle de beaucoup de communautés juives au moyen âge, isolés et à la merci des attaques de la plèbe et des extrémistes (chrétiens en l’occurrence).
Bien évidemment ce n’est pas le sujet premier du film, mais il est intéressant de le regarder aussi avec un regard juif et de trouver dans ce cas précis une certaine communauté de destin.
Ce film m’a donc beaucoup plus, tout d’abord comme spectateur parce que c’est un bon film, mais aussi comme personne engagée dans un cheminement spirituel et enfin comme juif en y trouvant finalement une certaine communauté de destin.
Cela, même si tout le pathos chrétien autour de la personne du Christ ou même si la manière de prier « en suspension » avec des voix désincarnées caractéristique du catholicisme reste bien loin de la manière juive de faire, mais là encore, la rencontre est intéressante.
Yeshaya Dalsace
Fiche technique
Film français de Xavier Beauvois avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin. (2 heures.)
Grand prix du Festival de Cannes 2010
Synopsis :
Un monastère perché dans les montagnes du Maghreb, dans les années 1990. Huit moines chrétiens français vivent en harmonie avec leurs frères musulmans. Quand une équipe de travailleurs étrangers est massacrée par un groupe islamiste, la terreur s’installe dans la région. L’armée propose une protection aux moines, mais ceux-ci refusent. Doivent-ils partir ? Malgré les menaces grandissantes qui les entourent, la décision des moines de rester coûte que coûte, se concrétise jour après jour…
Critique de Monde
Prix du jury très mérité au dernier Festival de Cannes, Des hommes et des dieux retrace le parcours des moines de Tibéhirine pendant les mois qui ont précédé leur assassinat en 1996, depuis le moment où ils sont devenus la cible des extrémistes du GIA jusqu’à celui où ils ont été enlevés, avant de disparaître dans des circonstances qui restent aujourd’hui encore à élucider. Leur cheminement spirituel est le sujet de ce long-métrage, le cinquième de Xavier Beauvois, à qui l’on doit Nord, un premier film d’une âpreté poignante, puis d’autres comme N’oublie pas que tu vas mourir ou Le Petit Lieutenant.
D’abord plongés dans le chaos par la peur qu’a engendrée chez chacun la perspective de sa propre mort, et qui a d’abord fait chanceler la cohésion du groupe, ces sept hommes ont finalement pris collectivement la décision de ne pas plier devant la violence. Refusant de piétiner l’idéal de fraternité auquel ils ont voué leur vie, ils ont choisi de rester dans le monastère plutôt que de rentrer en France comme on les poussait à le faire, certains en ayant d’ailleurs eu la tentation. Ils n’ont pas davantage accepté la protection que leur proposait l’armée.
Les dieux étant nombreux, ce qui intéresse le cinéaste dans cette tragédie relève moins du martyre des moines, que de la conscience - éthique, politique - des hommes qu’ils sont, et des questions existentielles que pose leur confrontation avec cette force armée qui piétine tout ce en quoi ils croient. Comment éprouver la liberté ? Qu’est-ce qu’une communauté ? Peut-on être soi en niant l’existence d’autrui ?
On peut, on doit, même, envisager ce film comme une profession de foi. Mais c’est dans le cinéma que Beauvois a toujours placé la sienne, et qu’il la place ici plus que jamais. Confiant dans le talent de sa chef opératrice, Caroline Champetier, dans celui de ses acteurs dont il a visiblement obtenu une adhésion totale, il signe une mise en scène puissante et dépouillée, délibérément lyrique, en s’inspirant du mode de vie hyperritualisé de l’ordre cistercien-trappiste auquel appartenaient les moines de Tibéhirine.
La prière, les chants à l’unisson, les réunions au cours desquelles se prennent, à l’issue d’un tour de parole et d’un vote, les décisions engageant la vie de la communauté, et qui témoignent ici de la réduction progressive des antagonismes vers une communion spirituelle, structurent le film. Mais la place est faite, aussi, aux moments partagés avec les villageois (travail de la terre, dispense de soins, fêtes familiales...), dans le respect de l’islam.
Ou encore à des tête-à-tête, comme celui dans lequel Frère Luc, le médecin (Michael Lonsdale, à son meilleur), explique à Frère Christian, le chef de la communauté (Lambert Wilson, qui révèle dans ce film un charisme totalement inédit), qu’il ne craint nullement la mort. Au moment de quitter la pièce, la voix étouffée dans un petit sourire malicieux, il a cette phrase merveilleuse qui est aussi bien le programme du film : "Laissez passer l’homme libre..."
Les plans parlent d’eux-mêmes, chaque détail enrichissant le récit sans qu’il soit besoin de commentaire. Le partage d’un plateau de frites, la lecture à haute voix d’une chronique de L’Equipe, ou celle, pour soi, des Lettres persanes, suffisent à poser une atmosphère, une idée, une personnalité. Cette même économie narrative permet de donner leur place à sept personnages principaux - ce n’est pas rien -, sans parler des autres, les villageois, ou les terroristes du GIA dont l’irruption rompt brutalement l’harmonie ambiante.
Après avoir ordonné à tous les étrangers de quitter le pays, après avoir égorgé, aux abords du village, un groupe de Croates, ils frappent à la porte du monastère une nuit de Noël, exigeant de Frère Christian qu’il mette son médecin à leur disposition. Le refus que celui-ci leur oppose, et qu’il redouble en n’acceptant pas non plus de leur donner les médicaments destinés aux villageois, signe, il le sait, son arrêt de mort et celui de ses frères, à court ou à moyen terme.
S’en remettant à la majesté aride des paysages de l’Atlas (marocain pour le tournage), à l’épure laiteuse des robes des moines, à la rythmique du rituel, Xavier Beauvois joue avec les travellings avec une maestria soufflante, fait le grand écart entre Sergio Leone, Coppola et Pasolini, conduisant son film vers un final extravagant, à multiples détentes.
Deux scènes en particulier, qui figurent l’aboutissement de la communion spirituelle des moines en icône de la résistance, témoignent d’une audace peu commune dans le cinéma français d’aujourd’hui. La puissance qui s’en dégage conduit à se demander si, à l’heure des échanges mondialisés, il n’y a pas un effet libérateur à raconter des histoires qui s’affranchissent des frontières hexagonales.
Isabelle Regnier Le Monde 07.09.10
Messages
J’ai également vu ce film qui m’a plu .Je trouve que c’est une très grande tolérance et ouverture d’esprit de la part d’un rabbin d’avoir vu un film sur des moines.
Je rebondis pour vous demander votre conseil quant à ma situation de problème d’identité religieuse:ma mère est juive qui était une ancienne enfant caché et n’a recu aucune éducation car ses propres parents pourtant issus chacun de familles juives polonaises très pieuses(hassidims)ont rejeté la religion donc il n’y a eu aucune transmission ,ma mère s’est marié avec mon père qui est agnostique mais a des racines chrétiennes donc je n’ai été elevé dans aucune religion.Selon la halakha je suis juif mais je ne suis intégré à aucune communauté car ai peur d’etre mal vu car suis issu union mixte et moi meme je suis marié depuis bientot six ans avec une non juive(elle a un enfant majeur d’un premier mariage et nous n’avons pas d’enfant en commun).Au sein du mouvement massorti ,considérez vous comme les othodoxes que je devrais quitter mon épouse ?Deuxième problème :à cause de la shoa tout document a disparu donc faute de pouvoir montrer un acte de mariage religieux juif les orthodoxes me disent que je dois me convertir donc ils me demandent de tout plaquer pour une démarche d’au moins 5 ans qui n’est pas sur d’aboutir.Au cas ou les autres documents ne suffiraient pas à prouver ma judéité,n’existerait il une "conversion par défaut"qui serait moins lourde ?
Merci de me répondre,
cordialement
(je réside sur paris 19)
Je crois qu’une conversion par défaut serait la solution. Voyez le Consistoire qui devrait vous répondre.
Je ne veut pas aller plus loin sur un cas personnel dans le cadre de ce site et forum.
Bien à vous et bonne chance.
Yeshaya Dalsace
si je m’adressais à vous c’était pas pour etre réorienter sur le consistoire qui n’est composé que d’orthodoxes ....
Après on va s’étonner que des gens nés juifs se désinteressent totalement,s’assimilent mais comme les massorti soit disant plus ouverts sont aussi obtus que les orthodoxes ...bien à vous ...le judaisme perd ses propres enfants tous les jours et vous les rabbins vous vous en fichez ,bonne chance ?!quelle chance avec un tel rejet vers le consistoire ?!
Mon père a raison quand il dit que la religion est une chose respectable mais que les cléricaux qu’ils soient imams,pretres ou rabbins ne sont que des escrocs .
Les autres religions étant plus ouvertes que le judaisme je sais ce qu’il me reste à faire...
Faut pas vous mettre en colère comme ça,
le rabbin vous a juste répondu que les cas particuliers et personnels ne se règlent pas sur un forum. Contactez le plutôt à l’adresse mail qui est mentionnée sur le site.