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A-t’on le droit d’être ignorant ?

A-t’on le droit d’être ignorant ?

Parashat Nitsavim -

En cette période du mois d’Elloul, avant les fêtes de Rosh   Hashana et de Yom Kippour, l’heure est au bilan. Qu’avons-nous fait de notre temps, à quoi l’avons-nous employé, en avons-nous fait une bonne utilisation ?

Cette interrogation concerne de nombreux domaines de notre vie et de nos relations sociales. L’un des passages de la parasha   nitsavim nous incite à mettre en avant l’un d’entre eux :

"Car ce commandement que je t’ordonne aujourd’hui n’est pas étonnant pour toi et il n’est pas éloigné de toi. Il n’est pas au ciel pour que tu dises : qui montera pour nous au ciel et nous le recueillera, nous le fera entendre et nous l’accomplirons ? Et il n’est pas au-delà des mers pour que tu dises : qui traversera pour nous la mer et nous le recueillera, nous le fera entendre et nous l’accomplirons ? Car cet objet est très proche de toi, pour l’accomplir par ta bouche et dans ton cœur"(Deutéronome, 30, 11-14).

Ce passage est très célèbre, notamment parce qu’il a été utilisé dans une polémique célèbre par Rabbi Yéhoshoua pour prouver que les rabbins   pouvaient aller contre la volonté divine dans leur interprétation de la Loi (Bavli Baba Metsia 59, 2)

Mais cette célébrité nous empêche souvent de saisir le sens premier de ce texte. Dans son commentaire, Rashi   nous ramène à une lecture qui n’est pas sans lien avec la question de notre emploi du temps.

Tout ce passage s’adresse en réalité à nous même, au lien que nous tissons avec la Torah et ses commandements. La Torah n’est-elle pas quelque chose qui doit être réservée au spécialiste, un enseignement destiné à l’élite du fait des difficultés de son abord ?

Première difficulté auquel le commentateur champenois se confronte : que veut dire le texte lorsqu’il parle d’un commandement "qui n’est pas étonnant". C’est dit Rashi  , qu’il n’est pas dissimulé, qu’il n’est pas caché, et pour nous l’expliquer il se réfère à un passage de la Parashat Shoftim, où l’on nous a expliqué que lorsqu’une difficulté de compréhension de l’application des commandements se présente, il suffit d’aller voir les spécialistes (prêtres ou juges) qui diront la Loi. Deux conséquences découlent de ce commentaire : la première, c’est qu’il faut commencer soi-même par se confronter avec la Loi, et seulement après faire appelle au "spécialiste" (rabbin   ou autre). Dans la vie quotidienne, cela nous semble évident : si mon enfant a un exercice de math à faire, je lui demande d’abord d’essayer, et seulement après je vais l’aider à résoudre le problème. Or, dans le monde de la Torah, les gens se comportent le plus souvent à l’inverse : au lieu d’étudier d’abord par eux-mêmes, ils vont béatement et sans connaissances propres interroger le spécialiste.

La deuxième conséquence est liée à un point sur lequel Rashi   insiste dans son commentaire de la Parashat Shoftim : reprenant le texte de la Torah, il souligne le fait que le juge ou le prêtre doivent être "de ton temps". Donc, non seulement chacun à le devoir d’étudier la Torah avant d’aller consulter les spécialistes, mais de plus on devra choisir ces spécialistes en fonction de leurs capacités à se confronter à la modernité, à être dans l’air du temps.

La deuxième difficulté analysée par Rashi   est celle liée au fait que la Torah "n’est pas au ciel" ou ne se situe pas "au delà des mers". Que dit Rashi   : si elle avait été au ciel, toi tu aurais du monter et l’étudier ! En effet, nombre de personnes prennent prétexte, par exemple, de leur ignorance de l’hébreu pour dire : c’est inabordable pour moi ! Pour eux elle est comme au ciel, et seuls les spécialistes qui peuvent monter là-bas (ceux-qui savent l’hébreu) peuvent me dire ce qui y est marqué. La réponse de Rashi   est claire : c’est toi qui a l’obligation de monter au ciel. Tu ne sais pas l’hébreu, la belle affaire : commence par apprendre.

Rashi   appui son commentaire sur un passage du Talmud   qui va nous aider à résoudre une troisième difficulté soulevée par ceux qui n’étudient pas la Torah : ils sont trop occupés par leur travail, leurs affaires, qu’ils ne peuvent pas dégager du temps pour étudier. Rabbi Yochanan, un maître d’Eretz-Israël du troisième siècle, disait qu’il faut comprendre l’expression "il n’est pas au-delà des mers" par le fait que la Torah ne se trouve pas chez les commerçants qui vont négocier à l’étranger. Rabbi Yochanan était quelqu’un qui s’était entièrement consacré à l’étude de la Torah, et qui avait décidé de sacrifier sa situation économique pour atteindre ce but. Mais de même que tout le monde ne peut pas être extrême dans l’approche de l’étude à la manière de Rabbi Yochanan, tout le monde n’est pas obligé d’être comme ces commerçants du troisième siècle que l’éloignement de la terre d’Israël éloignait totalement de la possibilité (ou de la volonté ?) d’étudier. Nous sommes heureusement à une époque où chacun, quelque occupé qu’il soit, peut trouver la possibilité d’étudier, ne serait-ce que quelques minutes.

Ainsi, si nous suivons les recommandations de la parashat nitsavim tout au long de l’année, nous pourrons nous présenter l’an prochain au tribunal divin en sachant que notre temps a été, au moins en partie, bien employé.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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