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Israël, l’autre conflit

Israël, l’autre conflit

de Marius Schattner -

Religion et démocratie au sein d’Israël

Marius Schattner le reconnaît dès l’avant-propos, ce livre est le fruit d’un événement personnel : le "retour à la religion" de sa propre fille. Journaliste au bureau de Jérusalem de l’Agence France-Presse, il a voulu comprendre les origines et les tenants et aboutissants du conflit toujours aigu entre laïcs et religieux. En exergue, Marius Schattner écrit : "En espérant que mes petits-enfants pourront un jour lire les albums de Babar." Tourmenté par son expérience personnelle et par le démantèlement des colonies de la bande de Gaza au cours de l’été 2005, il explique : "Je me suis senti directement concerné et terriblement mal à l’aise. Jusqu’où peut-on rester proche et être en conflit ?"

Afin de mieux comprendre cette "fracture" qui divise la société israélienne, Marius Schattner s’est livré à une étude exhaustive, documentée, dense, des rapports entre deux mondes qui cohabitent tant bien que mal au sein de l’Etat juif. La source de cette opposition commence à la fin du XIXe siècle avec la naissance du mouvement sioniste et la perspective de créer un Etat "qui se veut à la fois juif et démocratique, deux exigences difficiles à concilier", reconnaît l’auteur. Elle se poursuivra tout au long des épisodes qui ont conduit à la création d’Israël en 1948 et pendant les soixante ans de son histoire. Le sionisme ne pouvait pas ne pas entrer en conflit avec les hommes en noir qui, eux, attendaient l’arrivée du messie pour qu’il soit mis fin à l’exil. Comment concilier religion, peuple et identité ? Le débat est loin d’être terminé.

Si la Shoah a mis un terme aux questions sur le bien-fondé du "retour à Jérusalem", et si le massacre de six millions de juifs fut considéré comme "une compensation divine", David Ben Gourion, le fondateur de l’Etat, qui n’est pas "un juif de la foi", aura toutes les peines du monde à accommoder les exigences des haredim  , les "craignant-Dieu", comme on les appelle, avec les principes d’un Etat démocratique et tolérant. Il n’y aura donc pas de séparation entre l’Etat et la synagogue, pas de Constitution.

Pour Marius Schattner, il est évident que "c’est le camp laïc qui fait le plus de concessions". "Mais ces concessions s’arrêteront toujours là où l’intérêt supérieur de l’Etat ou du sionisme est en jeu", fait remarquer l’auteur, qui énumère tous les privilèges dont bénéficient les ultraorthodoxes, qui, par exemple, sont dispensés de service militaire, vivent des subsides de l’Etat à tel point qu’ils sont souvent qualifiés de parasites. Et eux de répondre : "A chacun son travail : c’est grâce à la prière et à l’étude de la Torah qu’Israël survit dans un environnement hostile."

Cet intégrisme religieux qui tente d’imposer sa loi aux autres se transforme aussi en ultranationalisme, dont plusieurs organisations, comme le Bloc de la foi (Goush Emounim) ou le mouvement Kach du rabbin   Meir Kahane, font de la colonisation un objectif naturel.
S’installer sur des terres considérées comme "bibliques", se battre pour y rester est considéré comme "un commandement de Dieu", auquel tout croyant digne de ce nom ne peut se soustraire. Le messianisme radical aboutira au massacre de vingt-neuf Palestiniens dans le Caveau des patriarches, à Hébron, par Baruch Goldstein le 25 février 1994, puis à l’assassinat de Yitzhak Rabin le 4 novembre 1995 par Ygal Amir, qui revendiquera son geste en ces termes : "J’ai agi pour Dieu, pour le peuple et pour la terre." Pour avoir signé les accords d’Oslo en septembre 1993, Yitzhak Rabin était considéré comme "un traître".

Marius Schattner se demande si "la montée d’un fondamentalisme juif est tout aussi irrésistible que celle supposée de son pendant islamique". Il ne le croit pas, mais il constate que "les ultraorthodoxes persistent à vivre dans leur ghetto, et (que) les sionistes religieux sacrifient la religion sur l’autel du nationalisme organique".

Israël, l’autre conflit de Marius Schattner. André Versaille éd. 392 p., 22,90 €.

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