En dehors de l’identité un peu folklorique du personnage masculin, le film n’est pas précisément à thème juif. C’est un dessin animé assez original et réussi dans son genre sur le thème de la solitude et du mal d’être.
C’est un film tendre mais une comédie pas vraiment drôle.
Mary est australienne, elle a une dizaine d’années, une tache de vin sur le front couleur caca et ressemble à Nana Mouskouri. Elle adore le lait concentré et son poulet qu’elle a sauvé de l’abattoir. A l’école, souvent, les enfants font pipi sur son déjeuner et se moquent de sa veste dont les boutons sont remplacés par des pinces à linge.
Max a 50 ans, est juif New-Yorkais, il est obèse, s’habille en jogging 365 jours sur 365, aime les poissons rouges et souffre d’autisme, ou plus précisément du syndrome d’Asperger. Il porte une kippa bien que non croyant pour avoir chaud au crâne, un casque au printemps avec des yeux dessinés dessus pour faire fuir les corbeaux et mange des hot-dogs au chocolat dès qu’il est angoissé.
Leur relation va être cahotique, faite d’incompréhensions mutuelles et de trahisons involontaires, mais va durer au fil des lettres et des barres de chocolat envoyées d’un bout à l’autre du globe terrestre.
Mary and Max, c’est un film d’animation né d’une histoire vraie, le réalisateur, australien, ayant lui aussi un correspondant américain "Asperger" depuis des années.
Mary et Max (Mary and Max) est un film australien en animation de pâte à modeler réalisé par Adam Elliot et sorti en 2009.
(1 h 32.)
Critique du Monde
A la sortie de la salle, on pourra s’amuser à refaire le film, avec des acteurs. Il faudra trouver une petite fille boulotte et terne, un quadragénaire obèse à tête de batracien. Mais un remake en prises de vues réelles de Mary et Max serait insupportable. Or, le premier long métrage d’Adam Elliot est plus que supportable : drôle et séduisant, cruel mais chaleureux.
Au printemps dernier, Le Sens de la vie pour 9,99 $, film israélien réalisé en Australie à partir de nouvelles d’Etgar Keret, montrait qu’au-delà de l’animation, on pouvait prêter à ces créatures des sentiments qui valaient bien ceux de leurs créateurs. Adam Elliot aussi a réalisé son film en Australie. C’est normal, c’est de là qu’il vient et c’est là qu’il fait naître Mary Dinkle, petite fille qui grandit dans la banlieue de Melbourne entre une mère qui carbure au sherry de cuisine et un père qui ne trouve de consolation qu’auprès des animaux morts qu’il empaille.
C’est un univers marron, à l’exclusion de toute autre couleur, un tout petit village mesquin menacé par le désert qui inspire à la fois la claustrophobie et l’agoraphobie. Une voix off désinvolte souligne l’absurdité des existences de ses habitants. Mary n’est que l’une d’entre eux, pas moins laide, pas plus futée. En guise de tentative d’évasion, elle arrache la page d’un annuaire de New York et écrit une lettre à l’un des noms de la liste : Max Horovitz. 40 ans, célibataire, juif et atteint du syndrome d’Asperger, trouble neurologique proche de l’autisme, plus connu dans les pays anglo-saxons qu’en France.
Le malheur de la petite fille, l’isolement total de l’adulte, tout ceci devrait faire un spectacle éprouvant, pourtant l’affection l’emporte sur l’affliction. Sans doute parce que ces personnages ont des apparences de miniatures, qu’ils vivent dans des maisons de poupée, se servent d’objets dont on voit qu’ils ont demandé des heures et des jours de bricolage (la machine à écrire Underwood de Max). Adam Elliot ne veut pas édulcorer son histoire, inspirée d’une correspondance qu’il entretient avec un "aspie" - c’est ainsi que se nomment les malades du syndrome - ; il tient d’abord à la partager.
Les comédiens, qui prêtent leur voix aux petits bonshommes de pâte à modeler, l’y aident bien. Philip Seymour Hoffman, parfait en Max, Toni Collette (Muriel, Sixième sens) en Mary adulte qui succède à la jeune Bethany Whitmore dans le rôle de l’esseulée.
C’est que l’histoire et les personnages de Mary et Max traversent un bon tiers du XXe siècle. Adam Elliot sait faire vieillir ses personnages, transformer insensiblement ses décors. Le film n’est pas très long et pourtant on a la sensation presque physique du temps qui passe (ce qui n’a rien à voir avec de l’ennui), de la pesanteur des années qui s’accumulent.
Très tôt, on voit que Mary et Max ne sera pas le film réconfortant que l’on a pu espérer ou redouter. Ces deux solitudes se rencontrent, mais cette rencontre ne les fait pas disparaître. Entre les pavillons marron de Melbourne et les gratte-ciel gris de Manhattan, le fil est ténu que tout peut rompre, y compris le bonheur de l’un des protagonistes. Heureusement, Adam Elliot veille sur ses créatures. Elles sont malheureuses, mais le cinéma les entoure de l’affection de tous ceux qui les regardent de l’autre côté de l’écran.