de m’occuper de questions liées à des décisions de Halakha . Il y a beaucoup de personnes plus versées que moi dans cette matière et je ne suis pas digne d’en discuter. Je ne traiterai donc que de l’aspect pratique du problème.
La question qui se pose est affaire de définition. Il est très difficile de changer des définitions courantes au sein de la nation sans mettre la confusion dans tout ce qui s’y relate.
Dès qu’on commence à discuter d’une définition, s’élèvent des problèmes concernant toutes les autres, comme par exemple, pourquoi le sabbat commence chez les juifs, la veille au soir, et pas le matin ; pourquoi nous avons une année lunaire et pas solaire, et ainsi de suite. Nous avons reçu un grand nombre de définitions de nos ancêtres, et ce qui leur est commun, c’est que, grâce à elles, se reconnaît le caractère de la nation. Seule la tradition historique permet de comprendre le canon biblique, la place de l’hébreu chez nous, et même la place que prend la Terre d’Israël dans nos pensées et dans notre conception de vie, et tout cela fait partie du patrimoine que nous ont transmis nos ancêtres.
Nous ne devons en aucun cas nous éloigner de telles définitions.
Même ceux qui n’ont pas attaqué ces problèmes en partant d’une attitude favorable à la religion et à la tradition, ont compris quelle catastrophe nous attendrait en tant que nation particulière, si nous voulions remettre en question des notions qui ont déjà été établies dans les temps antiques.
Il faut éviter, en particulier, de semer la confusion dans une définition dont nous connaissons l’histoire et les motifs.
Nos ancêtres ont longtemps débattu jusqu’à ce qu’ils soient arrivés à la conclusion qu’est juif celui qui est né en sainteté, c’est-à-dire de mère juive ou convertie, ou qui s’est lui-même converti ; et qu’il ne faut pas, dans notre cas, se référer à la généalogie paternelle.
De plus, dans le cas d’un juif ayant épousé une non Juive, nos ancêtres n’ont vu aucune raison d’être moins sévères, car dans la plupart des cas de mariages mixtes de l’époque d’Ezra jusqu’à nos jours, les femmes étaient non-juives.
Ezra a compris que de tels mariages pouvaient amener la nation tout entière à s’assimiler au sein des autres peuples. Les enfants allaient être éduqués dans l’essentiel de leur attitude envers la vie, leurs tendances spirituelles, leurs conceptions fondamentales, et leur conscience, par des femmes non juives qui ne connaissent pas l’attitude juive et ne se sont pas engagées à l’observer.
Nos Sages , de mémoire bénie, ont compris que l’éducation fondamentale de l’enfant est celle qu’il reçoit encore au berceau, avant qu’il sache parler. Cette éducation, il la reçoit le plus souvent, et essentiellement, de sa mère, et celle-ci doit être, soit née de notre peuple, soit s’être engagée à observer le judaïsme. Il est bien entendu que si elle accepte la tradition et la religion juives, elle devient totalement juive, comme Ruth la moabite - et elle est digne que naissent d’elle des rois et des dirigeants d’Israël.
À notre époque, et en particulier dans la diaspora, on peut voir la sagesse d’Ezra et sa profonde compréhension de la vie. Le nombre des mariages mixtes est en constante augmentation ; il y a des villes, ici dans l’ouest du pays, où dans plus de la moitié des mariages, la femme n’est pas juive. Bien que les enfants portent fréquemment le nom du père et de sa famille, il ne faut en aucun cas enfreindre la halakha selon laquelle on ne peut pas les reconnaître comme juifs s’ils ne s’engagent pas à observer notre tradition de la manière officiellement admise. Ils doivent savoir qu’ils ont le choix entre rester non juifs ou se convertir. S’ils préfèrent le judaïsme, ils assument des obligations importantes envers la tradition et envers le peuple d’Israël.
Le grand danger est ici que le problème et sa solution soient repoussés de jour en jour, et qu’ils n’arrivent pas à décider de manière nette s’ils sont juifs ou non. Ceux qui restent dans une situation douteuse choisiront la voie facile, avoir les privilèges des juifs, se mêler à nous, à notre communauté, mais rester non juifs en ce qui concerne leurs devoirs, apprendre, comprendre, et expliquer à leurs enfants la nature du judaïsme.
Vous connaissez mon approche, que je vous ai expliquée lorsque j’étais en Terre d’Israël, il y a six ans : nous n’avons qu’un seul centre spirituel, à Jérusalem. Nous n’avons pas deux traditions, et nous n’avons pas deux nations. C’est pourquoi vous avez bien fait de vous adresser aussi aux sages d’Israël en diaspora, car il est évident que la décision prise en Israël, sur cette question, aura une grande influence sur la diaspora.
Il faut sûrement prendre aussi en considération les difficultés qui dépendent de cette conclusion, à cause des enfants qui, sans connaître l’attitude de la tradition sur la question, se sont crus juifs et sont surpris lorsqu’ils apprennent que nous ne reconnaissons pas leur judéité. Ici aussi il y a des cas de ce genre, et j’ai eu plusieurs expériences, où il m’a fallu expliquer aux enfants issus de mariages mixtes l’attitude de la tradition envers eux. Lorsque ces jeunes ont compris que, selon le judaïsme, la mère est l’essence de la famille, pour les questions spirituelles, et donc que la réponse à la question de savoir s’ils sont juifs de naissance ou non dépend de la position de la mère, ils ont accepté de se convertir officiellement et selon les règles.
Il est évident qu’il faut se conduire envers ces enfants de manière chaleureuse, qu’ils deviennent, ou non, officiellement juifs. S’ils adoptent la religion juive, ils sont convertis, et la Torah nous a ordonné quarante-six fois d’aimer les guerim. Et s’ils ne veulent pas s’unir à notre peuple, ils sont certainement des « pieux parmi les peuples du monde », ou tout au moins des sages , et eux aussi, nous devons les aimer. Sur ce genre de cas, nos Sages ont déjà déclaré : « Que la main gauche rejette, mais que la main droite soit accueillante. » Il faut espérer qu’ils reconnaissent la valeur de notre Torah et de notre tradition, et se rapprochent d’elles et de notre nation.
Bien qu’en général nous ne cherchions pas à attirer les convertis, ces enfants de père juif ont un lien avec notre peuple, et pour mettre les choses à leur juste place, nous devons certainement faire en sorte, autant que possible, qu’ils veuillent se joindre à nous.
Recevez l’expression de mon estime et de mon amitié.
Louis Eliézer Halévi Finkelstein
(1895-1991). Né à Cincinnati, aux États-Unis, d’un père rabbin orthodoxe , il obtint un premier titre académique à New York (1915) et son doctorat en 1918 à l’université Columbia. Parallèlement, il étudia aussi au Jewish Theological Seminary (JTS , séminaire rabbinique du mouvement Massorti ) et reçut le diplôme de rabbin , ce qui lui permit d’être nommé rabbin conservateur d’une communauté de New York en 1919. Il fit aussi partie du personnel enseignant du JTS où il eut la charge des études de Talmud et de théologie. Il fut nommé professeur de théologie en 1931, puis doyen et recteur du séminaire.
Il fut aussi conseiller du président Roosevelt pour les Affaires juives (1940), en tant que personnalité marquante de la communauté juive américaine.
Il publia de nombreux travaux sur l’histoire et la culture juives et édita entre autres « Jews : Their History », « The Culture and Religion » (1949 et 1960).
Ces réponses ont été publiées parmi d’autres et une excellente étude sociologique sur le peuple juif dans l’ouvrage d’ Eliezer Ben-Rafaël, « 50 Sages répondent à Ben Gourion » publié dans la collection voix et regards chez Balland
Article mis en ligne par Yeshaya Dalsace