Bonjour,
je n’ai pas l’honneur (encore) de connaître votre correspondant à Jérusalem, M. Michel Bôle-Richard. L’article qu’il a fait paraître dans l’édition du 20 avril 2008 sous le titre : "Un Franco-Palestinien condamné par un tribunal militaire israélien à la prison pour "complot"", me paraît typique du dérapage qui fait passer du travail journalistique honnête à l’écriture tendancieuse et au dérapage déontologique.
L’article est consacré à la condamnation de Salah Hamouri par un tribunal militaire pour avoir comploté d’attenter à la vie du grand rabbin Ovadia Yossef . Premier étonnement : les guillemets autour du mot "complot", comme si Bôle-Richard remettait en cause le fait même qu’il y ait eu complot. Or, quelques lignes plus loin, nous apprenons que non seulement il y a eu début d’exécution des faits (repérage des lieux et recherche des armes) mais que l’avocate d’Hamouri ne conteste pas le complot, mais le fait qu’il n’y avait pas de preuve d’intention de passage à l’acte. Ainsi, votre correpondant semble mieux connaître le dossier que l’avocate, et lui "sait" que cette accusation de complot n’est qu’une affirmation sans fondement de la justice israelienne.
Deuxième surprise : pour présenter le rabbin Ovadia Yossef , M. Bôle-Richard ajoute "connu pour ses positions anti-arabes et ses diatribes contre les Palestiniens". Je ne suis pas particulièrement en accord avec le rabbin Yossef, ni en matière politique, ni en matière religieuse, et je pense que son influence est souvent négative sur la société israélienne. Cependant le choix de la présentation par Bône-Richard joue de manière déguisée le rôle de justification du complot. Il n’aime pas les Arabes, donc il est normal que des Arabes pensent à l’assassiner.
Il y a la un relent d’apologie du crime qui fait frémir lorsqu’on le trouve sous la plume du correspondant du Monde.
Enfin, Bôle-Richard cite l’argument massue de l’"Association France-Palestine solidarité", à savoir la dénonciation du manque d’équilibre de la politique française intervenant en faveur du soldat franco-israélien enlevé par le Hamas, Guilad Shalit, et restant indifférente face à la condamnation du franco-palestinien Salah Hamouri. Que l’AFPS présente les choses ainsi, c’est son choix d’association militante. Mais l’on reste pantois de s’apercevoir que votre correspondant cite cet argument sans en montrer tout l’absurde, sans y voir rien à y rajouter, comme si son métier de journaliste ne servait qu’à servir de caisse de résonnance aux arguments d’une association qui n’est pas particulièrement objective.
Mais si M. Bôle-Richard avait été correspondant du Monde en Colombie, aurait il osé faire ou reprendre à son compte un parallèle du même genre entre la franco-colombienne Ingrid Bétancourt, enlevée par les Farc, et un membre des Farc franco-colombien condamné par la justice colombienne pour complicité d’attaque à main-armée ? La réponse est évidente, mais l’article de Michel Bôle-Richard montre que les régles de déontologie journalistique ne sont pas les mêmes à Jérusalem et ailleurs. En tout cas pour lui !
Dr Alain Michel, historien, éducateur et rabbin à Jérusalem.
