Le texte devait être lu en présence de Benito Mussolini, le 11 février 1939, à l’occasion du dixième anniversaire du Concordat entre l’Italie et le Vatican. Devant les évêques, le pape Pie XI avait ainsi prévu de tenir urbi et orbi [*un discours très dur contre le fascisme et le nazisme*], s’en prenant notamment à une « presse qui agit contre nous » et qui va jusqu’à « nier obstinément toute persécution en Allemagne », mais encore en invitant les prêtres à se méfier des « délateurs ».
[*Décédé durant la nuit du 10 février, le pape Achille Ratti (élu en 1922) ne prononcera jamais ce texte de rupture avec le fascisme*] que l’historienne Emma Fattorini vient de mettre intégralement en lumière provoquant une sérieuse polémique dans les milieux catholiques.
En fouillant dans les archives du Vatican (ouvertes depuis septembre dernier pour la période allant jusqu’à 1939), cette universitaire reconnue, professeure à La Sapienza de Rome, a non seulement retrouvé des passages inédits (les plus critiques) de ce discours de février 1939 mais a acquis la preuve que le très controversé Eugenio Pacelli ¬ alias [*Pie XII (1939-1958) ¬ aurait fait délibérément disparaître le texte.*] A l’ombre de Saint-Pierre, la nouvelle fait l’effet d’une petite bombe. Secrétaire d’Etat d’Achille Ratti, Pacelli-Pie XII est depuis les années 60 critiqué pour ses « silences » durant la Seconde Guerre mondiale mais ardemment défendu par une partie de l’Eglise.
Dans son ouvrage intitulé Pie XI, Hitler et Mussolini, la solitude d’un pape, Emma Fattorini affirme qu’ « à partir des nouveaux documents des archives secrètes du Vatican il existe une preuve certaine que, le pape à peine mort, Pacelli ordonne la destruction immédiate de toutes les copies de ce discours ». Le livre fait déjà l’objet d’attaques et de critiques venues principalement de partisans déclarés de Pie XII. La Ligue catholique antidiffamation dénonce « une nouvelle tentative de tordre le cou à la vérité à l’aide d’arguments captieux ».
L’Avvenire, le journal de l’épiscopat italien évoque la « confrontation forcée » entre Pie XI et son successeur et nie toute « solitude » du pape Ratti.
Pour Emma Fattorini, il ne s’agit pas d’opposer de manière radicale les deux papes, mais de constater, que, aujourd’hui comme hier, « il existe deux conceptions différentes de l’Eglise. Il y a d’un côté une idée de l’institution où c’est la dimension spirituelle qui prime et une autre conception qui pense davantage à l’aspect politique des choses ».
Fervent anticommuniste et partisan d’un certain apaisement avec Hitler et Mussolini sans être pronazi, Pie XII aurait ainsi suivi cette seconde voie.
A l’inverse, raconte l’universitaire, à partir de 1936, « Pie XI estime que le totalitarisme est incompatible avec la foi. Il demeure un grand conservateur, peu laïque, mais dès cette période il perçoit, et c’est l’un des seuls, qu’Hitler est l’ennemi principal ou encore que la conférence de Munich est une tromperie. En terme de danger imminent, le nazisme se substitue pour lui au bolchévisme ».
[*En mai 1938, Hitler se rend en visite officielle à Rome. Pie XI quitte alors ostensiblement le Vatican pour se réfugier dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo.*] Le 5 septembre, Mussolini publie un décret qui interdit aux enfants juifs de fréquenter l’école. Le lendemain, devant un groupe de fidèles belges, le pape déclare publiquement que [*« l’antisémitisme est inadmissible, car spirituellement nous sommes tous sémites ».*]
« La question n’est pas tant la destruction du discours par Pie XII mais le fait qu’il n’en a pas repris l’inspiration », insiste Emma Fattorini.
L’encyclique condamnant l’antisémitisme préparée sur la demande de Pie XI par le jésuite américain La Farge restera aussi dans les tiroirs après la mort du souverain pontife. Les révélations du livre interviennent quelques jours seulement après l’avis favorable à la béatification d’Eugenio Pacelli émis par la congrégation pour la cause des saints. Elles risquent de rouvrir la controverse avec les communautés juives, qui demandent au Vatican de bloquer la procédure tant que tous les documents concernant le pontificat de Pie XII n’auront pas été rendus accessibles aux historiens. Seuls ceux allant jusqu’à Pie XI sont désormais publics. Mais personne n’a encore pensé à béatifier ce dernier.
Extraits d’un appel à résister
« Il y a une presse qui peut dire tout contre nous en niant avec ténacité toute persécution en Allemagne, négation accompagnée de fausses et de calomnieuses accusations politiques comme la persécution de Néron s’accompagnait de l’accusation de l’incendie de Rome. » [...]
« Faites attention chers frères en Christ et n’oubliez pas que bien souvent il y a des observateurs ou des délateurs ¬ vous dites spie [« indic », en italien] et vous avez raison ¬ qui, par leur propre zèle ou sur ordre, vous écoutent pour vous dénoncer ensuite. » [...] « Pour être bref et complet, nous vous disons : ne confiez jamais au téléphone ce que vous ne voulez pas que l’on apprenne, car vous pensez que votre parole va à votre lointain correspondant alors qu’elle est interceptée. » [...]
Article publié dans Libération du 31 mai 2007
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