Son nouveau roman est beaucoup plus qu’un livre de politique-fiction : une exploration de ce qui ronge la démocratie américaine.
Il fallait oser réécrire l’histoire de l’Amérique des années 40. Philip Roth l’a fait !
Au fur et à mesure des pages, on voit les certitudes démocratiques de l’Amérique petite bourgeoise de la côte Est, s’étioler... Roth imagine le phénomène à travers ses yeux d’enfant. Son roman est construit comme un livre de souvenirs. Pure fiction ? Tout cela aurait très bien pu être vrai. C’est alors que le cauchemar commence.
Dans ce livre, Roth met en scène deux Amériques totalement différentes et opposées : celle du New Deal de Roosevelt ouverte aux nouveaux venus et profondément attachée aux valeurs de la démocratie et de la liberté face à celle, puritaine, conservatrice et xénophobe qui n’a nullement envie d’aller verser le sang de ses enfants pour la liberté du monde. L’isolationnisme a toujours été un grand sujet de débat aux États-Unis. Dans ce roman, le débat prend tout son sens. Contrairement à beaucoup d’autres livres de Roth l’objet de celui-ci n’est pas la réalité américaine, mais ce qui la hante – la « bête immonde » qui est en elle, et qui pourrait parfaitement se réveiller. Du coup, c’est notre regard même sur ce pays qu’il contribue à modifier, c’est-à-dire à dégager de toute confiance naïve, de toute crédulité.
Il y a un aspect ludique à lire un tel livre de politique fiction puisque le lecteur connaît le scénario véritable. On sait pertinemment cependant que l’imagination de l’auteur n’est pas totalement éloignée d’une possible réalité historique.
En toile de fond, on assiste au naufrage (hypothétique) du rêve américain cher à tant de juifs venus chercher fortune sur un continent où tout semblait possible. Roth est là pour nous rappeler que dans le possible il y a parfois aussi le pire.
Yeshaya Dalsace
Le Complot contre l’Amérique, traduit de l’anglais par Josée Kamoun, Gallimard, Paris, 2006, 476 pages, 22 euros.