Un mythe commun à toute l’humanité
Les histoires rapportant des déluges et la survie d’une poignée d’élus sont très répandues dans toutes les mythologies du monde, avec des exemples dans presque chaque société. L’homologue de Noé dans la mythologie grecque, ainsi, est Deucalion. Dans certains textes sanskrits, un terrible déluge est censé n’avoir laissé qu’un seul survivant, un saint nommé Manu, sauvé par Vishnu sous la forme d’un poisson. L’histoire de Yima (Jamshid), dans la tradition zoroastrienne, propose un récit très similaire, si ce n’est que l’élément menaçant toute vie est la glace, et non l’eau. Dans la mythologie chinoise, il est dit que Nuwa créa l’Homme à partir d’argile, et qu’il combla les trous du ciel avec des pierres colorées suite à un grand déluge provoqué par Gonggong, le dieu de l’eau. Des légendes de déluges ont aussi pu être mises en évidence dans les mythologies de nombreuses peuplades sans système d’écriture, parfois très loin de la Mésopotamie et du continent eurasiatique : ainsi des légendes de la tribu amérindienne des Ojibwés
Cela ne nullement dire que le récit est véridique mais garde en mémoire de vieilles peurs et le besoin d’expliquer la survie du monde aux catastrophes et le rôle central de l’homme comme responsable de la nature.
L’épopée de Gilgamesh
L’épopée babylonienne de Gilgamesh raconte les aventures d’Uta-Napishtim (en réalité une traduction de « Ziusudra » en akkadien), originaire de Shuruppak. Ellil (équivalent d’Enlil), chef des dieux, souhaite détruire l’humanité par un déluge. Uta-Napishtim reçoit du dieu Ea (équivalent d’Enki) le conseil de détruire sa maison en roseaux et d’utiliser ces derniers pour construire une arche, qu’il doit charger d’or, d’argent, de la semence de toutes les créatures vivantes ainsi que de tous ses artisans. Après une tempête de sept jours et douze jours supplémentaires passés à dériver sur les eaux, le navire s’échoue sur le mont Nizir. Sept autres jours plus tard, Uta-Napishtim envoie une colombe, qui revient, puis une hirondelle, qui revient également. Le corbeau, finalement, ne revient pas. Uta-Napishtim fait alors des sacrifices (par groupes de sept) aux dieux. Ces derniers sentent l’odeur de la viande rôtie et affluent « comme des mouches ». Ellil est fâché de ce que quelques humains aient survécu, mais Ea le sermonne : « Comment as-tu pu lancer ainsi un déluge sans réfléchir ? Sur le pécheur laisse reposer son péché, sur le malfaiteur son méfait. Abstiens-toi, ne laisse pas faire, et aie pitié, [que les hommes ne périssent point] ». Uta-Napishtim et sa femme reçoivent alors le don d’immortalité, et partent habiter « au loin, à l’embouchure des rivières ».
Face à de tels mythes, il est intéressant de comparer avec le récit biblique et d’en comprendre la volonté de l’introduire dans un contexte de monothéisme éthique. Il faut comparer les versions du mythe pour mieux saisir l’originalité de la version biblique et donc l’essence de son message.
Taille immense de l’arche
L’arche, selon les instructions de Dieu, devait faire trois cents coudées de long, la coudée étant une unité de mesure désignant la distance depuis le coude jusqu’au bout des doigts. De nombreuses coudées différentes ont été utilisées sous l’Antiquité, mais toutes partageaient de grandes similarités, et la plupart des études littéralistes s’accordent à donner à l’embarcation une longueur approximative de 137 mètres. En tout état de cause, c’est beaucoup plus que n’importe quel navire en bois construit au cours de l’histoire. D’après certaines sources, l’amiral chinois Zheng He, au début du XVe siècle, aurait disposé de jonques d’une longueur atteignant 122 mètres, mais ce chiffre pourrait être le fruit d’une exagération. La goélette Wyoming, mise à la mer en 1909, était longue de « seulement » 107 mètres et constitue le plus grand navire en coque de bois jamais construit et dont on peut attester l’existence avec certitude. Ce navire, d’ailleurs, avait besoin de supports en fer pour empêcher toute déformation et d’une pompe marchant à la vapeur pour remédier à de sérieux problèmes de voies d’eau : la construction et les défauts inhérents à ces grands bateaux en bois, dans l’Europe de la fin du XIXe siècle, indiquaient suffisamment que leur taille avait franchi les limites pratiques de ce type de matériau.
L’arche devait avoir un volume total d’environ 40 000 m³ et un déplacement égal à un peu moins de la moitié de celui du Titanic, soit environ 22 000 tonnes.
Et tout cela à l’âge de pierre ...
D’où viendrait l’eau ?
Le récit correspond à une vision de l’univers qui comprendrait d’énormes réserves d’eau en haut et en bas, la terre se trouvant au milieu.
Dieu ouvre les réservoirs d’en haut... cela suffit à inonder la terre.
Mais jamais la pluie qui vient de la mer (c’est toujours la même eau) pourrait faire monter le niveau ! Seule la fonte des glaces le pourrait, mais certainement pas au point de couvrir la moindre montagne...
Rassembler tous les animaux
Mission impossible ! La biodiversité et l’étendue du monde connues aujourd’hui rendent la chose totalement illusoire. Rassembler les animaux d’un zoo oui, mais pas plus...
Tout cela par une poignée de personnes...
Lecture littérale ?
Pour nous les fondamentalistes littéralistes qui prennent une telle histoire au pied de la lettre sont, soit des imbéciles, soit, et c’est plus grave, des gens malhonnêtes intellectuellement. Ils ont peur de leur propre bon sens ! Où pire, cherchent à manipuler les gens naïfs en s’aveuglant eux-même ! D’un point de vue du judaïsme, c’est une forme de paganisme du texte au sens littéral. Ils idolâtrent un texte au détriment de l’intelligence midrashique et du bon sens rationnel. Ils piétinent Maimonide et tous les grands commentateurs de la tradition talmudique qui ne se sont jamais laissés piégés par le sens immédiat de tels textes.
Ils sont hélas nombreux à penser comme cela dans une partie de l’orthodoxie radicale (pas la moderne), ont pignon sur rue et se permettent de présenter leur vision comme la seule légitime dans le judaïsme au détriment de toute autre...
Heureusement que la tradition textuelle juive, Talmud , midrash et commentaires offre des points de vue autrement plus riches et questionnant qu’une littéralité aussi primaire.
Messages
Bonsoir.
Incroyable comme des gens peuvent être étroits d’esprit !
« Pour nous, les fondamentalistes littéralistes qui prennent une telle histoire au pied de la lettre sont, soit des imbéciles, soit, et c’est plus grave, des gens malhonnêtes intellectuellement. Ils ont peur de leur propre bon sens ! »
Intéressant de voir votre remise en question ! C’est peut-être vous l’imbécile ? Non, je ne le pense pas, je suis plutôt d’avis que vous êtes intellectuellement malhonnête et vous avez peur de votre bon sens et de ce qu’il implique, comme vous le disent, bon nombre d’internautes ces derniers temps !
« Où pire, cherchent à manipuler les gens naïfs en s’aveuglant eux-même ! »
C’est peut-être votre cas, soyez objectif !! arrêtez de parlez au nom du judaïsme.
« Ils piétinent Maimonide et tous les grands commentateurs de la tradition talmudique qui ne se sont jamais laissés piégés par le sens immédiat de tels textes. »
N’étalez pas votre ignorance midrachique et talmudique, cela fait trop rire. Vraiment de la manipulation pour les naïfs…
Il n’y a pas de piège, arrêtez de vous faire entourlouper par des lectures de banalisation scientifique et de les retranscrire dans vos articles. C’est ridicule.
Cordialement.
Dr Gadget.
Cher Monsieur Gadget,
Désolé de vous avoir peut-être blessé par mes propos contre les littéralistes, j’attaque l’idée, pas les individus qui y voient leur vérité. Cela les regarde.
Je pense en effet que c’est une position stupide et même risible.
Beaucoup plus grave je pense que c’est une position qui discrédite totalement le judaïsme et en fait une religion abrutissante alors qu’il est censé faire réfléchir.
Maintenant, j’ai peut-être tort et le déluge tel qu’il est décrit, a vraiment existé au sens littéral.
Si vous adhérez effectivement à de telles thèses, ce qui parait surréaliste, auriez-vous la gentillesse de nous en faire la démonstration ? Ce serait bien.
D’où venait l’eau pour couvrir des montagnes de plusieurs milliers de mètres ?
Où en sont les traces ?
Comment l’humanité entière et toute la faune pourrait-elle n’avoir que 3800 ans d’existence ?
Comment le malheureux Noé a-t-il fait pour construire un tel bateau seul et réussi à rassembler toutes les espèces animales ?
Un esprit quelque peu raisonnable peut-il défendre une chose pareil ?
N’est-ce pas beaucoup plus raisonnable et proche de la réalité de ce texte que de le prendre pour ce qu’il est vraiment : un mythe fondateur indispensable.
Vous pensez qu’en n’acceptant pas le sens littéralement historique de ce récit, je manque d’objectivité.
Mais c’est bien l’objectivité scientifique et rationnelle qui emmène à ne pas prendre ce récit au pied de la lettre et non une posture idéologique subjective. Je suis d’ailleurs très étonné qu’il existe encore des gens pour penser le contraire… C’est assez incroyable ! presque autant que le déluge lui-même. Cela doit donc représenter un besoin profond. La psyché humaine est quelque chose de vraiment étonnant ! Je dirais même qu’il y tombent des cataractes… (mais pas de bon sens).
Sur la question beaucoup plus intéressante du « parler au nom du judaïsme », vous sous-entendez que je n’en ai pas la légitimité parce que je ne prends pas au sens littéral le déluge. Cela nous amène à réfléchir sur ce qu’est le judaïsme : la croyance dans le déluge ? où la tradition juive ?
De nos jours, seule une toute petite minorité de juifs pense de façon littérale, même dans le camp des ultra-orthodoxes , la plupart ne prennent pas le récit au pied de la lettre. Je ne suis donc pas tout seul, loin de là. Ce n’est donc pas moi qui devrais cesser de parler de judaïsme, mais la plupart des rabbins dans le monde.
Si le judaïsme reposait sur la croyance dans le déluge, ce serait déjà une religion quasi morte !
Quel intérêt y aurait-il dans une religion qui exigerait de croire des choses pareilles défiant le bon sens le plus commun ?
Quels besoins l’humanité aurait-elle d’une pareille doctrine ?
Pourquoi les juifs devraient-ils se battre pour leur survie comme nous le faisons, si le seul but de leur existence était d’affirmer une lecture infantile de textes symboliques (même mon fils de huit ans a dépassé ce stade !).
Le Judaïsme c’est tout autre chose, et cela n’a jamais été une doctrine définie, mais un système réfléchi.
Surtout, le littéralisme n’a jamais été la lecture juive de prédilection.
Bien au contraire, les rabbins ont toujours cherché le sens symbolique et moral de ce genre de récits et ne se sont jamais préoccupés de leur véracité historique.
Comme ils ne se sont pas gênés pour ajouter des détails croustillants et invraisemblables, mais qu’ils n’ont jamais voulu autre, pour appuyer une réflexion éthique ou herméneutique dans leurs différents commentaires.
C’est bien ce qui fait tout le charme et la richesse de la littérature rabbinique.
Ce n’est que très récemment, que l’on voit des gens (relativement marginaux) chercher à se raccrocher au sens premier de tels récits. C’est assez étonnant comme phénomène, mais votre réaction en montre la réalité.
Sociologiquement c’est une riche contribution que de venir écrire dans ce forum. La vraie question serait : est-ce que des juifs empruntant les pas de certains Protestant américains créationnistes, pensent encore en juif, c’est-à-dire de façon Midrashique ? Je vous renvoie donc ce questionnement.
En espérant que mes propos ne sont pas blessants, je n’écris nullement pour cela, mais poussent à réfléchir.
Yeshaya Dalsace