Voici la critique très pertinente à notre avis de Jacques Mandelbaum parrue dans Le Monde :
La Shoah est un continent si noir dans l’histoire de l’humanité et un tel défi à la représentation, qu’il ne faut pas s’étonner de voir le cinéma la contourner régulièrement, en vertu d’objectifs dont la dignité est assez variable. Evitant la mort de masse immédiate qui fut la règle pour la survie individuelle qui fut l’exception, le cinéma ne cesse donc de produire des "épisodes méconnus" de cette histoire, pour ne surtout pas avoir affaire à ce qui en est connu, qui refuse obstinément de s’inscrire dans le programme de l’industrie des loisirs.
Voici donc révélée, après les dizaines d’histoires de survivants et de Justes à plus ou moins juste raison mis en valeur par la romance cinématographique, l’histoire de l’opération "Bernhard". Mise en place en place en 1942 par les nazis, celle-ci aura consisté à créer dans le camp de Sachshausen un atelier de contrefaçon destiné à produire en énorme quantité de la monnaie anglaise et américaine pour déstabiliser les économies alliées.
Composé en grande partie de détenus juifs dont les métiers pouvaient être utiles à la réalisation de ce projet, l’histoire de cet atelier fut révélée au grand public par un des ses survivants, Adolf Burger, dans un livre intitulé L’atelier du diable. C’est de cet ouvrage dont Les Faussaires s’inspire, en faisant d’un des plus célèbres faussaires de l’époque, le juif russe Salomon Smolianoff, ici rebaptisé Salomon Sorowitsch, son personnage principal. Prince de la contrefaçon, son savoir est aussi précieux au projet nazi qu’à sa propre survie. C’est à ce pacte ambigu et à ses implications morales qu’est dévolu le film, qui, non dénué de platitude, ne se révèle pas à la hauteur des implications abyssales de son propos (le thème du juif faussaire qui doit sa survie aux nazis n’est en effet pas anodin).
Film germano-autrichien de Stefan Ruzowitzky avec Karl Markovics, August Diehl. (1 h 38.)