rassemblent des informations personnelles sur des utilisateurs sans leur consentement. Cette information est alors employée dans des buts de publicité et de vente. Quelle est la position de la Halakha sur ces pratiques ?
Responsum :
À première vue, ces questions semblent insignifiantes. Qu’importe-t-il si quelqu’un distribue mes statistiques essentielles et qu’en conséquence je reçois des imprimés publicitaires ou des coups de téléphones ? Mais en fait, ces pratiques révèlent un phénomène beaucoup plus sérieux - l’incapacité de l’homme moderne à maintenir son intimité et sa confidentialité. Nous vivons une époque de perte d’intimité. Il y a pléthore de journaux et programmes de « divertissement » consacrés entièrement au bavardage et à la calomnie. Nos statistiques essentielles et nos dossiers médicaux sont enregistrés sur des ordinateurs qui peuvent être piratés sans trop d’effort.
Les partisans de ces violations de l’intimité invoquent le « droit de savoir pour le public ». Pourtant, ce principe n’existe ni dans la loi juive ni dans la loi civil. Au contraire, nous verrons ci-dessous, que dans le judaïsme chaque être humain a le droit à l’intimité et à la confidentialité, à moins que lui-même y renonce volontairement.
Par conséquent, la halakha interdit la révélation des statistiques ou des informations confidentielles sur quiconque sans permission exprès de la personne en question. Cette conclusion est basée sur quatre prohibitions, allant du général au cas spécifique.
I) Intimité visuelle : Hezek R’iyah
Tout d’abord, la Torah elle-même prône clairement le grand respect pour l’intimité visuelle.
Dans la Genèse 3:7, il est dit qu’Adam et Eve « ont vu qu’ils étaient nus et ils ont cousu ensemble des feuilles et se sont faits des vêtements ». Plus tard, dans la genèse 9:20 - 27, nous voyons l’histoire de Noé ivre dans sa tente. Ham, père de Canaan, regarda la nudité de son père et le dit à ses frères Shem et Yefet. Ceux-ci prirent un tissu et marchèrent en arrière, couvrant la nudité de Noé sans regarder. Quand Noé s’est réveillé, il a maudit Canaan et a béni Shem et Yafet. La Torah indique donc clairement l’importance de l’intimité visuelle de l’être humain et condamne ceux qui violent ce droit fondamental.
Dans la Mishnah, ce droit à l’intimité visuelle a donné naissance au concept du « Hezek R’iyah » concernant les dommages provoqués par le regard.
La Mishnah dans le traité de Bava Batra 3:7 l’exprime clairement : « Dans une cour commune, une personne ne devrait pas ouvrir une porte vis-à-vis d’une porte et une fenêtre vis-à-vis d’une fenêtre ». Le Talmud (Bava Batra 60a) apprend ce principe de Balaam.
Il est raconté dans le livre des Nombres 24:2,5 que Balaam a vu le campement d’Israël réparti selon ses tribus, après quoi il déclama « Qu’elles sont belles, tes tentes, ô Jacob ! Tes demeures, ô Israël ! ». Le Talmud ajoute « Qu’a-t-il vu de si beau ? Il a vu que leurs ouvertures de tente n’étaient jamais face à face. Il a dit : ceux-là sont dignes que la présence divine repose sur eux ».
Dans le Shulhan Arukh (Hoshen Mishpat 154:7) le Rama ajoute qu’il est interdit de se tenir à sa fenêtre et de regarder dans la cour de son voisin « de peur de lui nuire en regardant ». Le Shulhan Arukh (ibid., 154:3) ajoute que si Reuven veut ouvrir une fenêtre dans une cour commune, Shimon peut l’en empêcher, et si Reuven ouvre la fenêtre sans sa permission, Shimon peut la faire bloquer.
II) Intimité face aux intrus
Un deuxième type d’intimité protégé par la Halakha est l’intimité du domicile contre des intrus non désirés ou inattendus. Cette position est exprimée dans trois récits de la Haggadah. Les deux premiers déclarent qu’on ne devrait pas entrer dans une maison, même la sienne propre, sans avertissement.
Rabbi Shimon bar Yochai (deuxième siècle) dans Lévitique Rabbah (21 : 8, E-D. Margaliot, pp. 486-487) déclare : « Dieu déteste quatre choses que je déteste également… et le fait qu’une personne entre dans sa propre maison soudainement et - a fortiori - dans la maison de son voisin. »
Le midrash raconte que Rabbi Yohanan se raclait la gorge avant d’entrer dans la maison de Rabbin Hanina afin de s’assurer qu’il n’envahissait pas n’importe quelle intimité.
Nous apprenons dans Pesahim 112a que « Rabbi Akiva commanda sept choses à son fils Yehoshua : mon fils… n’entre pas dans ta propre maison soudainement, a fortiori dans la maison de ton prochain ».
La troisième source va encore plus loin. Midrash Lekah Tov (sur Lévitique 1:1, P. 3) déclare qu’on ne peut pas entrer dans la maison de son prochain sans permission et il apprend ce principe de Dieu lui-même !
Dans Exode 40:35 il est dit que Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente d’assignation, tandis que Lévitique 1:1 implique que Dieu a parlé à Moïse dans la tente. « De ceci nous apprenons qu’une personne ne devrait pas entrer dans la maison de son ami à moins que son ami [c.-à-d. Dieu !] lui en donne la permission. »
En outre, la protection contre des intrus a également trouvé une base légale.
Dans Deutéronome 24:10 - 11, la Torah interdit à un créancier d’entrer dans la maison d’un débiteur afin de prendre un gage : « Si tu fais à ton prochain un prêt quelconque, tu n’entreras point dans sa maison pour te saisir de son gage ; tu resteras dehors, et celui à qui tu fais le prêt t’apportera le gage dehors. »
Les rabbins ont ajouté que même un dirigeant de la cour peut ne pas entrer dans la maison du débiteur afin de prendre un gage (Sifrei Devarim, par. 276, E-D. Finkelstein, P. 295 ; Tosefta Bava Metzia 10:8, E-D. Lieberman, pp. 118-119 ; Bava Metzia 113a-b) et ceci a été codifié par Maimonide (Hilkhot loveh Ve Malveh 2:2) et le Shulhan Arukh (Hoshen Mishpat 97:6).
Ainsi, même une personne avec une excellente raison ne peut pas violer l’intimité d’une autre personne.
III) Protection du courrier :
Le Herem de Rabbeinu Gershom
Un troisième type d’intimité protégé par loi juive est l’intimité du courrier défendu par le herem (interdiction) de Rabbeinu Gershom (Allemagne, 960-1028). Il est l’auteur réputé d’une série de takkanot (règlements rabbiniques régissant divers aspects de la vie). Les takkanot qui lui sont attribuées indique que « on ne devrait pas lire la lettre de son prochain » et certaines versions de ajoutent : « sans sa connaissance et sans sa permission ». Jusqu’à aujourd’hui, certains juifs observant écrivent le hdr’’g (חדר " ג), une abréviation de « herem de rabbeinu Gershom », sur l’extérieur de leurs lettres.
IV) Confidentialité
En plus de toutes les lois et récits ci-dessus qui cherchent à protéger l’intimité d’une personne, il existe des sources qui interdisent la révélation de secrets ou d’informations confidentielles en exigeant la permission de la personne concernée avant toute divulgation de l’information.
Le livre des Proverbes 11:13 déclare « Celui qui répand la calomnie dévoile les secrets, Mais celui qui a l’esprit fidèle les garde. ».
La Mishnah (Sanhedrin 3:7) emploie ce verset, ainsi que Lévitique 19:16, « Tu ne répandras point de calomnies parmi ton peuple. Tu ne t’élèveras point contre le sang de ton prochain. Je suis l’Éternel. » pour enseigner que des juges ne sont pas autorisés à divulguer leurs débats une fois le verdict prononcé.
Cette règle a été codifiée par le Rif (Sanhedrin, E-D. Vilna, fol. 9a) et par Maimonide (Sanhedrin 22:7).
Le Talmud (Sanhedrin 31a) ajoute une histoire au sujet d’un étudiant qui révéla un secret de la maison d’étude vingt-deux ans après le fait. Il n’est pas clair de quel genre de secret il s’agit ; Rashi indique que c’était une certaine calomnie ou un bavardage. De toute façon, Rav l’a jeté hors de la maison d’étude, en déclarant : « C’est un révélateur de secrets ! »
Cette source a inspiré le rabbin Eliyahu ben Hayyim de Constantinople (1530-1610) qui décida que si un des dirigeants communautaires révèle le contenu des discussions du Conseil communautaire, il doit être éliminé de ce Conseil.
La dernière source que nous porte directement sur notre cas.
Nous lisons dans le Talmud (Yoma 4b) : « Comment savons-nous que quand une personne dit quelque chose à son ami, ce dernier doit ne pas le répéter tant que son ami lui dise « va et dis-le » ? Comme il est écrit (Lévitique 1:1) : « L’Éternel appela Moïse ; de la tente d’assignation, il lui parla et dit… »
Cette source a été codifiée par Rabbin Moïse de Coucy (France, 1236, Semag, commandements négatifs, 9) et par Rabbin Abraham Gumbiner (Pologne, 1637-1683, Magen Avraham sur Orah Hayyim 156, milieu de sous-paragraphe 2).
Cette règle signifie qu’on ne peut pas révéler une confidence sans permission expresse du confident.
Il est donc clair que la loi et la tradition juives interdisent à des entreprises ou des associations d’indiquer des informations particulières sur ses clients à d’autres entreprises ou associations sans permission exprès de la personne en question. Cela par respect du principe de protection de l’intimité et en raison de la prohibition spécifique de divulgation des secrets.
Il est évident qu’il sera difficile de changer l’attitude de la société envers l’intimité et la confidentialité. Mais par notre opposition aux pratiques prétendues insignifiantes décrites dans la question, nous pouvons commencer à réveiller la conscience du public face à ce problème et tout faire pour préserver l’intimité de chaque individu comme l’exige la tradition juive.
Hoshen Mishpat 154:3, 7
(Traduction Yeshaya Dalsace)
Messages
Bonjour,
Je ne suis pas juive...mais j’apprends depuis peu à le devenir...de tout mon coeur...
Ma motivation est que je suis tombée amoureuse d’un juif , à qui j’ai avoué mes sentiments et qui ne veux rien savoir...
Je me suis remise en question, pur essayer de comprendre...et en lisant ces paragraphes sur l’intimité (mot qu’il a employé un jour pour me répondre), je me suis dit que comme il est marié, il doit suivre les lois juives.
Pouvez-vous m’éclairer sur cette question.
Todah rabah...
Bonjour,
Est-ce normal, que je n’ai pas eu de réponse à ma question....
Merci
Cordialement