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Violence et religion

Violence et religion

Peu après, Dieu éprouva Abraham. Il lui dit : « Abraham, » il répondit « Me voici » et Dieu dit : « prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac et va au pays de Moriah, offre le, là-bas, en holocauste sur une des montagnes que je t’indiquerai ».

Ces paroles devraient nous terrifier, mais elles sont issues d’un texte canonique, d’un texte Biblique que nous lisons à Rosh   Hashana, jour parmi les plus importants de l’année Juive lithurgique, et dans ce texte Dieu ordonne à un être humain de sacrifier un autre être humain.

Même si Dieu voulait seulement éprouver la foi d’Abraham, ça n’en reste pas moins horrible et qui plus est, après cela, que pouvons-nous bien dire à toute personne, de notre religion ou d’une autre religion, qui affirmerait que sa violence est justifiée, puisque selon lui c’est la voix même de Dieu qui prêcha un jour à la violence ?

Lorsque nous lisons le récit d’une telle violence, nous ne pouvons nous empêcher de penser aux attaques suicides des terroristes à New York ou à Londres, aux Imams interviewés dans les media, qui les uns après les autres justifient en les expliquant leurs textes les plus terrifiants et violents.

De même qu’il y a des textes du Coran et du Haddith très violents, de même il y a des textes très violents dans le Nouveau Testament et les Pères de l’Église. Il y a aussi des textes effroyables dans notre Bible juive. Certains de nos versets Bibliques appellent à faire la guerre à nos ennemis, certains versets prônent l’annihilation de peuples entiers. Et dans la personne de Samson, nous trouvons même un héros kamikaze Juif, qui s’est suicidé en tuant des ennemis dans une tentative désespérée de vaincre une société qui menaçait son droit à l’existence et son mode de vie.

Ces textes terribles si on les regarde objectivement ne sommeillent pas oubliés, sous la reliure de livres qu’on ne lit jamais, mais ils font partie intégrale de nos textes de référence. Ces textes ont, hélas, réussi à inspirer des actes de terrorisme juif d’une grande violence, comme le meurtre politico-religieux d’Itzhak Rabbin   par Yigal Amir, juif religieux fanatique. Le Premier ministre Rabbin   a été assassiné par quelqu’un qui justifiait son acte à partir de textes Bibliques et rabbiniques. Plus récemment, Eden Natan-Zada conduisit un bus vers le village Druze de Shafran où il tua quatre Arabes innocents, assassinat inspiré lui aussi par des versets terriblement violents. On pourrait allonger la liste de ce genre de positions violentes. La religion juive est donc également dangereuse potentiellement, en tout cas quand elle est comprise par des fanatiques.

Nous vivons en effet, dans un monde où les dangers de la « foi » Juive, Musulmane ou autre apparaissent plus clairement que jamais. Quelle réponse apporter à cela ?

Certains pensent qu’il faudrait absolument tordre le cou à toute religion, en oubliant un peu vite que les laïcs et les athées sont capables de bien pire. La réponse n’est donc pas dans une suppression de la religion ou dans le combat des principes de la foi, mais dans le fait de mettre en avant une lecture modérée et lucide de la religion. Je crois que pour le Judaïsme le mouvement Massorti   offre d’excellentes réponses au fanatisme potentiel et à la violence de ces textes. Pour commencer, nous essayons toujours de replacer ces textes dans leur contexte historique. Dans le cas de la ligature d’Isaac par exemple, de la situer dans une époque où le sacrifice d’enfants était chose courante. Dans le cas des versets génocidaires des Nombres (chap.31), de les situer à une époque où seule la guerre totale permettait de résoudre les problèmes des jeunes états embryonnaires ou encore n’y voir qu’un discours théorique ne reposant sur aucune réalité historique. En tout cas, relativiser ce genre de textes et ne pas accepter qu’ils puissent en aucun cas représenter pour nous un exemple, à moins d’y voir un combat intérieur symbolique sans concession, mais alors bien loin de sens premier.

Si notre lecture d’un texte, écrit à une époque ancienne, est la même que s’il s’agissait d’un texte d’actualité, alors même qu’il traite d’un temps révolu, c’est que nous sommes devenus des intégristes. Quand des religieux nient l’histoire et le passage du temps, ils ne font pas preuve de piété ou de fidélité à une tradition, au contraire, ils agissent stupidement en montrant combien la religion pourrait devenir un mode de pensé condamnable et incompatible avec les valeurs de l’humanisme et de la morale.

La phase suivante consiste à comprendre comment notre tradition aborde les textes devenus obsolètes.

Le Judaïsme a toujours évolué tout au long de sa longue histoire. Siècle après siècle les plus importants Rabbins   ont utilisé différentes méthodes d’exégèse pour garantir que notre Tradition demeure moralement et éthiquement exigeante et sacrée. Lorsque certains crimes étaient théoriquement passibles de la peine de mort par la Tora, les rabbins   du Talmud   ont pris soin de rendre la sentence inapplicable. Une façon comme une autre de « stériliser » un texte qui ne leur plaisait pas.

Les Rabbins   ont trouvé le courage de changer les intentions pourtant très explicites des textes Bibliques… Le phénomène ne date pas du Talmud  , on le trouve dans la Bible elle-même. En effet, Abraham négocie avec Dieu pour qu’Il épargne les justes de Sodome et Gomorrhe, Moises plaide auprès de Dieu la cause des enfants d’Israël après le veau d’or. Quand Moïse reçoit un verset qui semble un appel au meurtre du peuple de Sihon tout entier, il s’oppose à Dieu et change la consigne en négociation de paix. Cela montre que la parole divine est toujours discutable et que le Judaïsme ne repose pas sur la soumission à des ordres inadmissibles.

A toute époque de l’histoire du judaïsme, les rabbins   se sont efforcés d’adapter la Tora à la nécessité de l’heure et à la mentalité du temps tout en restant dans une tradition qui nous relie à l’époque du Sinaï. En Hébreu, cette chaîne ininterrompue mais vivante, cette tradition qui se déroule au fil du temps et de l’espace est appelée Massora – d’où vient le mot Massorti   : traditionaliste. Si nous nous éloignons de cette chaîne de transmission, si nous arrachons nos racines, nous perdons tout notre merveilleux héritage juif, au risque de devenir aussi inconstants et changeants que l’époque où nous vivons.

Un Juif Massorti   comprend la beauté et la sainteté de nos traditions les plus anciennes, mais un Juif Massorti   comprend aussi comment ces traditions vivantes se sont mises en place, ont évolués et ont été préservées au cours des derniers millénaires. Un juif Massorti   est lié à son passé, mais le comprend dans la perspective du temps présent.

Nous n’affirmons pas que la Tora est immuable et statique, pas plus que nous ne choisissons de laisser notre Massora derrière nous.

En tant que Massorti  , nous avons les instruments intellectuels pour étudier des textes violents en les contextualisant. Un Juif Massorti   sait prendre ces textes avec distance tout en devenant encore plus compatissant et pacifiste. Comme Massorti  , nous considérons l’intégrisme comme un échec cuisant du Judaïsme, nous ouvrons la voie à d’autres façons de préserver notre précieuse spiritualité par une lecture anti fondamentaliste tout en respectant les commandements de la Tora. Nous devons comprendre et mettre en pratique les commandements de toujours chercher la justice, d’aimer l’étranger, de traiter tout être humain comme une créature à l’image de Dieu. Nous devons comprendre et appliquer le système d’interprétation et de réinterprétation qui nous permet de garder vivante notre tradition et qui est absolument vital aujourd’hui.

Notre choix comme Juifs Massorti   est de préserver notre histoire, notre tradition, notre foi et de nous efforcer d’améliorer ce monde, afin que, malgré la violence perpétrée au nom de la religion, la nôtre ou d’autres, la paix et la concorde s’installent entre les hommes et que nous Juifs Massorti   ayons un rôle vital à jouer dans les progrès de notre monde.

Rabbin   Jeremy Gordon

Messages

Violence et religion

Au nom de la religion, que d’horreurs commises : inquisition, pogroms, croisades, conversions forcées sur tous les continents, guerre protestants/catholiques européens (encore frémissante en Irlande), massacres perpétuels en Afrique, guerres musulmans/boudhistes en Inde, génocide Tibétain actuel, Darfour, persécutions des non-musulmans et des non-religieux en terre d’Islam, sans compter sur toute la planète : le terrorisme par fanatisme religieux et les actes individuels de haine religieuse.
 Et si la religion faisait plus de mal que de bien à l’humanité ?
 Comment des gens extrêmement érudits dans leur foi respective deviennent-ils aussi sanguinaires au lieu de trouver la sagesse dans la piété ?

Ne mélangeons pas tout !

Une partie des conflits que vous citez n’ont rien de religieux et sont des conflits nationaux et économiques. La religion est souvent instrumentalisée pour servir d’autres causes.

Les idéologies laïques ont commis les pires massacres du 20e siècle, dans une dimension qu’aucune religion avait jamais imaginé.

Le fanatisme religieux peut en effet conduire au pire, comme tout fanatisme. Cependant, il ne faut pas oublier que les religions et plus particulièrement les spiritualités ont souvent poussé les hommes à des actions formidables.

Je ne crois pas que si on faisait le bilan, il devrait être négatif.

De toute façon, attention à la tendance moderne de la mémoire courte et de l’amalgame. Les religions et les spiritualités sont une très belle chose, le fanatisme reste à combattre absolument.

Rabbin   Yeshaya Dalsace

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