En lisant le début de notre parasha , je n’ai pu m’empêcher de faire un lien avec le film de Charlie Chaplin, "Les lumières de la ville".
Le synopsis du film est connu : Charlot, l’eternel vagabond, rencontre une jeune vendeuse de fleur aveugle. Il réussit à trouver l’argent qui permet de la soigner et de lui rendre la vue. La dernière scène, qui est le véritable point d’orgue du film, est décrite ainsi par Chaplin lui-même : " Elle observe l’aspect pathétique du petit vagabond saisi par la surprise et ne comprend pas pourquoi il fixe sur elle un regard persistant. Elle est franchement embarrassée, mais elle lui offre aimablement une fleur et une pièce de monnaie. Ne la quittant toujours pas des yeux, il accepte la fleur. Et, comme elle lui prend la main pour y mettre la pièce, quelque chose d’étrange s’empare d’elle. Petit à petit, elle réalise que ce petit homme est son bienfaiteur. Elle le voit enfin !"
En réalisant son film, Charlie Chaplin a réussi un double tour de force. Le premier, celui de faire un film muet à un moment où les films parlants sont devenus la norme. Le deuxième, c’est celui de [*nous montrer ce qu’est véritablement voir : la possibilité de reconnaître l’autre.*]
Notre parasha commence par l’ordre concernant l’allumage du candélabre du Temple : "Et quant à toi ordonne aux enfants d’Israël et ils prendront pour toi une huile pure d’olives concassées pour le luminaire, afin d’alimenter la lumière permanente".
Le midrash Tanhouma pose la question : pourquoi Dieu, créateur de toute lumière, a-t’il besoin que l’on allume une lumière devant lui ? La réponse du midrash est la suivante : "Le Saint, béni soit-il, a dit : ce n’est pas par besoin de la lumière des êtres de chair et de sang que je vous ai avertis à propos des lumières, mais c’est pour que vous sachiez comme je vous aime".
Quelle est donc cette bonté que nous fait Dieu à travers le candélabre du Temple ? La réponse se trouve dans le traité Bérakhot du talmud de Babylone (27 a) : "celui qui rêve d’huile d’olive qu’il s’attende à la lumière de la Torah, comme il est dit : et ils prendront pour toi de l’huile pure d’olives concassées".
La lumière qui a illuminé le monde lors de la création n’était pas seulement celle que nous voyons chaque jour autour de nous, mais c’était avant tout la lumière de la Torah. L’allumage du candélabre dans le Temple est le symbole de cette lumière de la Torah que nous devons répandre et augmenter. Comme Charlot dans son film, nous devons mobiliser tous nos efforts et tous nos moyens pour allumer cette lumière, pour nous-même comme pour l’autre. En étudiant, en parlant, en communiquant autour de la Torah, chacun à son niveau, nous découvrons également "l’Autre" par excellence, notre bienfaiteur, celui qui nous a donné cet ordre pour notre bien à nous, même si nous croyons le faire pour Lui et pour respecter Ses ordres.
Mais il y a sans doute une analogie supplémentaire avec le film de Chaplin. Celui-ci a su, pour réaliser un chef d’œuvre, ne pas céder aux sirènes de la mode, mais il a utilisé la possibilité du parlant de manière partielle pour réaliser une bande-son qui conservait la magie du muet. Il en est de même pour l’étude de la Torah.
Celle-ci peut être faite en se servant des progrès de la science et des techniques, mais à condition de respecter l’essence de l’étude elle-même.
Si nous savons le faire, et parvenir à l’équilibre entre la lumière de la tradition et les échos du progrès, alors notre approche de la Torah sera, elle-aussi, de l’ordre du chef d’œuvre.
Rabbin Alain Michel – Rabbin Massorti à Jérusalem et historien
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Eclairer Dieu
Ainsi commence notre parachah : « Et toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël qu’ils te prennent de l’huile d’olive pure fine pour le luminaire, afin de faire monter une flamme toujours » (Exode 27,20). « Toi », c’est bien sûr Moïse. Et ce qu’il s’agit de demander aux enfants d’Israël, c’est la préparation de l’huile qui sera utilisée pour le chandelier – la Ménorah – qui se trouve dans la tente de la Rencontre et qui doit éclairer de sa flamme l’intérieur de cette tente – le Saint. C’est donc une fonction centrale, puisque cette lumière doit permettre à l’homme de pénétrer dans l’intériorité du sanctuaire et de pouvoir y faire son travail – le travail du prêtre face à la Transcendance.
Or ce qui est étrange, c’est que la Transcendance n’ordonne pas ici elle-même ce qu’elle veut aux enfants d’Israël, mais demande à Moïse de le faire à sa place ! Comme si dans ce cas précis, la volonté divine devait se retirer pour en appeler à la responsabilité de l’homme : il faut que Moïse lui-même prenne sur lui d’engager les hommes à apporter cette huile, pour avec elle et grâce à elle faire monter une lumière toujours. Pourquoi cette dépendance par rapport à l’homme et à son désir ?
Le midrach creuse encore la question en faisant remarquer que Dieu est la lumière du monde, et qu’il n’a donc aucun besoin que nous fassions monter notre lumière à nous devant lui ! C’est nous qui avons besoin de sa lumière – dans l’obscurité de nos vies où nous marchons la plupart du temps à tâtons -, et non lui de la nôtre ! Alors pourquoi cette lumière fragile et humaine – de simples bougies – pour illuminer ce qui est censé être le lieu de résidence de la Lumière du monde ?
C’est que si Dieu n’a pas besoin de notre lumière, il la désire. Et le sanctuaire dans son fonctionnement est le lieu d’expression de ce désir : il la désire au point de faire dépendre de cette lumière la capacité même d’éclairer l’intériorité de son sanctuaire ! Comme si la fonction du sanctuaire était d’exiger de nous de faire émerger cette lumière qui n’appartient qu’à nous et qui seule peut donner sens au sanctuaire, c’est-à-dire au retrait de Dieu dans le Saint des Saints, à son Tsimtsoum entre les deux chérubins. La lumière divine s’est réduite en ce lieu, pour que notre lumière puisse émerger face à elle et éclairer l’autre côté du voile, celui du Saint.
Qu’est-ce que cela signifie ? Tout d’abord, qu’il nous faut travailler le monde, le protéger, le développer, le faire grandir comme on fait grandir un olivier, avec patience, art et générosité, pour ensuite travailler son fruit de telle manière à en faire émerger le suc, la quintessence, le nectar qu’il portait en lui mais que seule notre activité dans la finesse de son discernement peut porter à l’expression.
Une fois ce discernement agi et ce travail abouti, il faut le faire rentrer dans le sanctuaire pour l’élever en le transformant en lumière. Cette transfiguration du travail en lumière est l’avènement du monde au sens au cœur du sanctuaire : désormais l’homme est capable d’éclairer ses propres actes par ce travail d’élévation qui constitue la lumière. Ce sens n’est pas le sens divin qui reste caché et inaccessible derrière le voile du Saint des Saints, mais il y répond et en conditionne l’approche : c’est le sens de l’humain, que Dieu désire en nous y invitant.
On comprend dès lors pourquoi Dieu ne peut pas lui-même ordonner un tel acte : celui-ci doit venir de l’homme et de son désir, de son initiative. Dieu ne peut qu’en appeler à l’homme pour que celui-ci élève son propre sens, sa propre lumière dans le monde, et ainsi donne sens et lumière à la création même de Dieu. C’est le travail de montée de l’homme vers le sens qui donne sens à l’univers que Dieu a créé en se retirant de lui pour en appeler à la lumière humaine.
C’est pourquoi le midrach Tanhouma (Tetsaveh 2) affirmera que la lumière du Temple est préférable à la lumière des astres. Seul le travail de l’homme peut élever la nature à sa vraie lumière, celle où l’humain répond à la lumière divine en donnant sens à sa création. Mais cela suppose l’épreuve du rite, qui fait monter le travail à son sens en le transformant en lumière. Cette lumière est à même d’éclairer le monde : ce n’est plus la lumière du monde qui éclaire l’intériorité humaine en la réduisant à n’être que l’expression de forces qui la travaillent, la dominent et l’annihilent, c’est l’intériorité humaine lorsqu’elle s’élève à la sainteté qui devient capable d’éclairer le monde et de lui donner sens. Le but du désir de Dieu est bien ainsi en se retirant de nous faire surgir à notre propre désir devant Lui, à notre propre lumière et à sa sainteté.
Yedidiah Robberechts
Royaume de prêtres ou royaume avec des prêtres ?
Une fois le sanctuaire décrit dans ses détails, il faut en assurer le fonctionnement par l’intermédiaire des prêtres.
On va donc d’abord veiller à les doter de vêtements de fonction (chapitre 28), puis à les investir en bonne et due forme (chapitre 29). C’est en grande pompe donc que doit se faire l’intronisation de ce premier Machiah, puisque les prêtres sont consacrés par une onction d’huile.
Mais un détail n’a pas échappé à nos commentateurs : cette parachah ne comporte pas le nom de Moïse ! C’est bien sûr Moïse qui initie toute cette cérémonie et qui investit son frère Aharon dans sa nouvelle fonction. Mais son nom n’est mentionné nulle part. Comme si le texte voulait nous laisser entendre une certaine réserve de Moïse face à la médiation religieuse du prêtre. Pourquoi ? N’est-ce pas lui-même qui a annoncé au peuple qu’il devait être « un royaume de prêtres et une nation sainte » (Exode 19,6) ?
Mais peut-être voulait-il parler d’un royaume de prêtres, et non pas d’un royaume avec des prêtres ?
Autrement dit, une fois le sanctuaire en place, chacun aurait dû pouvoir y venir et y fonctionner comme prêtre en fonction des exigences du lieu et du temps. C’est donc l’ensemble du peuple qui aurait dû fonctionner comme prêtre, et pas une petite élite formée et spécialisée en ce sens.
Que s’est-il passé pour que ce qui devait être l’apanage de tous soit ainsi réduit à un petit groupe de spécialistes ?
La réponse pour une partie des commentateurs se trouve dans la parachah suivante, avec l’épisode du veau d’or. Mais l’on peut comprendre déjà les craintes de Moïse de la façon suivante : Moïse voulait que tout le peuple devienne capable de relation directe avec la Transcendance (« qui donnera que tout le peuple de la Transcendance soit prophètes » Nombres 11, 29), et pas seulement une élite institutionnelle qui en s’arrogant ce pouvoir sur les autres risquait d’en mésuser et d’en abuser. D’où sa réticence face à cette spécialisation nécessaire : le peuple ne risquait-il pas de se décharger de sa responsabilité face à la Transcendance en la transférant sur le prêtre ? Les prêtres feront bien le nécessaire pour obtenir le pardon, arranger les bidons, et l’on pourra dormir tranquille sans plus trop se poser de questions…
Ne sommes-nous pas trop souvent en proie à ce même problème aujourd’hui : puisque les rabbins sont là, ils pensent pour nous, répondent à tout pour nous, et il suffit de croire en eux pour être sauvé !
Moïse a peur de cet endormissement dans le ronron bien huilé (Machiah !) d’une religion qui nous permet de ne plus penser et de nous croire arriver en nous déchargeant sur d’autres de notre responsabilité irréductible.
Car c’est à chacun de nous que la Transcendance en appelle personnellement, et c’est dans cette recherche d’une responsabilité irréductible que les prêtres peuvent intervenir pour nous aider. Sinon tout risque de tourner à vide et de sonner creux…
C’est peut-être pour cela que chaque vendredi soir, en accueillant le Chabat, on chante : « hit’oreri, hit’oreri » ! Réveille-toi Israël, pour que puisse venir ta lumière.
Yedidiah Robberechts
Messages
Shalom a tous !
Quel belle paracha ! Je me voie à la place de Charlot lorsque j’allé à là cyna et qu’en ne voluait pas de ma presence, personnes n’as chercher a me voie, je n’ai pas eu droit de chercher la lumière de la torah. J’attand mon D... Adilhaze.