Pour la Halakha le principe de responsabilité l’emporte sur le principe de liberté et de jouissance. Si chacun est « libre » de s’empoisonner, il a la stricte interdiction d’empoisonner les autres. C’est le principe même de responsabilité envers autrui exprimé à contrario par Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère » et dans la bouche de Moïse « tu ne te tiendras pas immobile sur le sang de ton frère ». Il est donc évident qu’il est strictement interdit (deorayta) par la Halakha de fumer dans les lieux publics.
Il est donc tout à fait légitime d’interdire de fumer dans les lieux publics.
Quant à fumer individuellement, c’est un interdit (deorayta également) car cela nuit gravement et surement à la santé. Nuire à sa propre santé est un interdit strict de la Tora. Cela repose sur le principe que notre propre existence nous dépasse, qu’elle est un bien que nous n’avons pas le droit de galvauder.
On ne peut bien évidemment pas contraindre quelqu’un à protéger sa santé et à arrêter de fumer. Cependant si un fumeur est un Juif shomer mitsvot, il doit tout faire pour arrêter de fumer.
Rabbin Yeshaya Dalsace
Responsum complet sur l’interdit de fumer (en hébreu) en pdf
L’interdiction de fumer dans les lieux publics a entraîné une diminution du nombre d’infarctus
http://www.lemonde.fr/sciences-et-e...
Vision orthodoxe du problème
Sans vouloir polémiquer mais pour information, voici comment le sujet est traité du côté orthodoxe . Il est très intéressant de constater la réticence à aller contre les habitudes des milieux religieux où les fumeurs sont très nombreux (de moins en moins heureusement) et le temps énorme (plusieurs dizaines d’années), malgré les nombreuses études sur la question, qu’il a fallut pour enfin se décider à décourager timidement une pratique de toute évidence à l’encontre de principes cardinaux de la Tora.
Comme quoi, les facteurs sociologiques, dans ce cas : le grand nombre de rabbins qui fument et les facteurs psychologiques : la difficulté d’affirmer que ces mêmes rabbins sont des transgresseurs, jouent un rôle non négligeable dans l’évolution de la Halakha .
Est-il permis de fumer ?
Par le Grand Rabbin Michel Gugenheim
Que pensent les maîtres du judaïsme de l’acte de fumer ?
On connaît la définition de la Halakha (la loi juive) qu’a donnée, au Moyen Age, Rabbi Nathan de Rome dans son lexique - le Aroukh : dérivée du radical " h-l-kh " qui signifie : marcher, elle est " ce qui marche et qui progresse depuis le début jusqu’à la fin des temps ", c’est-à-dire dynamique et évolutive par essence.
Nous en aurons ici une très remarquable illustration, car la position des décisionnaires en la matière a considérablement évolué. La raison en est fort simple : la loi, en quelque domaine que ce soit, est toujours fonction des données matérielles ; en l’occurrence, elle dépendra du caractère nocif ou bénéfique du tabac.
Or, sur ce point, la science et la médecine ont beaucoup varié. Au XVIIIè siècle, s’est posée la question de savoir s’il était licite de fumer le Yom Tov (un jour de fête). En effet, une combustion n’y est autorisée que si elle représente une nécessité pour tout individu, au même titre que la nourriture.
Rabbi Yaakov Yochoua Falk, dans son Pené Yehochoua, répond par l’affirmative puisque " fumer est bon pour la santé, stimule la digestion(1) et l’appétit ". A la fin du XIXè siècle, l’auteur du MichnaBeroura(2) conclut que la raison essentielle de permettre est " que maintenant nombreux sont les adeptes de cette pratique, ce qui en fait un besoin universel ". Mais, dans un autre de ses
recueils(3), le même auteur(4) expose que selon plusieurs médecins, les personnes de constitution faible ne doivent pas prendre l’habitude de fumer, car cela risque de les affaiblir davantage, voire de les mettre en danger. En conséquence, dit-il, ceux qui contreviennent à cette défense, contreviennent aussi à la Halakha et devront rendre des comptes à leur Créateur.
En 1964, le grand décisionnaire américain, Rav Moché Feinstein convient qu’il est recommandé à tout un chacun de s’abstenir de fumer, mais que cela ne peut faire l’objet d’un véritable interdit, du fait que tant de personnes fument, y compris des Grands de la Torah. Dans ce type de situation, s’applique l’adage talmudique(5) : " puisque ce risque est négligé par le public, Dieu protège les sots".
Mais en 1981, interrogé à propos de ceux qui fument dans les lieux publics et incommodent leurs voisins, il conclut à une défense catégorique, les contrevenants étant même passibles de dommages-intérêts ! Dans une autre consultation de la même année, l’auteur expose qu’il existe trois catégories halakhiques de mise en danger de sa propre vie :
– courir un risque de mise en danger est interdit par ordre rabbinique ;
– courir un danger certain est interdit par la Torah ;
– tout facteur de risque qui n’en est un que pour les sujets à risque, mais non pour la majeure partie de la population - comme par exemple la consommation de mets gras - n’est que déconseillé. La cigarette rentre dans cette dernière catégorie, étant donné que les malades par le tabac sont loin d’être majoritaires, et que, par ailleurs, pour un fumeur, fumer est une véritable jouissance.
En 1982, le décisionnaire israélien disparu cette année, Rav E.Y.Waldenberg, convaincu et effrayé par les statistiques qui lui sont soumises, conclut à l’interdiction halakhique de fumer.
Aujourd’hui, il y a consensus sur la défense de provoquer sur soi une accoutumance à la nicotine, et sur celle de fumer dans les lieux publics.
Et sur le fait qu’il est, religieusement parlant, très recommandé de ne pas fumer.
(1)Allusion à l’effet stimulant de la nicotine sur l’activité intestinale, même en cas de constipation.
(2)Dans son Biour Halakha sur Ora’h ’Hayim 511,4.
(3)Likouté Imerim, chap. 13
(4)Connu aussi sous le nom du ’Hafets ’Hayim
(5)Chabat 129 b, Nida 45 a
Si seulement les rabbins orthodoxes osaient interdire clairement de fumer...
Plusieurs grands rabbins et la municipalité de Jérusalem ont décidé d’unir leurs forces pour lutter contre la mauvaise habitude de fumer dans les lieux publics orthodoxes .
Cette décision fait suite à la publication d’un rapport indiquant que le milieu orthodoxe est le plus touché par le tabagisme de la société israélienne.
Le Ministère de la Santé et les autorités religieuses locales se joindront à cet effort.
Des rabbins publieront bientôt dans une campagne des lois religieuses contre l’acte de fumer. Ces lois devraient être publiées dans divers magazines et documents communautaires.
Cette campagne coïnciderait avec les fêtes de Pourim (20 mars), car pendant cette période certains légitimeraient que des enfants fument des cigarettes.
« Des études ont montré que la plupart des fumeurs orthodoxes avaient fumé leur première cigarette pendant les fêtes de Pourim, selon une présumée coutume qui permettrait aux adolescents et aux enfants de fumer pendant ces vacances », explique Shlomo Rosenstein, membre du conseil Municipal de Jérusalem.
En plus de cette campagne, la municipalité envisage de lancer un programme d’éducation dédié à ce fléau dans les yéshivas et les écoles religieuses.
Yair Amikam, un porte-parole du Ministère de la Santé, affirme que fumer est particulièrement répandu dans la communauté orthodoxe , avec un taux de 18,5% de fumeurs : « dans la population orthodoxe , il est très courant de fumer dans les lieux publics tels que les yéshivot, les halls de réception etc… »