Accueil > Questions pratiques > Divorce juif

Vers un « get » plus intelligent ?

Vers un « get » plus intelligent ?

Gail LICHTMAN 29 Juin 2006, Jerusalem Post -

Le Mouvement Massorti   fait date en publiant un ouvrage fondamental d’analyse du problème des Agounot  .

D’après le ministre de la justice Haim Ramon, il y aurait actuellement 23522 cas de divorce en attente dans les tribunaux rabbiniques, dont 20% ouverts avant 2003 et 25 datant d’avant 1991.

C’est la souffrance de ces femmes ajoutée aux frustrations et à la colère de ceux qui essaient de les aider qui est ressorti lors de la conférence académique annuelle Sarah Becker Frank, qui a eu lieu fin Mai à l’Institut Van Leer à Jerusalem, pour discuter de la nouvelle publication, Zaakat Dalot (Le cri des pauvres : solutions halachiques pour des agounot   de notre temps).

« Celui qui ferme son oreille au cri du pauvre, lui aussi criera, et on ne lui répondra pas » (Proverbes 21 :13)

Lily attendait peut être un miracle comme elle se rendait de Haïfa à Jérusalem pour assister à la conférence. Après tout, il ne s’agissait que d’un livre de plus traitant des solutions « halachiques » au problème des agounot   modernes, littéralement les « femmes enchaînées », dont les maris refusent de donner le Guet, le certificat de divorce juif.
Lily a déposé sa demande de divorce en 1968 et elle attend toujours son Guet. Avec les années, elle s’est résignée à la futilité du système, a changé de nom et a commencé une nouvelle vie.

Mais encore une fois, Lily demandera naïvement à un des auteurs du livre : « Comment se fait-il que vous proposiez toute ces solutions ? Comment se fait il que vous ayez trouvé des solutions alors que les dayanim   (juges de la cour rabbinique) n’y arrivent pas ? Cette situation est inhumaine. Parce que je n’ai jamais obtenu le certificat de divorce, aujourd’hui j’ai 70 ans, je suis seule, sans enfants ni petits enfants. »

Lily est une de ces milliers de femmes israéliennes dont les dossiers continuent de traîner dans les tribunaux rabbiniques, coincés dans la zone crépusculaire entre mariage et divorce. D’après le ministre de la justice Haim Ramon, il y aurait actuellement 23 522 cas de divorce en attente dans les tribunaux rabbiniques, dont 20% ouverts avant 2003 et 25 datant d’avant 1991.

C’est la souffrance de ces femmes ajoutée aux frustrations et à la colère de ceux qui essaient de les aider qui est ressorti lors de la conférence académique annuelle Sarah Becker Frank, qui a eu lieu fin Mai à l’Institut Van Leer à Jerusalem, pour discuter de la nouvelle publication, Zaakat Dalot (Le cri des pauvres : solutions halachiques pour des agounot   de notre temps).

Ce livre, en hébreu, publié par l’Institut Schechter   des Etudes Juives (séminaire rabbinique israélien du mouvement Massorti  ) et son Centre pour la Femme dans la Loi Juive, est une anthologie halachique complète rédigée par les rabbins   Monique Susskind Goldberg et Diana Villa et éditée par le rabbin   prof. David Golinkin, le prof. Moshe Benowitz et le rabbin   Richard Lewis.

Cet ouvrage, de même que le journal Jewish Law Watch, qui examine les cas d’agouna   qui sont en souffrance, sans solution, dans les tribunaux rabbiniques depuis des années, est issu du Centre pour la Femme dans la Loi Juive de l’Institut Schechter  , fondé en 1999. Ce centre a pour vocation d’étudier le statut de la femme dans la loi juive et de trouver des solutions halachiques pour les agounot  .

Ce travail de pionnier, basé sur des sources talmudiques et rabbiniques, utilise les mêmes outils que les tribunaux rabbiniques et propose neuf solutions halachiques différentes pour libérer les agounot  .

« Ce que ce livre montre clairement c’est que ce problème ne relève pas de la Halacha. Il existe des solutions. Le problème, c’est les juges de la cour rabbinique. Ils n’appliquent pas les solutions qu’ils ont à leur disposition » a déclaré l’avocate Sharon Shenhay, directrice du Projet International pour les Doits des Femmes Juives et l’une des fondatrices du Centre pour la Femme dans la Loi Juive. Sharon Shenhay est aussi la seule femme faisant partie du bureau d’assignation des juges au ministère de la justice.

Traditionnellement, une agouna   est une femme juive dont le mari a disparu et dont les proches parents sont inconnus. Mais aujourd’hui, le terme s’applique au « mesuravot Guet », les femmes dont les maris refusent de donner le Guet.

Selon la loi juive, seul le mari peut concéder le Guet. Un mari ne peut pas être forcé à divorcer de sa femme et un Guet accordé sans le consentement du mari est nul. La femme peut refuser d’accepter le Guet, mais son pouvoir est bien plus limité. Une femme dont le mari refuse de lui accorder le Guet vit dans un monde légal, physique, psychologique et émotionnel fictif. Elle n’est ni mariée ni divorcée. Elle ne peut pas se remarier. Tout enfant qu’elle aura avec un autre homme sera considéré comme bâtard (mamzer) et sera rejeté de la communauté juive.
Un homme qui ne veut ou ne peut pas divorcer, n’a pas à faire face aux mêmes contraintes. Il peut avoir des enfants avec une autre femme qui ne porteront pas le stigmate de mamzerim. Dans certains cas, il peut même recevoir l’autorisation rabbinique de se remarier.

Une loi de 1995 permet au tribunal rabbinique d’imposer des sanctions aux maris récalcitrants telles que suspendre leur permis de conduire ou leurs licences professionnelles, bloquer leurs comptes bancaires, confisquer leurs passeports et même parfois les envoyer en prison. Mais les avocats défendant les droits des agounot   prétendent que ces sanctions ne sont administrées que dans de trop rares cas et seulement après de longues années de refus. A cause de cela, nombreuses sont les femmes qui doivent abandonner tout droit de propriété et droit financier.

Le livre est divisé en deux parties. La première traite de la façon de prévenir le problème avant le mariage : accords prénuptiaux avec de lourdes pénalités si refus d’octroyer ou d’accepter le Guet, utilisation de la ketouba   (contrat de mariage) comme une sorte d’accord prénuptial, mariage conditionnel où sous certaines conditions le mariage devient nul et non avenu, nomination d’un émissaire au moment du mariage pour rédiger un Guet, concubinage et « espèces de fiançailles » à la place du mariage.

La seconde partie traite des solutions pour venir à bout des maris récalcitrants. Ceci implique des mesures cœrcitives contre la partie récalcitrante, de fausses déclarations dans lesquelles un parti rend compte de tares cachées qui rendraient le contrat de mariage caduc, d’où son annulation.

Les participants à cette conférence étaient outre les deux auteurs et les deux éditeurs, Sharon Shenhai, le Dr. Ruth Halperin Kaderi de la faculté de droit à l’université de Bar Ilan, le Dr. Aviad Hacohen, doyen de l’Ecole de droit Shaarei et l’avocate rabbinique, Rachel Levmore. Chacun se référa à une solution différente, la décrivit et fit référence à des sources rabbiniques pour ou contre.

Mais au-delà du débat halachique, cette conférence fut une attaque virulente contre les tribunaux rabbiniques et l’institution orthodoxe  .
« Comment peut-il exister un système responsable où la norme est que les femmes doivent payer de leurs droits pour leur liberté ? » intervint Shenhay. « Malheureusement, les tribunaux rabbiniques sont des bureaux de placement pour les proches et amis des gedolei hador (les grands rabbins  ) et non pour les plus qualifiés. »

Sharon Shenhay fit également remarquer que depuis janvier 2003 pas un seul juge n’avait été nommé par le comité d’assignation des juges, dans un effort pour obliger l’institution rabbinique de proposer des candidats plus qualifiés.

« Il est essentiel que les nouvelles nominations soient celles qui libèreront les agounot   » expliqua-t-elle.

La critique la plus passionnée vint du prof. Alice Shalvi, une des fondatrices du Réseau des Femmes Israéliennes et du Centre pour la Femme dans la Loi Juive.

« Le salut ne viendra pas des tribunaux rabbiniques actuels » fit-elle remarquer avec grand désespoir. « Les tribunaux sont remplis de gens corrompus. Il n’y a aucune ressemblance entre eux et la justice juive. Les juges ont des yeux qui ne voient pas et des oreilles qui n’entendent pas. Seule l’annulation de l’autorité exclusive du rabbinat apportera une vraie réforme. Il n’y aura pas de changement tant que le rabbinat n’aura pas une vraie concurrence exprimée par les mariages civils et non orthodoxes  . »

« Je ne suis pas sûr que tous les juges soient des ayatollahs ou des corrompus, » répondit le Dr. Aviad Hacohen. « Mais on ne peut espérer que quelqu’un de Bnei Brak qui a passé toute sa vie dans une yeshiva puisse comprendre un couple moderne de Ramat Hasharon. Ce livre est une importante contribution [pour résoudre le problème des agounot  ] mais ce n’est pas suffisant. La lutte pour assigner de nouveaux juges est aussi importante. C’est sur ce point que nous devons nous battre. »
En réponse aux critiques élevées lors de cette conférence, la porte parole des tribunaux rabbiniques, Efrat Orbach déclara : « Les tribunaux rabbiniques travaillent dur pour libérer le Guet des agounot   et des mesouravot. Par exemple, en 2005, un bureau spécial du tribunal rabbinique a pu obtenir le Guet pour 24 femmes dont les maris avaient disparus. De plus, pour 2005 seulement, 43 décisions du tribunal rabbinique ont fait état de sections contre des maris refusant de donner le Guet. »

« Les tribunaux rabbiniques en Israël et à l’étranger utilisent de nombreux moyens pour libérer les agounot   et aider les mesouravot Guet : médiation entre mari et femme en les aidant à arriver à un compromis ; retrouver des maris en Israël ou à l’étranger ; mandats d’habeas corpus contre des maris récalcitrants mis en application par des détectives privés au service des tribunaux rabbiniques en coopération avec la police ; envoi d’émissaires au quatre coins du monde pour repérer les maris récalcitrants, leur soutirer une procuration pour exécuter le Guet et exceptionnellement expédition d’un tribunal rabbinique spécial pour rédiger un Guet et libérer une agouna  . » Le rabbin   Eli Ben Dahan, directeur général des tribunaux rabbiniques, exprima son désir de voir tous les cas d’agounot   et de mesouravot Guet rapidement résolus.

Mais la question reste : quelle influence peut avoir sur l’institution orthodoxe   un livre écrit par deux femmes rabbins   massorti   (conservative  ) ? Cela restera-t-il seulement un exercice académique ? Un rabbin   orthodoxe   invité à la conférence s’est désisté à la dernière minute vraisemblablement à cause de pressions exercées sur lui. Un des orateurs affilié aux tribunaux rabbiniques a demandé de ne pas être présenté comme tel mais sous un autre titre.

« Il n’y avait peut être aucun rabbin   orthodoxe   parmi les conférenciers mais l’audience était en partie composée d’orthodoxes  , surtout des femmes et des plaignantes au tribunal (to’enot) » confia le rabbin   Susskind Goldberg après la conférence. « Les femmes orthodoxes   sont très impliquées dans cette démarche. Beaucoup ont reçu notre livre et l’ont bien accepté. Peut être ne nous permet-on pas d’entrer [dans le monde orthodoxe  ] par la grande porte mais on peut entrer par la cuisine et avoir beaucoup d’influence. »

« Les juges actuels sont impossibles à convaincre » déclara le rabbin   Villa. « Ils n’acceptent même pas les solutions proposées par les rabbins   orthodoxes  . Mais nous pouvons travailler sur les méthodes de préventions. Ce sont les accords prénuptiaux qui laissent le moins de pouvoir possible aux tribunaux rabbiniques et aux maris récalcitrants. Personne ne devrait se marier aujourd’hui sans un accord prénuptial. Ces arrangements ne sont pas 100% efficaces mais ils offrent actuellement la meilleure protection. Et si suffisamment de couples s’y soumettent, cela pourrait apporter un changement. »

(Traduction Edith Aberdam)

Site israélien d’un collectif de femmes Agounot  

http://www.icar.org.il

Messages

Vers un « get » plus intelligent ?

bonjour,
sans aller jusqu’au probléme révoltant de ces femmes ’agounot  ’, je voudrais pour ma part comprendre comment le talmud  , la loi orale en est venu à construire un tel concept - le guet.
je vais divorcer de la maniére la plus douce ’consentement mutuel’ et je prends conscience pour la 1ére fois du poids des mots en hébreu , qui me fait regretter amérement de m’étre engagée dans cette voie sans issue : réfléchissez aux mots ’guérouchin’ de la racine garéch qui veut dire plus que répudier ,( mot trop doux) mais ’expulser, rejetter’
le mot ’baal’ qui sert à traduire ’le mari’, veut dire en fait le maitre, le propriétaire : on dit baal adama : propriétaire terrien, ici il s’agit de baal icha, propriétaire de sa femme !
et pour joindre les 2 mots , on dit ’garech ichto’ , rejetter sa femme mais evidement jamais l’inverse, car de ttes façons du début à la fin, la femme n’a pas un mot à dire !
ma femme devra passer devant un ’tribunal’ composé de 6 hommes pour qu’on lui remette le guet : appréciez la douceur du procédé ! et moi , planqué possible on peut me dispenser d’assister à cette belle cérémonie en désignant un émissaire
c’est tout simplement révoltant !
des solutions ? la mienne en tous cas : ne plus se rendre complice d’un tel systéme en n’y participant plus jamais.
et réflechissez à la haftara   de la semaine derniére ( sur la paracha   bamidbar) :
’...tikri ichi vé lo béhali ...appelle moi ’mon mari’ et plus jamais ’mon maitre’
ne peut-on considérer cet écrit du prophéte comme une suggestion vers des hommes qui se sont égarés en inventant un systéme aussi injuste ?

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.