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Le dixième commandement

Le dixième commandement

Parashat Vaetchanan -

Notre parasha   contient deux textes fondamentaux du Judaïsme : celui des dix commandements et la "lecture du Shema  ".

Ces deux textes sont en quelque sorte le "credo" de base du Judaïsme et il n’est pas étonnant qu’ils aient été lus tous deux à haute voix au cours du cérémonial du Temple, avant sa destruction en l’an 70.

La lecture du Shema   est restée centrale dans la prière juive, matin et soir. Par contre, le texte des dix commandements a disparu de notre pratique cultuelle. En effet, utilisé par les premiers chrétiens hors de son contexte, il paraissait réduire l’ensemble des commandements du Judaïsme à seulement 10 affirmations a priori très générales. Dans une période de forte concurrence entre les deux spiritualités, les Rabbins   de l’époque ont préféré passer sous silence l’importance théologique et liturgique de ce texte, du moins dans le domaine du culte.

Pourtant, le texte des dix commandements, que nous trouvons répété deux fois dans la Torah, dans l’Exode et dans notre parasha  , reste une source fondamentale pour la compréhension du Judaïsme. L’universalité des dix commandements, leur profondeur et leur haute valeur morale font d’eux un véritable résumé des valeurs du Judaïsme. Aucun autre passage de la Torah n’a cette force spirituelle qui invite à l’adhésion et à l’acceptation de la parole divine. Non que les idées et commandements qui s’y trouvent ne puissent apparaître ailleurs. Si nous prenons le chapitre 19 du livre du Lévitique, par exemple, le parallélisme est flagrant. Pourtant le texte épuré des dix commandements, et le fait qu’il ne s’y mêlent pas des allusions au culte du Temple, en fait une œuvre à la fois éthique et littéraire qui n’a pas de comparaison.

Il nous semble que le summum de ces dix commandements se trouve atteint, paradoxalement peut-être, dans le dernier. Rappelons en le contenu, dans la version de notre parasha   : "Et tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain et tu n’envieras pas la maison de ton prochain, son champs, son esclave et sa servante, son taureau et son âne ni tout ce qui est à ton prochain".

Première remarque : ce commandement est le seul, parmi les dix, qui ne se retrouve pas repris, d’une manière ou d’une autre, ailleurs dans le texte de la Torah. Il ne se trouve que dans le texte des dix commandements et présente donc un caractère unique, reflet du caractère unique des dix commandements eux-mêmes. Deuxième remarque : ce commandement est le seul qui sanctionne non une action concrète, mais une faute morale qui risque de se transformer, à un moment ou à un autre, en transgression réellement palpable.

Le commentateur Ibn Ezra précise les enjeux liés au mot "chemed" : "et le mot "chemed" dans la langue sainte peut s’interpréter de deux manières : l’une – un vol et une prise en main du bien d’autrui à l’aide de la force et de la contrainte, comme dans "et personne ne s’emparera de ta terre" (exode, 34, 24), (..), et la seconde signification : un langage de désir du cœur qui ne s’applique pas de manière concrète (..) comme dans la dixième parole "tu ne désireras pas la femme de ton prochain".

Ainsi, suivant cette interprétation, le dixième commandement exige de moi de dominer mes pensées, de contenir mes désirs, alors même que personne ne peut savoir ce qui se passe en moi, puisque ce désir n’a pas d’application concrète. Il s’agit là d’une exigence éthique ultime, qui ne se passe qu’entre moi et moi-même, et également entre moi et Dieu. Comme si le dixième commandement venait nous dire : ne crois pas qu’il est suffisant d’avoir un comportement moral irréprochable, c’est ta conscience également qui doit être irréprochable.

Un midrash   nous dit qu’au jardin d’Eden la peau de chacun était transparente, et que l’autre pouvait donc lire en moi comme un livre ouvert. La faute du premier couple nous a rendu "opaque", et le domaine de mes pensées ne peut être perçu par ceux qui me côtoient. Le dixième commandement nous ramène, d’une certaine façon, au temps du jardin d’Eden, puisqu’il vient exiger de moi de contrôler mes pensées comme si les autres pouvaient les lire. Mais nous sommes ici à un stade encore supérieur, car je sais qu’en vérité, personne ne peut percevoir mes désirs, et c’est volontairement, par souci éthique, que je me forcerais à ne pas envier l’autre.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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