La plupart des fêtes sont l’un ou l’autre….mais Roch Hashana….est d’un côté un moment où nous mangeons de la pomme et du miel et d’autres plats symboles de joie, en espérant beaucoup de bonheur pour la nouvelle année. Nous nous souhaitons les uns les autres « Une année bonne et douce ». D’un autre côté, nous nous référons constamment à cette fête comme Yom Hadin – le jour du Jugement – et dans de nombreuses prières et poèmes nous décrivons notre terreur d’affronter un tel jugement. « …Qui vivra et qui mourra, qui périra par l’eau et qui par le feu… » Ce n’est pas très réjouissant. La structure de base de l’office ressemble à celle des trois fêtes joyeuses – à part le Hallel symbole de ce qui manque. Les Sages expliquent qu’on ne peut réciter le Hallel lorsqu’on se tient devant le Juge Suprême.
Comment expliquer cette combinaison d’émotions contradictoires ? L’évolution historique de cette fêtée nous donne sans doute une réponse quant à cette spécificité inhabituelle. Pour commencer, Roch Hashana n’est pas le nom utilisé dans la Torah, pas plus qu’on n’y parle de Jour du Jugement. Roch Hashana est plutôt évoqué tout simplement par sa date et comme un jour « où l’on sonne le cor » (Nombres 29 :1) ou « l’on souffle bruyamment » (Levitique 23 : 24). La plupart des rabbins y voient à l’époque une proclamation de la souveraineté de Dieu sur le monde, la commémoration du Couronnement de Dieu.
Comme commencement du septième mois, c’est un Roch Hodesh glorifié. Tout ceci tend plutôt vers la face joyeuse de célébration de Roch Hashana. On ne trouve pas non plus d’indication qu’il y ait eu originellement de rapport entre ce jour et Kipour le 10 du mois. Le 10 du mois était depuis le tout début, un jour d’expiation, de purification de ses péchés, que ce soit rituel ou moral. Et c’est là, la vraie cause du visage solennel de la fête.
Lorsque fut établi un rapport entre Roch Hashana et Kipour, à la période du Second Temple, Roch Hashana prit un nouveau visage. Non seulement devint-il « le début de l’année pour le compte des années » (Michna Roch Hashana 1:1) mais il fut décrit comme l’époque où tous les humains sont passés en revue par Dieu, comme des troupes sont passées en revue par leur commandant (ibid 1:2). La solennité de Yom Kipour projette son ombre en arrière de sorte que le Jour d’Expiation est maintenant précédé du Jour du Jugement, l’un entrainant l’autre.
Cette connection entre les deux fêtes eut pour effet de rendre le Jugement non seulement solennel, mais aussi effrayant. Comment peut-on se tenir devant Dieu pour être jugé, sans trembler ?
L’expression ultime de cette peur se trouve dans le Piyout Unetaneh Tokef, qui est devenu la pièce centrale dans notre liturgie. Ce poème qui ressemble énormément à une prière Chrétienne du début, connue sous le nom de Dies Irae – Jour de Courroux- est largement basée sur la description du jour du Jugement Dernier que l’on trouve dans les écrits de l’Apocalypse, qui étaient Juifs à l’origine mais qui ne furent pas retenus dans nos Ecritures. Les Sages et les auteurs Juifs plus tardifs empruntèrent simplement cette terminologie et la transférèrent du Jour de la Fin du Monde (tel qu’il est décrit dans Dies Irae) au Jugement Annuel que subit chaque humain tous les ans.
Si l’on s’en tient à la conception juive de Dieu, la mansuétude Divine prime toutefois sur la Justice Divine de sorte que « la repentance, la droiture, et la prière peuvent nous éviter un verdict trop sévère. »
C’est la complexité de l’Histoire de Roch Hashana qui nous aide à comprendre le fait que ce jour à plusieurs aspects. Qui plus est, la combinaison de joie et de crainte, de joie et de trépidation est une expression merveilleuse de la vie. Considérer la vie comme uniquement lumière et bonheur serait pour le moins Pollyannaiste. La considérer comme toujours effrayante et incertaine la rendrait difficile pour ne pas dire impossible à vivre. D’un seul coup brillant, nous combinons ces deux aspects, en tempérant notre joie par de l’appréhension et en diluant la peur dans l’espoir et la joie. Ainsi, les deux visages de Roch Hashana se confondent en un seul visage qui reflète la vérité de toute vie humaine et nous aide à affronter nos peurs et à vivre heureux malgré les chagrins qui sont inévitables.
Par le Rabbin Reuven Hammer (Jérusalem Post 30/08/2007)