Dans un récent article intitulé : « Du danger de détruire les coutumes d’autrefois », le Rabbin orthodoxe Haim Navon propose d’incorporer des femmes au sein du rabbinat Orthodoxe . Il rappelle qu’à l’origine, les femmes occupaient des fonctions rabbiniques partielles, et que dans quelques centaines d’années, sous réserves qu’elles répondent à certains critères, qui seraient alors minutieusement vérifiés, et qu’elles conservent un mode de vie approprié, elles seront probablement autorisées à diriger des communautés.
Logique impeccable, attitude profondément masculine et chauvine, qui sous couvert de piété, propose une mise à l’épreuve de 200 ans pour les femmes. Qui selon les Orthodoxes seront les futurs examinateurs ? Quel ensemble de critères exigeront-ils, pour un leadership rabbinique allant de pair avec une vie familiale, et avec le bien-être spirituel des femmes rabbins ? Est-ce qu’il on demande la même chose aux hommes rabbins : d’être jugés sur leur dévouement à leurs obligations familiales, est-ce qu’on note les hommes rabbins sur leurs aptitudes à combiner érudition et humilité ? La proposition du Rabbin Navon est irréaliste et ne répond à aucun critère tant halakhique que sociologique ou même moral.
Le rabbin Navon déplore un changement initialisé artificiellement. Il me semble cependant que s’il existe une révolution qui soit issue non de la pensée des philosophes, mais des besoins de la majorité des gens, c’est bien la révolution du féminisme religieux. Le fait même qu’il ait écrit cet article s’inscrit en réaction à ce puissant mouvement, dont la force s’est accrue ces vingt dernières années, sous l’égide des mouvements religieux modernistes. En fait, c’est la peur d’être associés avec ces mouvements : Massorti etc, qui empêche le rabbin Navon et ses semblables de reconnaître ce qu’ils devraient reconnaitre.
- Les ultraconservateurs ne peuvent pas être des guides.
Ainsi, en s’accrochant à un modèle conservateur, ils réduisent l’impact de leur leadership et retardent les changements inévitables. C’est toujours le radical qui initie les changements, celui dont les idées sont d’abord condamnées et ridiculisées, puis s’avèrent par la suite être parfaitement valables. Ces idées s’infiltrent doucement au sein de groupes réduits avant d’être finalement acceptées par la majorité. C’est le cas du féminisme qui s’éveille parmi les Orthodoxes , à la suite de son introduction dans les Mouvements Massorti et libéraux. Les Traditionnalistes conservateurs par leur nature ne peuvent être des guides, ils finissent par sauter dans le wagon en marche pour faire semblant d’être crédibles.
Notre tradition applaudit ceux qui dirigent, ceux qui osent et nous conduisent vers un monde meilleur.
Nahchon Ben Aminadav, le premier à sauter dans la Mer Rouge fut applaudi au fil des siècles. Même Rabbi Akiva, qui s’est trompé en prenant Bar Korba pour le Messie, est considéré comme un leader. Son erreur a coûté de nombreuses vies et entrainé de funestes destructions, mais on continue à l’admirer comme leader et comme innovateur audacieux. Le Talmud nous envoie un message clair en choisissant de passer sur ses erreurs et de louer son audace.
A l’inverse, la Guemarra considère Rabbi Zaccaria Ben Abkolos homme raide et intransigeant, comme celui qui a apporté la destruction. « La frilosité de Rabbi Zaccaria a détruit notre pays, réduit notre Temple en cendres, et nous a conduits à l’exil. »
- Refuser les femmes encore pendant 200 ans est arbitraire.
Je dis au Rabbin Navon et aux orthodoxes sionistes religieux : « Prenez garde à ce que votre frilosité n’apporte pas de destruction. Relevez la tête, armez-vous et affirmez haut et fort : « Refuser d’ordonner des femmes rabbins , tout aussi qualifiées que les hommes pour répondre aux questions religieuses, et pour servir comme leaders communautaires, est une grave erreur qui prive le peuple Juif d’un leadership inspiré par Dieu. Cela revient à prêter le flanc aux accusations selon lesquelles notre peuple serait coupable de misogynie, d’oppression et de discrimination. Il y a urgence à rectifier ces injustices ! »
Il y a des milliers de femmes talentueuses, brillantes érudites, penseurs pleine de sagesse, pieuses, capables de diriger merveilleusement le Peuple Juif, ce pour quoi elles sont nées, leur contribution personnelle à ce monde. Refuser ce droit à ces femmes, où remettre à 200 ans toute autorisation et inacceptable. Enrober ce refus en termes pseudo-religieux est pure hypocrisie, car le Rabbin Navon lui-même l’admet : la Halacha n’interdit pas l’ordination des femmes. Ceux qui aiment le Judaïsme, qui sont fiers de notre tradition, qui craignent pour l’avenir du Peuple Juif doivent s’ériger contre des idées aussi rétrogrades.
Conduire le changement par des méthodes conservatrices n’a aucun sens, parler de 200 ans, alors que le temps est venu, est pure effronterie. Comme le relève l’une des réponses à l’article du Rabbin Navon : « La révolution religieuse féministe est en marche, avec ou sans vous. Prions pour qu’une frilosité excessive n’apporte pas davantage de destructions. »
Article du Rabbin Chaya Rower-Baker paru dans le Jerusalem Post
Le Rabbin Chaya Rowen-Baker est le rabbin de la communauté Massorti Ramot Zion à Jérusalem.
Traduit par Odile Ellison