La Bible du Rabbinat
1902, La Bible du Rabbinat de Zadoc Kahn : avec de nombreux collaborateurs. Éditée en bilingue hébreu–français. Éditions COLBO
Avantages : une des seules traductions juives. Divisée selon l’ordre de la Parasha . Langue claire et agréable à lire. Bon marché.
Inconvénients : vieillotte, loin du texte hébraïque, préférant parfois la paraphrase à la force du texte lui même. C’est la traduction d’une époque : celle de l’israélite français en mal de reconnaissance. Ne contient presque aucune note.
Tombée dans le domaine publique, elle est largement diffusée y compris sur Massorti .com qui l’utilise pour le texte de la Parasha http://www.massorti.com/spip.php?ru...
C’est la Bible juive "officielle" mais certainement pas la meilleure traduction disponible actuellement.
Existe en édition bilingue mais assez peu lisible (écrit très petit). Mieux vaut peut-être acheter une belle Bible tout en hébreu et travailler avec deux livres ouverts côte à côte si on veut vraiment travailler le texte hébraïque.
Elle est maintenant accessible en ligne avec des commentaires et surtout
l’hébreu et le français face à face sur
Traduction André Chouraqui
Bible en un seul volume, 1985
– Réalisée entre 1974 et 1977. Traduction littérale qui cherche intensément à rappeler l’origine.
Avantages : En collant au texte hébraïque, Chouraqui ouvre de belles perspectives de sens. Des fois, c’est lumineux. Un très bon texte de travail et un très bon appuie pour travailler sur l’hébreu.
Inconvénients : Incompréhensible pour le novice.
Une nouvelle traduction, la Bible Bayard
La dernière traduction française de la Bible se situe dans cette quête de simplicité poétique tout en incorporant les recherches des biblistes.
La Bible Bayard, c’est une « polyphonie » de voix contemporaines pour traduire l’immense corpus, de la Genèse à l’Apocalypse, formé d’écrits en des langues différentes et d’écritures variées. Les enseignants apprécieront la beauté de la langue de la nouvelle Bible Bayard, « parée comme une fiancée » (Robert David). La mise en page, très étudiée, pourra surprendre. Ainsi pour le Cantique des cantiques ou l’Ecclésiaste, les vers très courts sont parfois séparés par des blancs immenses pour respecter la sensibilité de l’écrivain. Le rythme typographique se brise pour introduire des versets versifiés. Les listes et les généalogies du livre des Chroniques deviennent agréables à lire par leur présentation qui rappelle les calligrammes.
Les notes critiques sont rejetées en fin de volume, les habituels titres et intertitres en usage dans les éditions traditionnelles sont absents. L’espace visuel du lecteur ainsi libéré, rencontre le Texte et lui seul. La présentation du livre « nu » est très soignée.
Avantages : Enfin, on sent l’hébreu derrière le français (à dose moins indigeste que Chouraqui). Souvent la traduction est poétique. Parfois vraiment très belle. Publiée livre par livre en poche.
Inconvénients : Ce n’est pas une traduction toujours très précise, elle cherche à rendre le souffle parfois au détriment de l’exactitude. Inégale car traduite par des équipes différentes.
Remarque : c’est une Bible catholique, mais cela ne gêne en rien le lecteur juif, elle respecte même l’usage de la non prononciation du tétragramme contrairement à d’autres traductions catholiques ou celle de la Pléiade. Un rabbin a même contribué à la traduction.
En lire des extraits
Une critique intéressante
http://www.religionslehrer.lu/news/...
En conclusion :
Il faut avoir plusieurs Bibles, et passer de l’une à l’autre. A choisir et pour commencer, celle de Bayard aurait mes préférences surtout en format poche.
Yeshaya Dalsace
Note :
Un site mets plusieurs traductions en ligne avec l’hébreu en face
– "ancien" testament hébreu-français en pdf (hébreu "Westminster Leningrad Codex (WLC)" et français "Bible Annotée")
http://epelorient.free.fr/athf.html
– bible louis segond en français pour téléphone portable (java) http://gobible.jolon.org
La réponse du rabbin Rivon Krygier
Question :
J’ai envie de mettre à profit le confinement, pour m’instruire en judaïsme. Je cherche à me procurer une Bible en français (que j’avoue n’avoir jamais lue systématiquement) mais je suis perdu. Il y a un si grand nombre d’éditions et de traductions que je ne sais quoi choisir. Je suis tenté par l’édition de poche de la Bible de Jérusalem qui semble pratique, bien reliée et bon marché. Qu’en penses-tu ? Des amis plus pratiquants me disent que la Bible ne peut pas s’étudier dans une autre langue que l’hébreu, au risque d’en corrompre le sens. Mais mon niveau d’hébreu (surtout biblique) est assez faible… Quel est ton conseil ?
La réponse de Rivon Krygier :
Tes amis pratiquants n’ont pas tout à fait tort. Quoique cette remarque vaille certainement pour toute grande œuvre littéraire. Comme le dit le fameux adage italien : Traduttore traditore (« le traducteur est un traître »). On veut signifier par là que toute traduction est déjà une interprétation du texte qui oblitère les autres résonances qu’un propos dans sa langue originelle comporte. C’est particulièrement vrai pour l’hébreu biblique où chaque racine comporte une famille de connotations bien spécifiques à cette époque et région lointaines. Par exemple, le mot « tsedaka » peut signifier « équité » mais aussi « mérite » ; « chamoâ » « écouter » mais aussi « obéir ». Prenons encore un exemple de grande importance. En Exode 3,14, Dieu révèle à Moïse Son nom intime : éyé achèr èyé. Le grand rabbin de France, Zadok Kahn, qui dirigea (après celle du rabbin et orientaliste Samuel Cahen, de 1830 à 1839) une des premières traductions rabbiniques intégrales de la Bible en français, à la fin du 19e siècle, traduit : « Je suis le Dieu invariable. » La Bible de Jérusalem qui est en fait une traduction catholique de l’école biblique de Jérusalem, traduit quant à elle : « Je suis celui qui est ». Or ces deux traductions sont l’expression d’un parti pris théologique. Le verbe « être » n’est pas décliné au présent en hébreu ou alors en « inaccompli », désignant ce qui est en train d’advenir. On peut donc aussi traduire : « Je suis celui qui sera » ou « Je serai qui Je serai ». On est alors aux antipodes de la conception d’un Dieu qui est « l’Être (immuable) » comme la philosophie occidentale va longtemps l’affirmer. Prenons encore un exemple qui est devenu une « foire d’empoigne » entre juifs et chrétiens. En Isaïe 7,14, un oracle annonce la naissance d’un prince surnommé Immanuel, né d’une jeune fille (âlma en hébreu biblique) mais que la traduction grecque antique traduit par parthenos, c’est-à-dire « vierge ». C’est en tout cas ainsi que les chrétiens ont voulu l’entendre, y voyant une annonce ou une préfiguration de la naissance virginale du Christ. Les juifs, quant à eux, considèrent que, dans tous les cas, y compris dans le grec, il s’agit simplement d’une jeune femme non encore mariée, appelée par métonymie « vierge » (comme le mot betoula), car la majorité des jeunes filles étaient supposées l’être aux fiançailles. Il est donc clair que si l’on souhaite lire la Bible du point de vue de la tradition rabbinique plutôt que chrétienne, il faut se rabattre sur les éditions juives. Celle de Z. Kahn est la plus répandue, mais on trouve aussi celle de S. Cahen ou d’autres, plus modernes qui se veulent plus littérales (moins littéraires mais pas forcément plus rigoureuses ou plus authentiques) et, de fait, parfois « rugueuses » ou « juteuses ». C’est le cas de la traduction d’André Chouraki (années 70-80) ou celle d’Henri Meschonnic (années 80-2000). Une autre raison de faire la différence entre les éditions juives et chrétiennes, c’est que les deux traditions n’ont pas la même conception du « canon biblique ». La Bible n’est pas à proprement parler un livre mais un recueil de livres de l’antiquité hébreue et juive reconnus comme saints ou inspirés (les livres sont dits alors « canonisés »). Or pour les chrétiens, la Bible recouvre l’Ancien et le Nouveau Testament. Les juifs ne reconnaissent pas le Nouveau Testament comme leurs écritures saintes. Plus encore, les catholiques (à la différence des protestants) ont intégré des ouvrages ou passage d’ouvrages dans l’Ancien Testament qui ne font pas autorité pour les juifs. Par exemple : les livres appelés Maccabées I et II, Judith, Sagesse de Salomon ou Siracide (Ecclésiastique) font partie de l’Ancien Testament mais pas de la Bible rabbinique ! Ou encore : les Bibles catholiques intègrent des passages ou variantes du livre d’Esther ou de Daniel qui sont influencés par des traductions grecques. Ainsi, dans le Esther de la Bible de Jérusalem, la reine Esther fait de longues prières alors que, dans notre Meguila, on ne la voit jamais prier ! Le livre de Daniel de la Bible catholique comporte l’histoire d’une Suzanne, absente du canon juif (ou protestant).
Malgré les diverses difficultés et précautions évoquées, je ne puis que recommander vivement la lecture de la traduction complète de la Bible. C’est le plus grand monument de la culture juive et, probablement, universelle ! Depuis la plus haute Antiquité, dès que les premiers Hébreux ont connu les affres de l’exil, avec la destruction du premier Temple en 589 avant notre ère, une bonne partie du peuple ne fut plus en capacité de comprendre directement l’hébreu biblique. L’on assiste alors, à partir du troisième siècle avant notre ère, à l’établissement d’une traduction officielle en grec (celle dit de la Septante, suivie d’autres) pour l’immense communauté juive d’Alexandrie, puis d’une traduction en araméen (comme celle dite de Onkelos), pour les communautés babyloniennes, mais aussi pour celles qui en Galilée ou en Judée qui parlaient désormais cet idiome, tout en conservant les textes originaux en hébreu et en les lisant publiquement (comme les traductions dites Targum Yerouchalmi ou Pseudo-Jonathan). Et pour dire l’importance et la validité reconnue à ces traductions, malgré toutes les réticences évoquées plus haut, on peut citer le Talmud de Babylone qui évoque l’opinion selon laquelle « qui traduit un verset littéralement est un imposteur mais qui rajoute au texte est un profanateur et un blasphémateur. Alors qu’est-ce que (bien) traduire ? C’est notre Targum [Onkelos] (Kiddouchin 49a). On trouve ce même type d’appréciation mitigée ou controversée à propos de la traduction en grec. Quoi qu’il en soit, pour qui ne maîtrise pas l’hébreu, il n’est guère d’autre choix que de s’aider de la traduction et je préciserais : des traductions. Puisque, justement, nous avons affaire à diverses civilisations et traditions qui ont traduit les Écritures, les comparer est des plus instructifs. Pour ensuite, ou en même temps, se lancer dans l’immense océan de l’exégèse, l’interprétation des Écritures…
En pratique, par quoi commencer ? Je conseille l’édition bilingue de la Bible, traduite par Zadok Kahn, pour son élégance et sa lisibilité. Avec l’hébreu, à côté, on peut déjà cibler des termes clés. Les plus avancés peuvent s’aider de l’édition de l’Ancien Testament interlinéaire qui, pour être le travail d’un collectif chrétien fondé sur la traduction œcuménique de la Bible, permettra également aux juifs de comprendre les termes et leur sens grammatical, au mot à mot. Je conseille ensuite de regarder sur le Web. Il existe désormais plusieurs traductions juives de la Bible en ligne, par exemple sur le site http://www.judeopedia.org/. Enfin, le meilleur conseil, mais pour certains ce sera le graal, c’est de se mettre à l’hébreu biblique, d’utiliser une concordance hébraïque, car le meilleur dictionnaire de la Bible, c’est la Bible elle-même ! On examine et on compare l’usage de certains termes dans les divers contextes. Et les vrais érudits (post-doc ou post-graal !) iront voir dans les publications de linguistes biblistes, spécialistes des langues sémitiques anciennes, pour que la « concordance » s’élargisse de la manière la plus scientifique et rigoureuse qui soit. Telle est la feuille de route pour qui désire étudier correctement une littérature sacrée dans sa langue d’origine, avant qu’elle entreprenne sa seconde vie, celle de l’interprétation, qui vise à lui conférer une pertinence actuelle.
Messages
En ce qui concerne la nouvelle traduction de la Bible de chez Bayard, il existe 4 volumes en poche chez Folio. Ceci pourrait peut être satisfaire ceux qui sont réticents à avoir la partie chrétienne de la Bible chez eux.
L’inconvénient est qu’il n’y a pour l’instant que les traductions de Genèse (Béréshit)- Nombres (Shemot)- Lévitique et Nombres (Vayikra et Bamidbar)- et Samuel. Domage qu’il n’y ait pas le Deutéronome (Devarim), on pourrait ainsi avoir l’ensemble du Choumash dans cette nouvelle version.
On peut d’ailleurs acheter chaque ouvrage séparément ou un coffret contenant l’ensemble.
Merci de ces précisions.
De notre point de vue, la présence du "2ème testament" ne pose pas un vrai problème.
Nous ne sommes plus dans une période d’ostracisme vis à vis du christianisme, mais dans une période de dialogue. Pour dialoguer, il faut connaitre. Les écrits chrétiens font parti de la culture générale, ils enseignent en plus bien des choses sur le monde juif de l’époque.
Des écrits extra canoniques comme "les Machabés" "Judith" et d’autres sont purement juifs et méritent d’être connus, on ne les trouve que dans les Bibles catholiques... C’est pourquoi même celui qui utilise la Bible du rabbinat, s’il veut compléter sa culture biblique devra bien acquérir une Bible supplémentaire. Celle de Bayard a le mérite d’être traduite dans le respect d’un certain esprit hébraïque.
Bien évidemment notre vision d’ouverture est différente de celle de la tradition qui interdisait absolument de lire de tels ouvrages (voir la Michna ), nos conditions culturelles n’ont plus rien à voir.
Avec tout le respect que je vous doit, je proteste catégoriquement...
Les traductions chrétiennes de la Torah ne sont pas la Torah, et ce d’ailleurs, avec ou sans "Nouveau Testament"...
Yehuda B-L
Cher Monsieur,
Il s’agit ici de traduction. La Tora prend sa véritable dimension en hébreu (longue et intéressante Souguia talmudique sur la question). A un certain niveau, l’hébreu devient incontournable. Les commentaires rabbiniques également.
Nous ne faisons que conseiller des traductions pour le grand public (tant de juifs n’ont jamais lu la Bible, y compris des juifs pratiquants !).
Hélas, le rabbinat français qui ne produit que bien peu de livres sérieux depuis des années, ne fait pas son travail en la matière, sa traduction est vraiment à revoir (19ème siècle !). Les Protestants retravaillent sans cesse la Segond et font un bien meilleur travail que les rabbins , sur ce plan-là…
De toute façon, nous prônons une approche ouverte et culturelle des choses, et ne sommes nullement gênés par le fait que les traducteurs appartiennent à tel ou tel groupe. Le résultat nous intéresse. Pour cela, la Bayard est parfois bien plus « juive » que celle du rabbinat. (La Bayard peut d’ailleurs être achetée en livres séparés, donc sans le NT)
Quant à la question du Nouveau Testament, il ne saurait être considéré comme une référence pour un juif, mais demeure un pilier indispensable de la culture occidentale et de l’histoire juive elle-même. Il nous semble donc normal qu’un juif cultivé le connaisse. Il n’y a rien de bien surprenant à cela dans notre optique qui est celle de l’ouverte et non du repli sur soi par le déni du monde.
Yeshaya Dalsace
C’est vrai que certaine traduction de l’hébreu au français laisse à désirer. Les protestants s’en approchent le plus. Autrement le lexique " hebrew and chaldee " de Benjamin Davidson permet de palier au manque. Chalom
J’aurais deux questions concernant les traductions de la Bible :
1) Que pensez-vous des traductions d’Henri Meschonnic ?
2) Quel(les) traduction(s) en anglais conseilleriez-vous ? Personnellement, j’ai relégué mon édition de la Bible du Rabbinat à une étagère pas très accessible et consulte désormais le plus souvent la Jewish Study Bible (donc une édition de la 1985 JPS translation avec des commentaires), mais je ne connais pas bien les différentes traductions existantes.
Merci d’avance !
Henri Meschonnic, pour lequel j’ai une grande estime personnel, a fait un travail très intéressant, mais sur seulement une partie de la Bible. Son travail sur le rythme me semble pertinent et manque totalement à la plupart des traductions. Ses traductions sont très bonnes mais il a surtout mis en place une série de notes passionnantes en fin d’ouvrage dans lesquelles il explique ses choix et compare différentes traductions. Je le recommande absolument pour un travail d’approfondissement. Voir en particulier son livre sur les Psaumes (Gloires).
En ce qui concerne les traductions anglaises, je ne suis pas compétent. Hélas...
Yeshaya Dalsace