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Les Bienveillantes

Les Bienveillantes

Jonathan Littell -

Un chef d’œuvre qui a fait scandale. Souvenirs (fictifs) d’un officier SS, écrit par un jeune écrivain juif...

J’ai dévoré avec passion ce gros roman et j’en conseille vivement la lecture.

Il fallait oser se mettre dans la peau d’un officier SS et écrire un tel pavé ! Jonathan Littell l’a fait avec grand talent et érudition.

On l’a accusé de perversion, de voyeurisme, de sadisme refoulé… Tout cela me semble totalement infondé. Bien au contraire, il faut être drôlement équilibré et solide pour se permettre de plonger aussi profondément dans l’univers nazi avec justesse et ironie.

Les témoignages de victimes ne manquent pas et il me semble que l’œuvre romanesque dans le champ des victimes tendrait à l’indécence (encore que rien ne soit interdit en littérature et qu’Appelfeld montre la possibilité, voir la nécessité, de la nouvelle en ce domaine). Par contre, les bourreaux ne parlent pas et lorsqu’ils le font, c’est rarement avec sincérité. Les historiens sont obligés de garder trop de distance pour se permettre de plonger dans leur univers avec autant d’efficacité que le romancier. Les outils ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi, dans un tel cas, le roman prend toute sa place. Bien entendu, ce livre ne prétend pas nous apprendre l’Histoire, pour cela il y a Hilberg, Friedländer et les autres. Il est clair que Littell écrit pour un lectorat érudit et persévérant, pour qui l’Histoire ne s’apprend pas à coup de romans.

Il me semble que « les Bienveillantes » cherche à nous éclairer l’autre côté de la médaille, celui du bourreau, somme toute assez ordinaire et hélas, bien proche de nous… On constate l’influence très claire d’Hannah Arendt sur Littell dans sa réflexion sur la banalité du mal.

À travers la destinée de son officier SS, placé non pas comme un personnage de premier plan du système nazi, mais plutôt comme un observateur privilégié et néanmoins actif, donc coupable, Littell dresse le portrait de tout un système.

Certaines pages sont tout simplement excellentes et nous plongent au cœur de la tempête, de l’horreur et de l’absurde. Dans les fosses communes d’Ukraine. À Stalingrad. Dans Berlin avant la chute.

Les nombreuses conversations et réflexions internes du héros donnent lieu à des remarques parfois très pertinentes (bien que dans certains cas un peu longues).

L’intrigue propre à la vie privée du héros tend à le placer dans une dimension de tragédie grecque. Il incarne plusieurs grands thèmes de la mythologie, tels que l’inceste et le matricide…

Littell ne défend aucune thèse clairement exprimée, mais c’est un peu comme si le nazisme consistait en une prise de pouvoir du mythique sur le réel, dérapant obligatoirement vers la tragédie.

En tant que juif, Littell est l’héritier des victimes, en tant que « frère humain » il est également celui des bourreaux. Il sait par son travail (10 ans dans l’humanitaire et les conflits) que le Barbare est tapi à la porte de chacun de nous et que Caïn reste l’ancêtre de l’humain civilisé. Il me semble donc qu’il pouvait tout à fait donner des mots aux tueurs.

La fin quelque peu surréaliste et assez drôle dans le tragique, nous ramène habilement dans la dimension romanesque au cas où nous aurions fini par prendre cet ouvrage si bien documenté totalement au pied de la lettre et par croire à l’existence réelle de Maximilien Aue.
Le sujet du livre est on ne peut plus sérieux mais abordé de telle sorte qu’il permet de semer chez le lecteur des points de réflexion qui ne peuvent que le travailler en profondeur.

Certains se sont offusqués que la voix soit celle du bourreau, mais je trouve cela absurde. Dans la Shoa et les horreurs du nazisme, la question est plus celle du bourreau que de la victime qui, elle, n’avait pas le choix ; par contre le bourreau, qui pour sa part n’inspire ni le pardon ni la « compréhension » puisqu’il a agi librement, appelle à une réflexion lucide. C’est pourquoi je trouve tout à fait salutaire d’écrire sur celui-ci comme l’a fait Littell.

A lire…

Yeshaya Dalsace

 Prix Goncourt à Jonathan Littell vu par François Busnel

http://video.google.fr/videoplay?do...

 Jonathan Littell, homme de l’année entretien :

http://www.lefigaro.fr/magazine/200...

 Jonathan Littell s’explique dans une table ronde à Normal Sup

http://docs.weblog.ro/page!27.html

  Dans Le Monde, interview

http://www.urban-resources.net/page...

 Mal reçut en Allemagne :

L’historien Ulrich Herbert a qualifié son « intrigue artificielle » d’« ennuyeuse », le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung a dénoncé la même absence de qualités littéraires : « Ce n’est sûrement pas le roman du siècle, il contient des passages presque illisibles, il fatigue avec ses descriptions interminables des méandres bureaucratiques nazis. » L’hebdomadaire Die Zeit a pour sa part épinglé son « kitsch scandaleux », son « esthétique de l’horreur » digne des « films gore » ; le quotidien Die Welt dénonçant quant à lui « tous les clichés du kitsch nazi » accumulés dans ce roman de quelque 1 400 pages.

  Jonathan Littell et Daniel Cohn-Bendit en direct du Berliner Ensemble

à écouter (son pas très bon, dommage...)

http://www.arte.tv/fr/Audio/1948920.html

Messages

Les Bienveillantes

Bonjour , votre article réhabilite ce roman injustement critiqué (fascination pour l’abjection , style copié-collé , kitsch , obscénité) . Vous avez raison , l’écriture est excellente et les niveaux de lecture extrêmement complexes. Jonathan Littell s’égare progressivement, à dessein , et égare son lecteur . Il introduit des effets de Réel comme jamais je n’en ai lus . La structure permet de faire tenir ensemble une masse importante de faits d’archive. Littell n’est pas antisémite et le livre n’est pas antisémite même si les raisonnements , les discours , des dissertations sont très dérangeants. L’intertextualité foisonne ( au point qu’on pourrait reconstruire la bibliothèque de Max Aue ) . Ce sont les faits qui sont obscènes. Le livre n’est pas un roman historique. C’est de la littérature

Voir en ligne : Les Bienveillantes : analyse structurale

Les Bienveillantes

Le développement du message est à cette adresse : http://pagesperso-orange.fr/lyonel.baum/bienveillantes.html

Voir en ligne : Les Bienveillantes : analyse structurale

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