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Commentaires sur la parasha Bemidbar

Commentaires sur la parasha Bemidbar

Parasha Bamidbar -

Géographie de l’errance en quête de sens. Avec notre Parasha   nous entamons un nouveau livre de la Tora intitulé « dans le désert » ou le livre des Nombres.

Désert, parole et Mandala

Notre Parasha   dresse une sorte de plan du campement des hébreux après le mont Sinaï. Ce campement montre une répartition symbolique très forte entre les tribus et donne l’impression que le campement d’Israël, loin d’être choisi au hasard, cherche à refléter une perfection céleste chère à la vision qu’en avaient les antiques. En cela, cette idée rejoint un peu celle du Mandala, chez les extrêmes Orientaux. C’est une forme de représentation symbolique d’un système initiatique fonctionnant par étapes et menant vers le centre présentant un modèle d’ascension spirituelle. Jung y voyait, lui, une représentation symbolique de la psyché.

Bien loin d’être le lieu du vide absolu, le désert reste le lieu de la parole et de la rencontre, dépendants d’une écoute profonde intérieure. En hébreu, Bamidbar veut dire également « dans le parlant ». Une dimension si profonde qu’il faudra 40 ans au peuple juif pour l’explorer…

Nous en gardons le souvenir comme tous les grands systèmes mystiques et nous recommençons cette errance à travers le texte de Parasha   en Parasha  .

Yeshaya Dalsace

Bemidbar – Chavouot

Cette année, le chabat Bemidbar sera suivi après quelques jours par la fête de Chavouot, nous invitant à une intéressante mise en parallèle des textes lus.

La parachah Bemidbar commence par décrire l’organisation du campement des hébreux afin de permettre au peuple d’entrer et de prendre possession de la terre d’Israël : les douze tribus devront se répartir dans les quatre directions de l’espace, permettant ainsi d’ouvrir et de protéger en leur centre la place du sanctuaire. Le peuple sera donc rassemblé par ce point central du sanctuaire, au cœur duquel se trouve bien sûr le Saint des Saints. Or celui-ci est caractérisé par le fait qu’il est un lieu vide d’hommes, sauf une fois l’an à Kipour, lorsque le grand-prêtre y entre pour demander pardon. Car c’est précisément dans ce vide créé par le retrait de l’homme au cœur même du peuple que la Présence divine peut venir résider. Comme s’il fallait que le peuple se vide en son centre pour laisser place à ce qui le dépasse et lui échappe, et pourtant par ce fait même, le porte et l’oriente dans l’histoire.

Cette première lecture est corroborée par le texte lu à Chavouot (Exode 19 et 20). On nous dit en effet ceci : les enfants d’Israël « partirent de Refidim, vinrent dans le désert du Sinaï, campèrent dans le désert, et Israël campa là face à la montagne » (Exode 19, 2). Outre la redondance (on nous dit deux fois qu’ils campèrent), les commentateurs nous font remarquer cet étrange passage du pluriel au singulier : ils « campèrent », puis, il « campa ». Pourquoi ? Parce qu’Israël est un peuple profondément pluriel, et ce jusqu’à aujourd’hui. Cette pluralité est un élément positif, puisqu’elle va être institutionnalisée dans la mise en ordre du campement : il faut douze tribus autour du sanctuaire pour que celui-ci émerge au centre de cette pluralité pour lui donner son sens et son unité sans la nier. Le sanctuaire est donc soutenu par cette pluralité, et en constitue le couronnement, non l’abolition.

Mais en même temps il réunit cette pluralité par le vide – et non par le plein – puisque ce centre fédérateur doit rester au-delà de toute présence et de toute emprise humaines. D’où l’importance des prêtres qui doivent empêcher tout « étranger » au service de s’approcher de ce centre ou de s’en emparer. Or c’est exactement ce que fait aussi la montagne du Sinaï : c’est face à la montagne, c’est-à-dire à ce qui va l’élever vers des hauteurs insoupçonnées, que le peuple d’Israël retrouve son unité. Mais attention ! Cette unité n’appartient à personne ! Dès que le peuple s’installe en effet autour de cette montagne pour se préparer à y recevoir la Torah, l’exigence divine se fait entendre de manière péremptoire : nul ne devra monter sur la montagne ! L’unité n’est donc pas accessible immédiatement : elle ne peut être visée qu’à travers et à partir de la pluralité qui lui donne accès et la protège. Autrement dit, seul ce vide de la montagne qui nous élève et nous aspire vers le haut, peut nous réunir, précisément parce qu’il nous échappe et indique ainsi une dimension de hauteur qui nous transcende absolument. La Révélation ne pourra donc se faire qu’à partir de ce vide, comme expression de ce retrait de l’humain face au divin qui en lui laissant la place fonde les conditions de sa propre unité et du sens de son histoire.

C’est donc bien ce qui nous échappe qui nous réunit. Israël ne se rassemble pas par le plein d’un projet, d’un idéal, d’une définition, d’une croyance, mais par le vide d’un Appel qui se creuse en son sein et l’élance vers des hauteurs insoupçonnées.

Cela signifie que personne ne peut s’approprier le judaïsme, ou croire le posséder – et qu’il n’y aura jamais de définition du Juif. On peut seulement témoigner du judaïsme plus ou moins bien par ses actes, et par la réflexion et l’étude qu’ils suscitent sur la possibilité de les améliorer.

Yedidiah Robberechts

Questions de recensements

Notre parasha   ouvre le livre de Bemidbar, que l’on nomme également en hébreu « séfer hapikoudim » qui a été traduit en français par « le livre des Nombres ».

En effet, ce livre s’ouvre, dans notre parasha  , par un recensement qui a lieu au début de la traversée du désert, un an après la sortie d’Egypte, et se termine (dans la parasha   Pinchas) par un nouveau dénombrement qui, lui, a lieu 39 ans plus tard, peu avant l’entrée en terre promise.
Le premier commentaire de Rashi   sur notre parasha   (et donc sur le livre tout entier) dit la chose suivante : « Par amour d’eux Il les dénombre à chaque moment. Lorsqu’il sont sortis d’Egypte Il les a compté, lorsqu’ils se sont dégradés par le veau d’or Il les a compté pour savoir combien restaient, lorsqu’Il vint poser sa présence sur eux ils les a compté, c’est le premier nissan   qu’a été confectionné le sanctuaire et c’est le premier Iyar qu’Il les a compté (d’après le midrash   Torat Cohanim   cité ici par Rashi  ) ».

A priori, le commentaire de Rashi   ne semble pas présenter de difficultés : en effet, nous pouvons retrouver facilement les passages de ces différents comptes » :

 dans le livre de l’exode, chapitre 12, verset 37, il est écrit : « Et les enfants d’Israël voyagèrent de Ramsès à Soukoth, quelques six cent milles gens de pieds sans compter les enfants ».

 dans le livre de l’exode, au chapitre 32, verset 28, après la faute du veau d’or il est écrit : « Et les enfants de Lévi accomplirent ce que Moïse avait dit, et il est tombé parmi le peuple ce jour là environ trois mille personnes ».

 enfin, dans notre Parasha   de Bémidbar, au chapitre 2, verset 32, il est dit : « Voici les comptes des enfants d’Israël par familles paternelles, l’ensemble du recensement du camp suivant les différentes armées, six cent trois mille cinq cent cinquante ».

Nous savons pourtant que Rashi   commente lorsqu’il existe une difficulté textuelle, or ici il semble que tout soit clair, et dans le texte de la Torah, et dans celui du midrash   que cite Rashi  . En réalité, il nous semble que Rashi   vient nous signaler ici une difficulté du texte du midrash  , pour attirer notre attention sur une question cruciale du texte du livre des Nombres. Le midrash   omet en effet de nous rappeler le dernier recensement, celui qui est effectué à la fin des 40 ans de désert. N’est-il pas, lui aussi, un signe d’amour ? Si nous regardons le verset 51 du chapitre 26 du livre des Nombres, la difficulté nous saute immédiatement aux yeux : « Voici les comptes des enfants d’Israël, six cent un mille sept cent trente ».

En 40 ans, la démographie du peuple d’Israël a été nulle, voir même un petit peu négative : 1720 personnes en moins ! Pour ceux qui, comme moi, attendent impatiemment chaque année la publication, la veille de Yom Haatzmaout, l’indépendance d’Israël, de l’évolution démographique du pays, et sont heureux de constater que la population juive s’est agrandie, le gel de la population des Hébreux pendant les 40 ans de la traversée du désert est particulièrement frappante. Que s’est-il passé ? C’est que le désert est, en réalité, un passage obligé, mais négatif, du développement d’Israël. Il permet la remise de la Loi, il permet la préparation de la génération qui va conquérir la terre, mais tout ceci est déconnecté de toute réalité historique et matérielle : même la nourriture et les vêtements leur sont offerts sans qu’ils n’aient à fournir le moindre effort ! Mais le but du Judaïsme n’est pas d’évoluer dans le désert, de bloquer tout dynamisme comme cela se reflète dans cette non-évolution démographique. Mais au contraire l’Alliance divine nous a été donné pour faire « laassot », pour construire et développer, pour être un peul dans l’histoire et non un peuple déconnecté des évènements.

C’est ce que Rashi   nous signale, par son commentaire, pour nous empêcher de tomber dans une erreur de compréhension alors que nous entamons le livre du désert (Bémidbar). Bémidbar veut dire textuellement « le lieu de la parole », mais ce que Dieu nous demande, c’est de savoir sortir de ce lieu de la parole pour rentrer dans le monde de l’action, rentrer en terre d’Israël.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

copyright Jerusalem Post

 La Torah au temps du corona (10)

Bemidbar (Nombres, 1,1-4,20)
29 Iyar 5780/23 mai 2020
Corona Torah serait la latinisation de Keter Torah, « La couronne de la Torah », expression qui, entre autres usages, donne son titre à un long poème de Isaachar Bär ben Judah Carmoly, rabbin   alsacien du 18è siècle, pur génie quant à l’érudition, l’intelligence et la créativité.
Keter, dans l’arbre de vie kabbalistique, est la plus élevée des sephirot et celle qui porte le plus haut degré d’abstraction. Irréelle telle … un virus.
Bref, il n’est pas vain de saisir le moment pour considérer le texte toraïque de la semaine et voir ce qu’il nous fait lire/entendre quant à notre présent pandémique et confiné.

Encore une fois, le texte toraïque se donne dans son immédiateté, son actualité. Comme il y a 4 semaines (« Tazria-Metsora », La Torah au temps du corona 6), inutile de chercher loin pour trouver le rapport entre la parasha   et notre situation. Il est là, dès le titre du livre, le 4e du Pentateuque, qu’ouvre notre parasha   : « Nombres ». Pour une fois, ne rechignons pas devant la traduction car l’original, Bamidbar [Dans le désert], aurait été moins parlant, quoique les villes confinées en aient pu donner le spectacle. Et puis, quoi de mieux que des nombres pour peupler un désert ?
Les nombres versant Covid s’affichent tous les soirs sur les écrans de télévision. Hier soir : 144 163 cas, 28 215 morts,1 745 patients en réanimation. Ne les cachons pas car si la Torah est maïm haïm, source de vie, elle nous permet d’ouvrir les yeux sur une situation mortifère.
Face à ces chiffres, ceux de la parasha   affichent également une extrême précision, ils peuplent effectivement le désert puisqu’ils enchaînent sur l’organigramme spatial du peuple hébreu à l’époque : le Tabernacle  , les Cohanim  , les Leviim, les tribus, leurs emplacements aux 4 coins cardinaux, les chefs, les bannières.
Les chiffres relèvent d’un recensement :
1 L’Éternel parla en ces termes à Moïse, dans le désert de Sinaï, dans la tente d’assignation, le premier jour du second mois de la deuxième année après leur sortie du pays d’Egypte : 2 « Faites le relevé de toute la communauté des enfants d’Israël, selon leurs familles et leurs maisons paternelles, au moyen d’un recensement nominal de tous les mâles, comptés par tête. 3 Depuis l’âge de vingt ans et au-delà, tous les Israélites aptes au service, vous les classerez selon leurs légions, toi et Aaron. » (Nombres, 1, 1-3 ; Bible du Rabbinat)
On notera d’emblée que les personnes en charge ne sont pas d’obscurs fonctionnaires ou de lunatiques statisticiens mais Moïse et Aaron, ce qui montre que le recensement n’a pas qu’une valeur sociale mais qu’il relève d’un devenir historique auquel sont assignés les Enfants d’Israël. Le service en question est celui de l’armée mais cette vocation militaire n’est pas une fin en soi. Elle vient assurer l’étape ultérieure, l’arrivée en terre d’Israël qui ne se fera pas dans la douceur et la diplomatie. Plus généralement, le projet juif, alors et toujours, doit être défendu et il faut s’en donner les moyens.
לְצִבְאֹתָם [litsvotam, selon leurs légions]. Le terme militaire tseva se retrouve dès le verset 1 du chapitre 2 de la Genèse : « Ainsi furent terminés les cieux et la terre et toutes leurs armées [ vekholtsevaam, וְכָל-צְבָאָם ] ». Nulle proclamation guerrière à l’évidence mais l’affirmation, comme y insiste la tradition exégétique, d’un ordre au sein duquel chacun.e a sa place et son rôle. Le recensement en serait le rappel.
En outre, ce recensement n’est pas isolé. A cet égard, on peut remarquer qu’un recensement n’est pas une procédure innocente. Dans la mémoire juive, elle est par exemple liée aux sombres souvenirs des années du nazisme. Aller s’inscrire au commissariat puis partir pour Pithiviers. Moins dramatiquement, on dira qu’il y a là une déshumanisation, une réduction à des chiffres qui effacent la personnalité des sujets. Des nombres pour remplacer des noms. Rashi   dut y être sensible car il commente :
C’est l’amour qu’Il leur porte qui L’incite à les compter à tout moment : Il les a comptés lorsqu’ils sont sortis d’Égypte, et de nouveau après la faute du veau d’or afin de connaître le nombre de survivants (Chemoth 38, 26), et encore une fois lorsqu’Il est venu pour faire résider sa chekhina   sur eux. C’est le 1er nissan   qu’a été érigé le tabernacle   (Chemoth 40, 17), et Il les a comptés le 1er iyar. (Traduction J. Kohn, Sefarim.fr)
Israël n’est pas une masse informe, une entité économique ou territoriale, mais un peuple n’existant que de l’union des individus le composant. Ce qu’éclaire l’analogie entre les chiffres du recensement et ceux du compte du omer entre Pessah et Shavouot. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, idem pour les individus. Et cette diversité est indispensable pour organiser ce que célèbre Shavouot : le don de la Torah - le calendrier fait lire notre parasha   le shabbat précédant la fête (du jeudi 28 mai prochain au soir au samedi 30 au soir).
Le judaïsme, si féru d’idéaux et de concepts, connaît la valeur des nombres : une lettre est invalide et le Sefer Torah l’est également ; un homme ou une femme manque et le minyan   est incomplet. Une communauté a besoin de tous ses membres, ce sont eux qui la composent et elle n’existe pas en dehors d’eux, comme un désert qui attendrait d’être rempli.
Ne pas manquer à l’appel, qu’il vienne du divin ou de l’humain, qu’il s’élève tout près ou au loin. Chaque tribu avait sa bannière, fièrement brandie :
Rangés chacun sous une bannière distincte, d’après [les signes de] leurs tribus paternelles, ainsi camperont les enfants d’Israël ; c’est en face et autour de la tente d’assignation qu’ils seront campés. (Nombres, 2, 2 ; Bible du Rabbinat)
Rashi   explique que chaque bannière avait une couleur différente qui correspondait à celle de la pierre de la tribu fixée au pectoral du grand-prêtre. En temps de crise comme en temps de paix, l’harmonie est visée. United colors. Puisque cette tribune n’est (hélas) pas sponsorisé par Benetton, disons allégrement que l’entreprise d’habillement italienne n’a rien inventé.
Prenez soin de vous, prenez soin des autres, soyons unis par le cœur et l’esprit, soyons vaillants pour préserver la lumière du judaïsme et de la paix. Shabbat Shalom.
Alexis Nuselovici,
Président, Or Chalom

 De l’ainé au Levi

Dracha de Tamia Cohen   mai 2020 pour sa Bat-Mitzvah
Cher Rabbi, chère famille, chers amis,
Aujourd’hui nous avons lu la paracha   Bamidbar, première paracha   du quatrième livre de la torah. Ce livre, le sefer Bamidbar signifie littéralement, « dans le désert », mais est traduit en français par « Les Nombres » car c’est un livre de recensement, de décompte des bnei Israël dans le désert.
C’est la tradition que la bat mitsvah fasse un commentaire de la paracha   qu’elle vient de lire afin de décortiquer le texte et d’en tirer un enseignement intéressant, à l’image des sages   du Talmud  .
Avez-vous essayé de commenter la paracha   Bamidbar ? Je peux vous dire que c’est très difficile ! J’aurais pu tomber sur l’Arche de Noé, comme mon cousin, ou la fabrication du mishkane, comme ma cousine, mais non ! Je suis tombée sur une paracha   ou l’on compte chaque personne spécifiquement tout au long de la paracha   : cela pourrait paraître tellement ennuyant… Au premier abord seulement ! C’était sans compter sur les commentaires de Rachi  , d’Eli Munk, de l’application Sefaria et bien sûr du Talmud   de Babylone, traité Sanhédrine ! Mais surtout sur les lumières de mon grand-père, sur l’érudition de Yeshaya et sur l’accompagnement de mon père.
Nous nous sommes intéressés à la question des premiers nés et des Léviim dans la dernière partie de la paracha  .
Nous pouvons lire dans Bamidbar 3.39
כָּל־פְּקוּדֵ֨י הַלְוִיִּ֜ם אֲשֶׁר֩ פָּקַ֨ד מֹשֶׁ֧ה וְׄאַׄהֲׄרֹ֛ׄןׄ עַל־פִּ֥י יְהוָ֭ה לְמִשְׁפְּחֹתָ֑ם כָּל־זָכָר֙ מִבֶּן־חֹ֣דֶשׁ וָמַ֔עְלָה שְׁנַ֥יִם וְעֶשְׂרִ֖ים אָֽלֶף
Traduction : Il y avait 22 000 ainés mâles de plus d’un mois chez les Léviim.
Puis deux versets après nous lisons que Dieu dit à Moise :
וְלָקַחְתָּ אֶת הַלְוִיִּם לִי אֲנִי יְהוָה תַּחַת כָּל בְּכֹר בִּבְנֵי יִשְׂרָאֵל
Traduction : Tu m’attribueras les Léviim à moi l’éternel, à la place de tous les premiers nés d’Israël.
Enfin nous lisons :
וַיְהִי כָל בְּכוֹר זָכָר בְּמִסְפַּר שֵׁמֹת מִבֶּן חֹדֶשׁ וָמַעְלָה לִפְקֻדֵיהֶם : שְׁנַיִם וְעֶשְׂרִים אֶלֶף שְׁלֹשָׁה וְשִׁבְעִים וּמָאתָיִם.
Traduction : Il y avait 22 273 premiers nés mâles dans le peuple.

Nous comprenons dans ce texte que Dieu demande que les Levis remplacent les premiers nés mâles qui lui sont destinés.
Je m’explique : Les premiers nés mâles parmi les enfants d’Israël, ainsi que les premiers nés mâles du bétail appartiennent à Dieu : Pour les Hommes cela signifie servir Dieu, et pour les bêtes, être sacrifié.
Un problème nous saute aux yeux. Les Leviim doivent remplacer les premiers nés, or il y a 22 000 Leviim pour 22 273 premiers nés. Il manque donc 273 Leviim !
Dieu propose une solution pour compenser cette perte.

וְלָקַחְתָּ חֲמֵשֶׁת חֲמֵשֶׁת שְׁקָלִים לַגֻּלְגֹּלֶת :
וְנָתַתָּה הַכֶּסֶף לְאַהֲרֹן וּלְבָנָיו פְּדוּיֵי הָעֹדְפִים בָּהֶם.

Traduction : Tu prendras 5 shekels par tête et tu donneras l’argent à Aharon et ses fils.

Rachi   nous aide à comprendre :
אָמַר, כֵּיצַד אֶעֱשֶׂה ? בְּכוֹר שֶׁאֹמַר לוֹ תֵּן חֲמֵשֶׁת שְׁקָלִים, יֹאמַר לִי "אֲנִי מִפְּדוּיֵי הַלְוִיִּם". מֶה עָשָׂה ?
Moshe dit :
« Mais comment je vais faire ? Je dois trouver 273 premiers nés volontaires pour payer 5 shekels chacun, qui va accepter ? Le premier premier-né à qui je dirai : donne-moi cinq shekels pour ton rachat, me dira : Pas question ! Moi je fais partie de ceux qui sont rachetés par les Léviim ! Je n’ai pas besoin de payer ! Demande à un autre Lévy, il y en a plein d’autres par ici !
Comment fit notre pauvre Moshe ?
Rachi   va chercher dans le Talmud   une solution à ce problème :
Il nous emmène dans le Talmud   de Babylone, traité Sanhédrine
17a. Les rabbins   du Talmud   sont en plein débat au sujet de la constitution du Sanhédrine. Dieu demande à Moshe de lui rassembler 70 sages   parmi les tribus d’Israël. Les rabbins   rapportent que Moshe ne savait pas comment s’y prendre pour réunir de façon équitable 70 sages   à partir de 12 tribus. S’il en prenait 5 par tribu il aurait 60 sages   mais s’il en prenait 6 il aurait 72 sages  . Et là vous vous dites : « quel rapport avec la paracha   d’aujourd’hui ?! » C’est que le Talmud   fonctionne ainsi ! Par analogie, par détour. Les rabbins   expliquent que Moshe s’en est sorti par un tirage au sort pour choisir les 70 sages  , et c’est là que les rabbins   font allusion à l’épisode des Léviim dont nous sommes en train de parler.

הֵבִיא שְׁנַיִם וְעֶשְׂרִים אֶלֶף פְּתָקִין וְכָתַב עֲלֵיהֶם "בֶּן לֵוִי" וּמָאתַיִם וְשִׁבְעִים וּשְׁלֹשָׁה פְּתָקִין כָּתַב עֲלֵיהֶן "חֲמֵשֶׁת שְׁקָלִים",
בְּלָלָן וּנְתָנָן בַּקַּלְפִּי, אָמַר לָהֶם, בּוֹאוּ וּטְלוּ פִתְקֵיכֶם לְפִי הַגּוֹרָל.

Traduction : Il apporta 22 000 tickets et écrivit dessus « Lévite », et 273 tickets sur lesquels il écrivit : « cinq shekels ». Il les mélangea et les mit dans une boîte. Il dit aux premiers nés : « Venez et prenez vos tickets d’après le sort ».

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Bon, reprenons ! Ce qui m’a intéressé dans le passage que je viens de vous présenter, c’est le mode de fonctionnement de l’étude juive. Lorsque qu’un point du texte n’est pas clair, on se réfère immédiatement aux explications de Rachi  , Rachi   se référant lui-même au Talmud  , nous sommes allés dans le traité Sanhédrine qui faisait lui-même allusion à une autre partie de la Torah qui relatait un épisode avec un problème de comptabilité.

En étudiant ce passage je me suis posé des questions simples :
Pourquoi les premiers nés appartiennent ils à Dieu ?
Pourquoi les Léviim doivent ils remplacer les premiers nés ?
Je vais répondre à la deuxième question d’abord.
A la question ; Pourquoi les Lévis doivent ils remplacer les premiers nés ; la réponse habituellement donnée est : Les Lévis n’ont pas participé à la faute du veau d’or, contrairement aux premiers nés.
J’ai voulu aller vérifier par moi-même cette affirmation. J’ai relu l’épisode du veau d’or. Les bnei Israël, se sentirent perdus en l’absence de Moshe, qui était monté au Mont- Sinaï pour recevoir la Torah et les Tables de la Loi. Ils demandèrent à Aharon de leur construire un nouveau Dieu. Aharon collecta leurs bijoux, et les fit fondre. Il en fit un veau de métal fondu. Quand Moshe descendit avec les tables de la loi, il vit son peuple en train de danser et de festoyer autour du veau comme de véritables idolâtres. Furieux Moshe jeta les tables de la loi par terre. Alors, il fit fondre le veau, le mélangea à de l’eau et le fit boire aux bnei Israël. Puis après avoir sérieusement réprimandé son frère Aharon, qui tente tant bien que mal de se justifier d’ailleurs à base de :
« Tu connais ce peuple, il est dans une mauvaise situation, ils ont paniqué,
ils m’ont demandé des nouveaux Dieux, alors j’ai pris leur or,
וָאַשְׁלִכֵ֣הוּ בָאֵ֔שׁ וַיֵּצֵ֖א הָעֵ֥גֶל הַזֶּֽה׃
Traduction : Je l’ai jeté dans le feu, et ce veau en est sorti, sous-entendu ce n’est pas moi qui l’ai construit. »

Donc, après ce petit entretien
וַיַּעֲמֹד מֹשֶׁה, בְּשַׁעַר הַמַּחֲנֶה, וַיֹּאמֶר, מִי לַיהוָה אֵלָי ; וַיֵּאָסְפוּ אֵלָיו, כָּל-בְּנֵי לֵוִי

Traduction :Moïse se posta à la porte du camp et il dit : "Qui aime l’Éternel me suive !" Et tous les Lévites se groupèrent autour de lui

C’est de cette phrase que Rashi   dit
כל בני לוי. מִכָּאן שֶׁכָּל הַשֵּׁבֶט כָּשֵׁר
Rashi   remarque que dans la phrase de la Torah le texte précise Kol bnei Lévis,
Tous les Lévis. Tous sans exception, personne n’a participé à la faute du veau d’or.
De là nous savons que la tribu des Lévis est « pure ».

Elie Munk nous oriente pour compléter cette référence vers un épisode dans Devarim 10.8
בָּעֵ֣ת הַהִ֗וא הִבְדִּ֤יל יְהוָה֙ אֶת־שֵׁ֣בֶט הַלֵּוִ֔י לָשֵׂ֖את אֶת־אֲר֣וֹן בְּרִית־יְהוָ֑ה לַעֲמֹד֩ לִפְנֵ֨י יְהוָ֤ה לְשָֽׁרְתוֹ֙ וּלְבָרֵ֣ךְ בִּשְׁמ֔וֹ עַ֖ד הַיּ֥וֹם הַזֶּֽה׃
Traduction :A ce moment-là l’Eternel différencia les Léviim pour porter l’arche de l’alliance de l’Eternel, pour se tenir devant l’Eternel, le servir et bénir par son nom jusqu’à ce jour.

Commentaire de Rachi   :
בעת ההוא, בַּשָּׁנָה הָרִאשׁוֹנָה לְצֵאתְכֶם מִמִּצְרַיִם, וּטְעִיתֶם בָּעֵגֶל וּבְנֵי לֵוִי לֹא טָעוּ, הִבְדִּילָם הַמָּקוֹם מִכֶּם ; וְסָמַךְ מִקְרָא זֶה לַחֲזָרַת בְּנֵי יַעֲקָן לוֹמַר שֶׁאַף בְּזוֹ לֹא טָעוּ בָהּ בְּנֵי לֵוִי אֶלָּא עָמְדוּ בֶּאֱמוּנָתָם :

Traduction : A cette époque, la première année de votre sortie d’Egypte quand vous avez fauté avec le veau d’or alors que les enfants de Lévi n’ont pas fauté : c’est pourquoi Dieu les a séparés de vous.

A partir de ces différentes sources, je comprends que les Léviim remplacent les premiers nés car les Lévis sont les seuls qui n’ont pas participé à l’abominable faute du veau d’or. Mais ce que je comprends surtout, c’est qu’il y a des sujets pour lesquels il n’est pas évident d’obtenir une réponse claire dans la Torah. Sans les commentaires de Rachi   qui s’inspirent de toutes les sources disponibles à son époque, je n’aurais pas pu répondre à cette question.

Pour la première question concernant le rôle des premiers nés dans la tradition juive, j’ai relu avec beaucoup d’intérêt le livre de Béréchit et j’ai remarqué que la place de chacun dans la fratrie était génératrice de conflits.
Itzhak n’est pas le fils ainé d’Abraham, mais c’est pourtant lui qui reçoit la brakha   des patriarches. C’est Ismaël, le véritable ainé, qui devra se trouver une autre voie.
A la génération suivante, Jacob, qui est sorti en deuxième et qui n’est donc pas l’ainé, achète le droit d’ainesse à Essav, et obtient la Bracha des patriarches à la place de son frère et avec la complicité de sa mère. Essav qui est le véritable ainé, devra lui aussi prendre une autre voie et rejoint Ismaël pour épouser une de ses filles.
A la génération des enfants de Jacob,
Joseph n’est pas le fils ainé de Jacob mais le premier fils qu’il a eu avec Rachel.
Joseph est aussi le fils préféré de Jacob (וישראל אהב את יוסף מכל בניו)
et nous savons comment s’est exprimée la jalousie de ses frères à son égard. Mais nous savons aussi la brillante carrière qu’attendait Joseph en Égypte loin de sa patrie.
A la lecture de ces histoires, plusieurs réflexions me viennent à l’esprit. On dirait que la Bible veut nous faire passer le message suivant :
Les relations entre les frères et sœurs sont très difficiles, et conflictuelles. Ce que je remarque, c’est que les parents sont responsables de ces jalousies. Sarah n’a-t-elle pas insisté pour qu’Ismaël s’en aille ? Rivka n’a-t-elle pas entrainé la ruse de Jacob pour voler la bénédiction à Essav ? Jacob enfin, n’a-t-il pas entrainé la jalousie des frères de Joseph en le préférant, et en lui offrant une jolie tunique en laine fine ?
Ainsi, je ne sais pas si remplacer les ainés par les Lévis avait pour but de diminuer les tensions au sein des fratries, mais ce qui est sûr c’est que retirer la sanctification des ainés, et les remplacer par une tribu entière n’a pu qu’apaiser les relations familiales.

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