C’est dans le traité Sanhédrin de la Mishna , comme nulle part ailleurs dans la littérature rabbinique, que cette valeur est à ce point mise en avant.
Il est question dans ce traité de témoins dans un cas de crime capital. Ces hommes, qui sont sur le point de témoigner qu’une personne a commis un crime, doivent être prévenus, dit la Mishna (Sanhédrin 4 : 5), de la gravité de leur faute si la personne contre laquelle ils s’apprêtent à témoigner est en fait innocente. On doit leur dire qu’Adam fut créé comme un seul et unique individu et que l’on apprend de cela que « qui détruit une seule vie humaine est considéré comme ayant détruit un monde entier et qui sauve une seule vie humaine est considéré comme ayant sauvé un monde entier ».
La Mishna apporte d’autres raisons au fait qu’Adam a été créé comme un individu unique. C’est pour nous enseigner qu’aucun homme ne peut dire à un autre : « mes ancêtres sont plus illustres que les tiens » (puisque tous descendent du même couple, Adam et Eve).
Plus encore, ceci nous montre la grandeur du Tout-Puissant qui a créé toute l’humanité à partir du même couple et pourtant n’a pas fait deux individus parfaitement semblables, ni deux êtres totalement identiques par leur forme, leurs traits ou leur caractère. Finalement, cela nous enseigne qu’il n’existe qu’un seul créateur et non une série de créateurs, chacun donnant vie à ses favoris.
La signification de tout ceci est évidente (et peut-être est-il nécessaire de répéter que pour la position non-fondamentaliste, la leçon est également très claire et ne perd rien de sa pertinence même si Adam et Eve ne sont que des figures mythologiques) : un Dieu a créé tous les êtres humains, attribuant à chacun un sens individuel, des traits uniques, créant chacun à l’image de Dieu, et tous égaux. Chaque être humain est un monde entier à lui seul.
De plus, il ressort clairement du contexte (en particulier avec le personnage d’Adam) qu’il est fait référence à tout individu, Juif ou non-Juif. Malheureusement, quelque part au cœur de la longue chaîne de transmission, un copiste a ajouté les mots « d’Israël », de sorte que le texte, à présent, est « Quiconque détruit une seule vie d’Israël [c’est-à-dire une seule vie juive], c’est comme s’il avait détruit un monde entier et, quiconque sauve une seule vie juive, c’est comme s’il avait sauvé un monde entier ». Mais hormis la question du contexte, aucune des anciennes versions ne comporte la précision « d’Israël » et ainsi, cette phrase est vraiment à visée universelle et s’applique bien à tout individu, qu’il soit juif ou non.
Même la série fondamentaliste Artscroll admet cela. Dans le commentaire sur la Mishna Sanhédrin (New York, 1987), p. 74, le commentateur remarque que « d’autres versions ne précisent pas qu’il s’agit de la destruction ou de la préservation d’une âme appartenant à Israël. Cette approche d’ailleurs semble légitimée par le fait qu’Adam lui-même n’était pas juif ».
Malheureusement, cette note se poursuit ainsi : « Cependant, il est possible qu’une fois que le peuple juif a été choisi pour remplir le rôle essentiel de l’humanité en acceptant la Torah et la suivant, cette leçon ne s’applique plus qu’à lui » [sic]..
Rabbin Louis Jacobs (za"l)
Messages
comment peut on dire que la tora est humaniste puisque elle demande de tuer le peuple de amalek et qu’elle admet l’esclavage ?
Dans la tradition juive il y a le sens propre et le sens profond.
Il va de soi que toutes les paroles de la Tora ne sont pas prise au pied de lettres mais prennent tout leur sens à travers l’interprétation par la tradition juive et les rabbins . S’il n’en était pas ainsi, le judaïsme serait une religion barbare et indéfendable.
La Tora appelle à la mise à mort de nombreuses personnes, pourtant la peine de mort n’existe pas concrètement dans le judaïsme.
Des pans entiers de la tradition juive, à commencer par certaines de ces fêtes, ne sont nullement explicités dans la Tora, sinon par de vagues allusions.
Amalek :
Cette tribu bédouine, dont on ignore l’identité exacte, voir même l’existence réelle, est pour la tradition juive l’incarnation du mal absolu et de la haine gratuite. Pour les mystiques, Amalek se cache en chacun de nous. Pas de concessions face à lui.
Amalek ne représente donc pas un groupe humain défini, mais bien une nature humaine à éliminer. C’est une nuance très importante.
Cela me semble la valeur la plus humaniste qui soit que de vouloir éliminer jusqu’à son dernier bourgeon la méchanceté humaine. Cela représente une utopie, mais une utopie humaniste.
L’esclavage :
Le judaïsme est basé sur le récit de la libération d’esclaves et l’invention d’une nation libre et égalitaire.
En même temps, le judaïsme antique envisageait la gestion d’un mode particulier de l’économie : l’esclavage. Cependant, celui-ci devait être géré par des règles strictes protégeant l’esclave de manière remarquable. Il était strictement interdit de le punir physiquement, il avait droit au repos hebdomadaire et à la protection en cas de fuite. Là encore, si l’on examine l’ensemble de ces règles en les replaçant dans leur contexte historique, nous nous retrouvons fasse un souci très poussé du respect de la vie humaine et de la dignité. Nous sommes donc bien devant des valeurs humanistes.
Fondamentalisme :
Si on désire lire la Tora de manière fondamentaliste, c’est-à-dire sans la replacer dans son contexte historique, et en y voyant une forme de mode d’emploi du monde à prendre au sens littéral et anhistorique, alors le judaïsme serait à nos yeux de moderne une religion totalement dépassée, impraticable et même à combattre. Le propre du rabbinisme est d’avoir une lecture totalement opposée aux fondamentalistes, lecture sous-tendue constamment par des valeurs humanistes.
Cordial Shalom
Yeshaya Dalsace
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