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Vers le Troisième Temple ?

Vers le Troisième Temple ?

Trois fois par jour, tous les juifs, même les Massortis, disent dans leur prière : « Veuille dans Ta clémence, Te rétablir à Jérusalem, Ta ville, comme Tu l’as promis. Reconstruis-la bientôt et demeures-y éternellement. Que le trône de David y soit prochainement redressé. »

 et ce depuis quelques deux milles ans. Nous prononçons ces paroles, mais au fond de nous–même, voulons-nous vraiment une reconstruction rapide du Temple ? En effet, on peut comprendre à ce que la plupart des juifs soient réticents que la reconstruction ait lieu « bientôt ». Nous nous sommes habitués à la vie spirituelle sans le Temple, et sa reconstruction entraînerait forcément des contraintes lourdes, aussi bien dans son exécution que dans son fonctionnement quotidien. Les juifs, et les Israéliens, ont assez de fardeaux, pense-t-on, sans en rajouter. De même, les juifs d’aujourd’hui peuvent difficilement s’identifier à des pratiques considérées comme désuètes, voire barbares, tels les sacrifices ou l’encens.

Tant que le peuple juif était dans l’incapacité physique de réaliser la mitzvah de la reconstruction du Temple, la question était simplement théorique. Aujourd’hui, nous devons l’examiner de près (et sans à priori), et cet examen nous permet de trouver une multitude d’arguments, qu’ils soient d’ordre religieux, social, politique, voire économique, qui militent pour la réalisation de notre prière tri-quotidienne.

Tout d’abord, la loi juive est claire : très simplement, Dieu nous a commandé de construire (et de maintenir en existence) Son Temple. Par ailleurs, 343 commandements sur le total de 613 dans la Torah concernent le Temple, et donc sont irréalisables sans son existence. Maintenant que le peuple juif a la capacité physique de réaliser ce commandement « de base », les excuses ou prétextes d’antan n’ont plus cours. Par ailleurs, la croyance selon laquelle nous devons attendre la venue du Messie avant de concevoir une reconstruction du Temple n’est pas du tout juive, mais chrétienne. C’est Matthieu (24 :2) qui la formule en premier, mais certains juifs l’ont adoptée (même Maimonide   y fait référence) par opportunité. Tout aussi étranger au judaïsme (bien que suivie par certains Hasidims) est l’idée, elle aussi d’origine chrétienne, que le Sanctuaire dont parle la Bible est en nous, dans nos cœurs. Non, le Sanctuaire est bien réel, en bois, en cuivre et en or – un objet physique et tangible, qui a réellement existé, et qui le peut encore.

La reconstruction du Temple répondrait à des besoins sociaux, pour le peuple juif. On n’a qu’à parcourir la description des commentateurs contemporains non-rabbiniques pour se rendre compte de l’importance du Temple pour l’unité du peuple juif. Voir par exemple ce vibrant témoignage de Philon (in Philon d’Alexandrie par Mireille Hadas-Lebel) :

« Des milliers de gens, partis de milliers de villes, les uns par terre, les autres par mer, du Levant et du Couchant, du Nord et du Midi, à chaque fête, se rendent dans le Temple comme dans un commun refuge, dans un havre bien abrité des agitations et des tourments de la vie. Ils aspirent à y trouver le calme et, se reposant un peu des soucis dont le joug a pesé sur eux depuis leur plus jeune âge, à reprendre haleine et à goûter, pendant un brève période, aux profondes et authentiques joies…ils se lient d’amitié avec des gens jusque-là inconnus, faisant de cette communion des cœurs, dans les sacrifices et les libations, le gage le plus sûr de l’union des esprits. »

Le pèlerinage correspond à un besoin humain spirituel, qui forge la cohésion nationale. Même Théodore Herzl, qui n’était pas de tout religieux, envisageait la reconstruction du Temple, comme un point focal de l’identité nationale juive.

A première vue, il semblerait que la raison politique arguerait plutôt contre tout changement de statu quo sur le mont du Temple. C’est vrai que la plupart des Arabes et musulmans, voisins ou non d’Israël, s’opposeraient farouchement à l’idée de construire le troisième Temple. Mais c’est vrai aussi que ces personnes sont déjà des opposants farouches à l’existence même d’Israël. D’ailleurs, l’affrontement n’est pas inévitable - il ne faut pas oublier que même sous la souveraineté musulmane, une synagogue a pris place sur le mont du Temple – au 12ième siècle, Maimonide   y a prié. Sans provocation inutile, on n’est pas obligé pour autant de renoncer à tout projet pour le peuple d’Israël simplement pour ne pas déplaire à son ennemi. C’est là où le mouvement Massorti   peut jouer un rôle vital : sensible aux sentiments des autres, pragmatique et créatif, ce mouvement a déjà su trouver des solutions à des problèmes complexes dans le monde moderne, tout en respectant fidèlement les traditions juives et la Halacha.

D’ailleurs, dans la tradition juive, le Temple n’est pas du tout restreint aux seuls juifs ; comme dit Isaïe (56 :7) « Je les amènerai sur Ma sainte montagne…car Ma maison sera dénommée Maison de prières pour toutes les nations ». C’était bien l’Empereur Cyrus, un païen, qui a ordonné la construction du deuxième Temple. Quel projet fantastique ce serait que d’associer tous les pays et religions du monde à s’unir pour la construction d’une maison commune !

Enfin, on ne peut négliger l’impact sur l’économie locale d’un gra nd projet de construction, avec l’effet sur l’emploi, l’artisanat et les beaux-arts – une vraie bouffée d’oxygène dans une région qui en a très largement besoin.

Evidement, un tel projet n’est pas sans poser quelques problèmes d’ordre pratique – mais notre ingéniosité doit permettre de les résoudre. Déjà, à plusieurs reprises depuis la destruction du deuxième Temple le peuple juif a essayé de le reconstruire, notamment en 360 et 136 de l’ère commun. L’absence des objets de culte n’est pas d’une importance capitale – la plupart des articles prescrits dans la Torah manquait dans le deuxième Temple, y compris l’Arche Sainte. Le positionnement du Temple peut faire l’objet d’un compromis, dans la mesure où nous ne connaissons pas la localisation exacte de ses prédécesseurs. En ce qui concerne les sacrifices, qui rebutent tant de juifs modernes, c’est une question complexe qui ne peut être traitée dans cette discussion. Mais plusieurs penseurs, aussi bien orthodoxes   (tel le Rav Avraham Kook  ) que massortis, sont d’avis qu’on peut reconstruire le Temple sans toutefois reprendre la pratique (du moins dans sa forme ancienne) des sacrifices.

En conclusion, si soixante ans après la création de l’Etat d’Israël, nous n’avons toujours pas de Temple, la raison est à chercher plus à l’intérieur du peuple juif que dans des causes objectives. Selon le Talmud  , suite à la destruction du Temple, le monde dans lequel nous vivons est devenu insipide et difforme, mais nous ne nous en rendons pas compte, n’ayant jamais connu d’autre expérience. Comme dit le rabbin   Adin Steinzaltz, si aujourd’hui il y a peu d’intérêt au sein du peuple juif pour reconstruire le Temple, c’est qu’il ne nous manque pas. En effet, la montée de l’individualisation dans le monde moderne, le peu d’idéaux collectifs, rendent trop abstrait le concept d’une maison de Dieu. Le Temple sera reconstruit le jour où le peuple d’Israël en ressentira le besoin – espérons que ce débat soit un pas de plus dans cette voie !

Par Mark Ellison

Contre les slogans creux

Par Benjamin Urbah

On entend quotidiennement sur la Radio Juive le slogan paradoxal :

" A l’aube du IIIe Temple votre place est en Israël…"

Cette formulation me parait mal venue, hypocrite et politiquement dangereuse.

Les publicitaires qui l’ont inventée veulent faire vibrer la corde sensible du peuple, bercé depuis l’enfance par le rituel liturgique. Les psychiatres israéliens connaissent la patologie des illuminés qui viennent à Jérusalem avec le projet de déitruire les mosquées pour bâtir le Temple et hater la venue du Messie. Ils sont parfois Juifs, mais plus souvent des Chrétiens ou adeptes de sectes variées. C’est le fameux "syndrome de Jérusalem". Les asiles en sont pleins. Le Judaïsme est totalement opposé à cette attitude.

Voici le texte de la liturgie juive :

(Prière du Moussaf des 3 fêtes de pèlerinage).

 " Dieu de nos pères, … rebâtis ta Maison à l’identique, réactive ton Sanctuaire, associe-nous à sa reconstruction, réjouis-nous de sa réinauguration, réinstalles-y ta Présence (chekhina  ), réintègre les prêtres, rétablis les chœurs et concerts des lévites, fais revenir Israël dans ses provinces…. Alors nous monterons (sur la colline du Temple), nous apparaîtrons (sur le parvis) et nous nous y prosternerons aux 3 fêtes de pèlerinage : Pâque, Pentecôte et Cabanes …
  Fais-nous revenir dans la joie à Sion, ta ville, et à Jérusalem, siège de ton Sanctuaire. Nous y offrirons les sacrifices obligatoires, les offrandes quotidiennes et les donations additives … "
(suit la liste détaillée)

Cette formulation, vieille de 2000 ans, perdure jusqu’à nos jours dans la liturgie orthodoxe   et consistoriale. Par contre, le judaïsme libéral, réformé au XIX siècle, l’a supprimé, estimant qu’elle a perdu sa raison d’être. Le judaïsme traditionaliste (massorti  ), majoritaire aux Etats-Unis et en expansion en Europe et en Israël, offre au fidèles la faculté, soit de la conserver, soit de la remplacer par :

"Nous rappelons le souvenir des sacrifices obligatoires, des offrandes quotidiennes et des donations additives que nos ancêtres apportaient au le Temple tant que celui-ci existait".

Cette modification de langage, pourtant anodines et sans portée réelle, a déclanché une condamnation énergique, voire l’anathème de la part des fondamentalistes, qui détiennent le monopole de la religion.

Or, l’historique du Sanctuaire remonte à la sortie d’Egypte et l’installation des enfants d’Israël en l’an -1185 dans le pays de Canaan, Elle avait pour but de

  libérer le peuple d’Israël de la persécution antisémite

  le sédentariser dans des frontières défendables

  lui attribuer un sol fertile, abondant "de lait et de miel"

  lui faciliter la création d’un état souverain.

Le chapitre XX de l’Exode relate la déclaration de la Loi et la vision monothéiste du monde, en opposition au paganisme environnant. Un Dieu abstrait allait remplacer la multitude d’idoles et de superstitions qui peuplaient la pensée humaine. Ce Dieu refusait toute matérialité ; même un nom propre. Il se présenta sous les vocables : "J’étais, je suis, je serai" que les scribes étrangers traduisirent par "Eternel". Les "Tables de la Loi" en pierre, contenant un abrégé d’éthique et de morale, étaient la seule manifestation palpable du divin. Le reste de la doctrine fut présenté sous forme orale, la Thora, dans un langage simple, accessible à tout hébraïsant. Malheureusement, il apparut que ce projet révolutionnaire était trop ambitieux pour l’époque et le lieu. Les esclaves fraîchement libérés ont préféré un Veau d’Or, idole égyptienne par excellence, visible et palpable, à l’abstraction généralisée de l’Être Suprème et à l’unicité des lois de l’Univers. Moïse en ressentit une immense déception, jeta les Tables au pied du Mont Sinaï et les brisa en mille morceaux.

Il lui a fallu procéder par étapes, dont la première était la construction d’un Tabernacle   dans le désert, puis la nomination hiérarchisé de prêtres, l’institution de rites, de sacrifices et d’offrandes pour occuper le peuple par des activités dans l’air du temps, sans tomber pour autant dans le paganisme ambiant. N’oublions pas que cela se passe il y a 3250 ans ! Il est capital de préciser les mots par lesquels la Thora donne l’ordre de construire le Tabernacle  , appelé aussi la Tente de Convocation (Exode 25, 1 à 8) :

"L’Eternel parla à Moïse en ces termes : Invite les enfants d’Israël à me construire un sanctuaire, afin que je réside en eux !"

Il n’est pas dit "que je réside en lui" (le Tabernacle  ), mais "en eux" (dans leur for intérieur), car l’Être abstrait n’a pas besoin d’enceinte ; il réside dans l’esprit humain. L’épisode du Tabernacle   est concomitant à celui du Veau d’Or, ce qui prouve leur lien.

Il faut jeter un regard chronologique sur les temples successifs du début à nos jours :

  Tabernacle   du désert de Sinaï (-1225 à -1185)

  I-er Temple de Salomon à Jérusalem (-950) détruit par Nabuchodonosor (-600) et la déportation des Juifs en Perse. Rappelons que le roi David n’avait pas été autorisé à le construire, car "ses mains étaient souillées par le sang des guerres". C’est son fils Salomon le Sage qui eut cet honneur, car son royaume a pratiqué la paix permanente, grâce à des alliances tous azimuts.

  II-ème Temple de Zorobabel au retour de Babylone (-540) ; ce temple, saccagé par les Grecs (-170) fut restauré par les Maccabées (-165)

  III-ème Temple d’Hérode construit en (-10) détruit par Titus (+75) et dispersion du peuple juif. Le Temple d’Hérode n’eut pas l’adhésion du peuple, qui considérait ce roi comme usurpateur et traître (collaborateur des Romains), d’où le refus de lui attribuer le nom de III Temple

Jérusalem a subi ensuite de nombreuses occupations :

  romaine de -145 à +313 458 ans

  byzantine de 313 à 636 323 ans

  arabe de 636 à 1099 463 ans

  croisés de 1099 à 1291 192 ans

  mamelouk de 1291 à 1516 225 ans

  ottomane de 1517 à 1917 400 ans

- britannique (mandat SDN) de 1917 à 1948 31 ans

  souveraineté israélienne/jordanienne de 1948 à 1967 - 19 ans

  souveraineté israélienne depuis 1967 (...) ans

  total de l’exil à nos jours 2148 ans ... . (en 2004)

Remarque : La dernière souveraineté arabe (= palestinienne) date de l’an 1099, les ottomans n’étant pas Arabes. La souveraineté juive (durée 10 siècles) et arabe (durée 4,6 siècles) sur la Palestine ancienne parle d’ailleurs en faveur des thèses juives, contrairement à l’opinion propagée par les médias.

Que signifie donc "aller à Jérusalem pour le III Temple" ?

L’esplanade est occupée par 2 grandes mosquées, Al-Aksa et Omar. Faut-il les raser pour faire place au nouveau Temple ? Est-il raisonnable de s’attaquer à l’Islam ?

Et les sanctuaires chrétiens vénérés au point d’avoir suscité au moyen âge 8 croisades, que faut-il en faire ?

Le sujet mérite-t-il une guerre mondiale ?

Laissons le problème aux politiques ; contentons nous de briller par nos qualités et notre génie, par la culture et l’art, par la justice et l’empathie envers les peuples et les religions proche-orientales. Restons fidèles à nos valeurs et à nos traditions et respectons celles des autres. La doctrine juive met la Paix au-dessus de tout. La théologie doit se plier aux circonstances. Notre mission dans ce monde se fera par l’exemple. Le prince Zorobabel, cité dans le livre du prophète Zacharie, a eu une vision céleste sur la signification des symboles du peuple juif : le chandelier d’or, ses sept flammes et les deux oliviers.

Ceci est la parole de l’Eternel à Zorobabel : Ni par l’armée, ni par la force, mais par la puissance de l’esprit !…Qu’es tu donc ? Oh toi, grande montagne, devant Zorobabel ? Une simple petite plaine ! Amène donc la pierre sommitale (du Temple) au milieu des acclamations : "qu’elle est belle, qu’elle est belle !"

La mission du peuple élu consiste donc à prêcher par l’exemple et non par la contrainte. La beauté de ces paroles poétique est honorée à juste titre et avec la même ferveur par les Juifs et les Chrétiens.

Le prophète Michée, fut questionné par le peuple sur le sens des sacrifices (chap 6.6-9) :

"Quel hommage offrirai-je au Seigneur ? Comment montrerai-je ma soumission au Dieu suprême ? Me présenterai-je devant lui avec des holocaustes, avec des veaux âgés d’un an ? Le Seigneur prendra-t-il plaisir à des hécatombes de béliers, à des torrents abondants d’huile ? Donnerai-je mon premier-né pour ma faute, le fruit de mes entrailles comme rançon expiatoire de ma vie ?"

"Homme ! On t’a dit ce qui est bien, ce que le Seigneur demande de toi : rien que de pratiquer la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu !"

La Michna   (exégèse talmudique) enseigne que le futur temple ne sera construit que par le Messie, le Sauveur définitif, qui apparaîtra à la fin des temps lorsque toute injustice aura disparu. Les fondamentalistes se gardent bien de prêcher la restauration précipitée dans ce monde imparfait. Ils préfèrent le status quo et l’attente de la rédemption céleste. Le simple utopiste qui se laisserait abuser par le slogan de pub irresponsable, se trouverait bien surpris par l’obligation d’effectuer à pied trois fois par an le pèlerinage de Jérusalem accompagné de génisses, boucs, chèvres et moutons destinés à l’autel, où ce cheptel sera égorgé et brûlé "en odeur agréable pour l’Eternel" ; dans un nuage d’encens. Spectacle incongru en l’an 5765, au commencement du XXI siècle !

Laissons donc à l’Agence Juive le soin de motiver l’alya avec des arguments sérieux.

Avant de bâtir le Temple, fournissons au peuple martyr le foyer de paix et de bien-être. Nous avons miraculeusement survécu pendant 2148 ans sans le Temple.

Si nous en bâtissons un nouveau, il faudra lui attribuer de fonctions contemporaines, a définir dans l’esprit de la Thora.

Benjamin Urbah

fils du Grand Rabbin   de Sarajevo et membre d’Adath Shalom  .

Paris, le 28 décembre 2004

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