Hanouka
Cours audio par Yeshaya Dalsace
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La lumière dans le judaïsme
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Recyclage d’une fête païenne
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Hanouka dans le Talmud
Fête de l’esprit
Par le rabbin Reuven Hammer
J’ai toujours été intrigué par le passage du Talmud qui s’interroge sur la signification de Hanoucca.
Une réponse nous est donnée dans la célèbre histoire de la fiole d’huile miraculeuse (Shabbat 21b). A l’époque où ce récit prit forme, des siècles après les évènements opposant les Maccabées aux Grecs, il était évident que la révolte et la victoire des Hasmonéens contre les Assyriens étaient alors des faits historiques connus de tous.
Ils étaient en effet inscrits dans le Livre des Maccabées, qui, bien que ne faisant pas partie du canon juif, était certainement lu et préservé. Plus important encore, la prière Al HaNissim « pour les miracles », récitée durant les huit jours de Hanoucca, faisait partie de la liturgie et relatait le déroulement des évènements : la victoire des Maccabées et la purification du Temple de Jérusalem.
Quelle est donc la réponse apportée par les Sages du Talmud ?
Certains suggèrent que la dynastie des Hasmonéens étant devenue corrompue et de ce fait peu estimée des Sages , ces derniers cherchèrent alors à diminuer l’importance du rôle des Hasmonéens en mettant l’accent non pas sur leur victoire mais sur un évènement surnaturel, un miracle causé par Dieu, à travers le récit jusqu’alors inconnu de la fiole d’huile.
D’autres, parmi lesquels Rachi , soulignent que les Sages demandent également : « A quel miracle fait-on référence lorsque l’on emploie l’expression Al HaNissim » ? Si le mot « miracle » signifie quelque chose de surnaturel, il ne semble pas y en avoir, à part les évènements normaux de l’histoire. La réponse est donc que le miracle ne fait pas référence à la victoire en elle-même, mais bien à l’huile qui dura de manière surnaturelle pendant huit jours.
Deuxième Soukot
Une autre réponse apportée est liée à la durée de la fête. Pourquoi, s’interrogent les Sages , célèbre-t-on Hanoucca pendant huit jours ?
Historiquement, nous en connaissons la raison : le peuple juif célébrait en fait une sorte de Soukkot étant donné qu’il s’agissait de la dernière fête du calendrier avant la restauration du Temple et que Soukkot durait exactement huit jours (en comptant Sh’mini Atzeret).
A l’origine, Hanoucca était considérée comme le Soukkot du mois de Kislev. Cette explication a problablement était oubliée et remplacée par l’histoire de la fiole d’huile qui brûla pendant huit jours, pour expliquer pourquoi nous célébrons Hanoucca en allumant des lumières pendant cette durée précise de huit jours.
Oublier le politique
En outre, d’autres suggèrent encore que l’intention des Sages était de relativiser l’importance de la victoire militaire, qui est le sujet principal de la prière d’Al HaNissim. Après deux grandes défaites désastreuses – la Grande Révolte qui avait conduit à la destruction du Temple en 70 après notre ère et la rebellion de Bar Kokhba en 135 qui signifiait l’effondrement de l’identité nationale juive - les Sages ne souhaitaient pas encourager de nouvelles campagnes militaires.
D’ailleurs, cette peur fut conservée dans la loi et la tradition juives et est à l’origine du principe selon lequel, jamais plus, nous ne devons utiliser des moyens humains pour restaurer l’indépendance juive, mais qu’il faut au contraire accepter la loi des nations et attendre patiemment le messie. Le sionisme politique permit de dépasser cette idée : celle-ci fut utilisée à la naissance du mouvement par les penseurs orthodoxes pour le combattre. Elle est toujours prônée par les Neturei Karta, les Hassidim Satmar et d’autres groupes haredim .
L’accent mis dans un deuxième temps sur la signification religieuse, plutôt que sur la victoire militaire, est assez évident lorsque l’on compare la prière d’Al HaNissim avec le récit talmudique. Dans la première, la bataille victorieuse nous est racontée dans les moindres détails, tout comme le fait de « livrer les forts aux faibles, les plus nombreux aux moins nombreux ».
A la fin de la prière est mentionné l’allumage des « Lumières dans les parvis » du « Sanctuaire », sans spécifier qu’il s’agit du réallumage de la ménorah. Il se peut très bien que ces lumières aient fait partie des célébrations de Soukkot. Selon des descriptions dans la Mishna , une grande importance était accordée aux lumières durant cette fête. Dans le récit talmudique au contraire, la bataille est brièvement mentionnée tandis que le problème de l’insuffisance de la quantité d’huile pure nécessaire à l’allumage de la ménorah est longuement évoqué.
Afin d’insister encore davantage sur cette idée, est choisi, comme lecture prophétique, un passage de Zacharie décrivant la ménorah et contenant ces mots : « Ni par la force, ni par la puissance mais par mon esprit, dit l’Eternel » (4 :6).
Les messages de Hanoucca
Finalement, quel est le message, ou plutôt, quels sont les messages que l’on doit retenir de Hanoucca ?
Premièrement, le fait qu’il y a des moments où nous devons nous battre pour notre indépendance et le droit à vivre librement en tant que Juifs.
Deuxièmement, que nous ne devons pas permettre à la puissance militaire de devenir le but de notre existence. Troisièmement, que nos victoires ne dépendent pas uniquement de la force mais aussi du Droit et de la pureté de la cause que nous défendons.
Et enfin, que quelles que soient nos actions, c’est l’esprit et la lumière de Dieu qui prévalent dans ce monde et que nous sommes son partenaire pour nous en rapprocher.
Ceci constitue déjà en soi un miracle aussi important que celui de la fiole d’huile.
Rabbin Reuven Hammer (Israël)
Traduction N. Taylor
Hanouka : Fête du foyer familial
Par le Professeur Moshé Benovitz
Hanouka célèbre traditionnellement deux évènements distincts : la victoire des Maccabés et la restauration du Temple après sa profanation.
C’est surtout la victoire militaire qui est soulignée dans la prière Al Hanissim, alors que le passage Talmudique évoquant Hanouka (Shabbat 21b) met plutôt l’emphase sur la re-consécration du Temple et sur le récit du miracle de la lampe à huile. Un autre motif semble avoir été ajouté à l’époque du règne d’Hérode : l’allumage des bougies de Hanouka dans un ordre croissant, en l’honneur du solstice d’hiver, qui marque le rallongement des jours (voir Moshe Benovitz « Hordos ve Hanukkah », Zion 68 (2003) pp 5-40.
Il semblerait cependant, que la conscience collective du peuple Juif ait associé un autre motif encore à Hanouka. En plus des diverses raisons mentionnées ci-dessus, beaucoup d‘entre nous célèbrent aussi Hanouka en tant que Fête du Foyer et de la Maison, du « confort douillet » et de la famille, bénédictions pour lesquelles nous sommes particulièrement reconnaissants en ces temps où s’installe l’hiver. Il est vrai que des familles se réunissent également à la maison à l’occasion d‘autres fêtes Juives, particulièrement à Pessah, mais là, l’accent est surtout mis sur la nourriture et sur la discussion, l’étude et le rituel qui tournent autour de la table de salle à manger. Ce qui rend Hanouka unique, est que le rituel d’allumage des bougies célèbre la réunion de la famille sous un même toit : le rituel prend place dans le salon, et pas nécessairement autour de la table de salle à manger. Hanouka est devenu le symbole de l’importance du refuge et de la chaleur qu’apportent la famille et la maison alors que commence l’hiver.
Ce motif peut sembler contemporain, mais il n’est pas l’apanage de notre génération. Non seulement on trouve des allusions au lien entre Hanouka et la maison, dans les sources traditionnelles, mais on y fait allusion dans des sources datant de trois périodes différentes de l’histoire de Hanouka.
On peut trouver des allusions sur ce thème dans la loi de base concernant l’allumage des bougies de Hanouka telle qu’elle est formulée dans le Talmud , dans la façon dont les bougies de Hanouka étaient habituellement allumées depuis les temps médiévaux, et dans la façon dont Hanouka était célébré par les Hasmonéens eux-mêmes, d’après les sources les plus anciennes évoquant des rituels spécifiques : le sixième chapitre du second livre des Maccabées.
I. La Halakha Talmudique :
« Une bougie par personne et par foyer »
La plupart des rituels Juifs sont de type appelé hovat gavra, « obligations individuelles », elles sont censées être accomplies par chacun. C’est également vrai des commandements inscrits dans les Écritures, comme la pose des tefillins et la consommation de Matza lors du Seder de Pessah, ou les prescriptions rabbiniques comme le lavage des mains avant les repas, ou la lecture de la Meguila d’Esther à Pourim.
L’allumage des bougies de Hanouka est une exception. En effet, même si de nombreux Juifs de nos jours s’efforcent d’allumer eux-mêmes les bougies chaque soir ou d’être présent lorsqu’un des membres de la famille les allume afin « d’accomplir le commandement » ce n’est pas nécessaire à strictement parler. Les bougies de Hanouka sont un hovat habayit, « une obligation incombant au foyer » et non à l’individu, pour citer le Talmud : « Le commandement de Hanouka est une bougie par personne et par foyer » (Shabbat 21b). Un Juif qui n’est pas à la maison pendant un des soirs de Hanouka ou même quelqu’un qui se trouve loin des siens pendant toute la semaine de la fête, n’est pas tenu d’allumer les bougies, ni de participer à une cérémonie d’allumage ailleurs, pour autant qu’une personne allume les bougies pour lui à la maison. (Shabbat 23a) C’est dans ce sens que la mitzvah des bougies de Hanouka est du même ordre que celle de la mezuzah : chaque foyer Juif doit avoir une mezuzah, mais les individus vivant dans ce foyer n’ont pas besoin d‘être présents lors de la pose de cette mezuzah. De même, chaque foyer Juif doit faire connaître le miracle de Hanouka aux passants en allumant des bougies, mais la participation de chaque individu à cette mitzvah n’est pas obligatoire.
En fait, le Talmud associe explicitement les bougies de Hanouka et la mezuzah : les bougies de Hanouka étaient à l’origine allumées devant les maisons, et d’après le Talmud (Shabbat 22a) elles devaient être allumées à gauche de la porte afin que la porte soit entourée de mitzvot – les bougies à gauche et la mezuzah à droite.
Maintenant, la mezuzah est par nature un rituel « domestique » : des versets bibliques doivent être inscrits : « sur les poteaux de ta maison » (Deutéronome 6 :9). Par contre, l’allumage des bougies de Hanouka évoque d’autres rituels de fêtes – tels que consommer de la matza à Pessah, entendre le shofar à Roch Hachana, entendre la lecture de la meguila à Pourim, et ces autres rituels de fêtes sont des obligations qui concernent chaque Juif (Hovat Gavra).
Pourquoi alors, l’allumage des bougies de Hanouka serait-il différent des autres rituels de fêtes ? Les rituels essentiels de Hanouka et de Pourim – les bougies pour Hanouka et la meguila pour Pourim, sont très semblables : les deux fêtes furent instaurées à l’époque du Second Temple, et les bougies comme la lecture de la meguila, eurent pour fonction de « faire connaître les miracles » de Pourim et de Hanouka, respectivement (Meguila 3b, Shabbat 23b). Cependant, alors que la mitzva de Pourim qui incombe à chaque juif, consiste à faire connaître le miracle en participant personnellement à la lecture de la meguila comme lecteur ou comme auditeur, la mitzva pour faire connaître le miracle de Hanouca en allumant les bougies incombe à chaque foyer, et chaque individu n’a pas l’obligation d’y assister si un des membres du foyer assure l’allumage à la maison. Pourquoi cela ?
La seule explication plausible est qu’il existe un rapport étroit entre les bougies de Hanouka et la maison. Toute la maison est responsable de l‘allumage des bougies de Hanouka parce c’est à la maison que l’on fête Hanouca. Les Sages semblent avoir réalisé, même inconsciemment, que l’allumage des bougies sur le seuil de la porte représente entre autres, la chaleur et l’abri procuré par cette maison face à l’hiver proche, et par conséquent, ils décrétèrent que les lumières de Hanouka étaient du ressort de toute la maisonnée et non de chaque individu.
II. Depuis la période Médiévale : « Pour les seuls membres de la maisonnée »
Comme nous l’avons vu, le Talmud ordonne à chaque maison d’allumer les bougies de Hanouka sur son seuil, afin de faire connaître le miracle aux passants. A l’époque Talmudique, les bougies n’étaient pas allumées à l’intérieur, sauf en période de danger, lorsque les autorités non juives interdisaient l’allumage public des bougies de Hanouka (Shabbat 21b).
De nos jours, cette règle concernant les périodes dangereuses est devenue la norme. On allume en toute hypothèse, les bougies de Hanouka à l’intérieur. Il semblerait que cette habitude ait été prise par les Ashkénazes du Moyen Age. (voir Tosafot Shabbat 21b, S.V. de’i la adlik ; Roch ad loc, section 3). L’origine de cette coutume n’est pas très claire, mais on peut envisager un certain nombre de possibilités : il est possible que les Juifs de France et d’Allemagne aient été confrontés à un réel danger de la part de leurs voisins non juifs, ou peut-être l’hiver européen rendait-il impossible l’allumage des bougies à l’extérieur. Une autre possibilité serait que les maisons des Juifs Européens du Moyen Age étaient disposées de telle façon que des bougies allumées sur leur seuil ne seraient en aucun cas visibles par les passants. Nous ne devons pas exclure non plus la possibilité que l’allumage des bougies à l’intérieur du foyer soit influencé par les coutumes de Noël.
Quelle que soit la raison originelle, il est désormais de coutume d’allumer les bougies de Hanouka à l’intérieur plutôt que sur le seuil de la maison. Cette modification de la pratique a conduit à un changement de la Halakha : d’après le Talmud , les lumières de Hanouka doivent être allumées « après le coucher du soleil, jusqu’à ce que les gens soient partis de la place du marché. » (Shabbat 21b) afin de faire connaître le miracle aux passants. Cependant, les Tosafot et les autorités halakhiques qui suivirent les Tosafot décrétèrent que de nos jours, il n’y a plus d’heure limite, et que les lumières de Hanouka peuvent être allumées à n’importe quelle heure pendant la nuit, pour peu que quelqu’un soit réveillé à la maison, car de nos jours, les bougies sont allumées à la maison et doivent être vues et appréciées « par les seuls membres de la maison ». (Tosafot et Roch , ibid). L’allumage des bougies dans le contexte familial est devenu l’unique rituel, par lequel la famille se réunit dans une célébration religieuse sans s’asseoir autour d’un repas. Lorsqu’en accord avec la coutume post-talmudique, la famille se blottit sous un seul toit autour d’un candélabre brillant de mille feux au début de l’hiver, le thème de « la maison » est central. Hanouka est devenu la fête du foyer et de la maison non seulement au sens théorique, le rituel de l’allumage des bougies incombant à la maison et non à l’individu, mais dans les faits, le rituel est pratiqué à l’intérieur du foyer en présence des membres de la famille.
III. Hanouka dans Maccabées II. « A la manière des baraquements »
La première et la plus claire évocation de Hanouka comme Fête du foyer se trouve dans Maccabées II. Les deux livres des Maccabées furent écrits à l’époque des Hasmonéens et tous deux évoquent la façon dont on célébrait Hanouka à cette époque. Alors que la référence à la célébration de Hanouka est évoquée en termes très généraux dans Maccabées I, « que ces jours de consécration de l’autel soient célébrés pendant huit jours chaque année, à partir du 25 Kislev, dans la joie et la liesse (4 :58) Dans Maccabées II, 10 :6-7 des rituels spécifiques sont évoqués. On traduit généralement ainsi ces versets : « Ils célébrèrent pendant huit jours à la façon des Tabernacles (skenomaton tropon ; littéralement : comme des baraques) se souvenant que peu de temps auparavant, lors de la fête de Souccot , ils paissaient dans les collines et les grottes comme des animaux dans les champs. Pour cette raison, avec des thyrses (bâtons garnis de feuillage), des branches de saison, et des palmes dans les mains, ils chantèrent des louanges devant celui qui leur donna la victoire et leur permit de purifier l’endroit. »
La phrase skenomaton tropon est généralement traduite « à la façon des Tabernacles » comme lors de la fête de Souccot . N’ayant pu célébrer Souccot deux mois auparavant alors qu’ils vivaient dans les collines et pratiquaient la guérilla « comme des bêtes sauvages » les Juifs célébrèrent un Souccot tardif lors de Hanouka, en chantant le Hallel et en portant des plantes pendant huit jours. Mais cette explication pose problème pour les raisons suivantes :
1. Quel était le but de cette célébration tardive de Souccot ? Si Souccot n’a pas été fêtée à la bonne date, quelle est l’intérêt de la célébrer à une autre date ? Qui plus est, si les Maccabées pensaient pouvoir « rattraper » les fêtes manquées, pourquoi n’ont-ils pas rattrapé également d’autres fêtes ? Ils passèrent trois années dans les montagnes, et manquèrent donc toutes les fêtes trois fois de suite. Ils pensèrent pouvoir « rattraper » Pessah et Roch Hachana en mangeant de la matza pendant sept jours et en sonnant le shofar un jour !
2. Pourquoi leur parut-il impossible de célébrer Souccot dans les montagnes et dans les grottes ? Ce sont précisément des guérilleros, vivant loin de leur foyer dans les montagnes « comme des bêtes dans les champs » qui peuvent et doivent absolument construire des abris temporaires ! Et ce sont eux qui ont l’accès le plus direct aux quatre espèces qui doivent être utilisées à Souccot !
3. Le mot « Tabernacles » apparaît à deux reprises dans la traduction de Maccabées II 10:6 citée plus haut, une fois dans la phrase « à la façon des Tabernacles » (skenomaton tropon) et une fois dans la phrase « lors de la fête des Tabernacles » (ton skenon heorten). Cependant, alors que la seconde phrase issue de skene (tente, baraque, tabernacle ) qui est le terme Grec normal pour désigner « la fête de Souccot » la première phrase utilise une autre variante du mot skenoma, qui est généralement réservé aux baraquements et tentes des soldats et n’est jamais utilisée dans le sens d’une Soucca construite pour la fête de Souccot . On devrait donc traduire « à la façon des baraquements militaires » plutôt que comme des Tabernacles.
4. D’après l’interprétation habituelle, les Hasmonéens célébrèrent Hanouka « à la façon des Tabernacles » non pas en construisant des Souccot mais en prenant les quatre espèces. Toutefois, les trois plantes mentionnées au verset 7 ne sont pas les quatre espèces habituelles de Souccot et les chercheurs ont établi que les branches et fruits mentionnés dans ce verset sont plutôt typiques des fêtes couronnant les victoires Helléniques (voir David Sperber, « Mitzvat’ulqahtem’behag ha Souccot », Sidra 15 (1999 pp 167-179).
Il semblerait donc que Hanouka était été célébré à Jérusalem après la purification du Temple et sa restauration, non pas « à la façon de Souccot » mais « à la manière des baraquements », en construisant le genre de baraques utilisées par les soldats. Ils célébrèrent Hanouka en construisant des espèces de baraquements, et en se souvenant de comment ils venaient tout juste de passer trois ans à mener une guérilla, vivant dehors, dans des montagnes ou des cavernes, comme des bêtes dans les champs. Ils se souvinrent tout spécialement de la récente célébration de Souccot dans les montagnes, au cours de laquelle la fête des Cabanes fut particulièrement émouvante puisqu’ils passaient déjà leur vie dehors. Le Souccot de Hanouka n’était donc pas une tentative pour rattraper la fête ratée, mais une évocation des baraques et baraquements qu’ils avaient effectivement construits dans les montagnes, et qui étaient particulièrement appropriés pour célébrer Souccot , mais qui se trouvaient aussi être l’expression de leur vie quotidienne de guérilleros.
Les Maccabées se souvinrent des abris précaires qu’ils occupèrent dans les montagnes, qui étaient semblables à la fête de Souccot , et en souvenir de leur expérience, ils bâtirent des souccot lorsqu’ils retournèrent à Jérusalem à Hanouka, et célébrèrent Hanouka, à la manière des baraquements. En plus de commémorer leur récente expérience, la construction de baraquements était aussi une façon d’exprimer leur gratitude à Dieu qui leur avait, une fois encore, fourni un abri permanent alors que l’hiver s’installait. Dans un sens, la restauration du Temple, le « Tabernacle de Salem » (Psaumes 76 :3) et la construction complémentaire de baraquements symbolisa le besoin d’abri, pour la présence Divine et pour le peuple. Il est intéressant de noter que Joseph, écrivant en Grec, tout comme l’auteur de Maccabées II expliqua le commandement originel de construire des baraques à Souccot comme symbole du besoin humain d’abri à l’approche de l’hiver. (Antiquités III, 244).
Hanouka fut donc célébré à l’origine par la construction d’abris, de baraquements, de maisons. Et même après que ce rituel ait été remplacé par la cérémonie d’allumage des bougies, les Rabbins comprirent que Hanouka était la fête de la maison et ils insistèrent pour que la mitzva d’allumer les bougies de Hanouka relève de la responsabilité de la maison ou de la maisonnée et non de l’individu. Les Juifs du Moyen Age firent un pas de plus, en ramenant les bougies de Hanouka à l’intérieur des maisons, stipulant bien que l’allumage des bougies n’est pas seulement la façon dont chaque maisonnée fait connaître le miracle, mais en insistant sur le fait que la famille, la maisonnée ou la maison est le public auquel il faut faire connaître le miracle. Tout cela fit de Hanouka la fête du foyer et de la maison – occasion festive au cours de laquelle la famille remercie Dieu pour ses miracles de jadis, mais aussi pour ses miracles actuels quotidiens, y compris celui qui permet à une famille de se réunir sous un même toit à l’approche de l’hiver.
Moshe Benovitz enseigne le Talmud et la Loi Juive au Schechter Institue of Jewish Studies (séminaire rabbinique Massorti ) à Jérusalem.
Traduction Odile Ellison
Hanoucca et Noël
Les lumières descendantes et ascendantes de Hanoucca et… de Noël.
Par le rabbin Rivon Krygier
Les juifs allument la Hanouccia chaque soir durant huit jours. Les chrétiens accrochent des lampes qui illuminent les sapins et consomment des « bûches », de Noël à Nouvel an, durant huit jours également. Est-ce pur hasard ? Non. Par delà la célébration propre à chacune des religions – pour les juifs, dédicace en -164 du Temple de Jérusalem repris aux Séleucides qui l’avaient souillé par un culte idolâtre ; pour les chrétiens, naissance du Christ – une même symbolique de victoire sur les ténèbres relie les deux traditions. C’est qu’en réalité, un fond commun les a nourries : l’avènement de la lumière au cœur de l’hiver est un thème célébré de longue date dans nombreuses civilisations.
La question est comment s’est opérée dans le judaïsme la conjonction entre le thème de la lumière et celui de la dédicace, et quelle signification particulière peut en être tirée. Un rapprochement entre diverses sources talmudiques permet de le déceler. La première évoque la procédure de l’allumages des bougies de Hanoucca :
Nos maîtres enseignent : Le commandement de la fête de la dédicace consiste à allumer (chaque soir, durant huit jours, en mémorial) une veilleuse par maître de maison. Les plus pieux allument une veilleuse par personne de la maison. Pour les pieux d’entre les pieux (il y a deux opinions) : pour l’école de Chamaï, on allume le premier jour huit veilleuses et ensuite une de moins chaque jour ; tandis que pour l’école de Hillel, on allume une veilleuse le premier jour et on en rajoute une chaque jour. Oula a dit : Il y a sur ce positionnement une divergence de vue entre deux amoraim d’Eretz Israël, rabbi Yossi bar Avin et Rabbi Yossi bar Zvida (sans que l’on ne sache plus qui est le tenant de chaque hypothèse) : L’un prétend que (l’ordre décroissant d’allumage de) de l’école de Chamaï est selon le nombre de jours entrant, alors que selon l’école de Hillel, (l’ordre croissant d’allumage) est selon le nombre de jours sortant. Selon l’autre, l’école de Chamaï s’appuierait sur le (la diminution progressive du) nombre (quotidien) des taureaux (offerts au Temple durant) de la fête (de Souccot ), tandis que l’école de Hillel se fonderait sur le principe que dans l’ordre de sanctification, on ne doit qu’élever (augmenter) et non abaisser (diminuer) (Chabbat 21b).
L’explication par Rachi de l’allumage du nombre des bougies, dégressif selon Chamaï ou progressif selon Hillel, est que « les jours d’entrée » pris en compte sont les jours de fête subsidiaires dont le nombre diminue de jour en jour ; les « jours de sortie » sont les jours « consommés », c’est-à-dire, le cumul des jours célébrés.
Mais c’est avouons-le une manière bien obscure de rendre compte du rite que de se contenter de paraphraser le fait d’allumer de jour en jour une bougie de plus ou de moins. Le rédacteur talmudique n’est d’ailleurs pas lui-même assuré du sens de cette pratique puisqu’il tente en seconde hypothèse de cerner la symbolique de la procession d’allumage, soit en évoquant le nombre décroissant de taureaux offerts quotidiennement lors de la fête de Souccot , selon Chamaï ; soit en référant au principe d’exhaussement irréversible dans le processus de sanctification, selon Hillel .
Plus encore, ce texte révèle qu’il n’était pas entendu au départ que la règle était de procéder à un allumage progressif ou dégressif. Ce sont les « pieux d’entre les pieux » qui pour « magnifier » le mémorial de la dédicace du Temple, opèrent ainsi, soit en décroissance selon Chamaï, soit en croissance selon Hillel. Il s’agit donc d’une pratique surérogatoire au regard du précepte originel de marquer l’événement par une simple veilleuse allumée le soir, et cela durant huit jours. Un second passage talmudique apparemment sans rapport jette un sacré éclairage sur les jours « entrant » et « sortant » :
« Rav Hanan fils de Rabba enseigne : Les Calendes, ce sont les huit jours après le solstice d’hiver ; les Saturnales, les huit jours qui le précèdent. Les Sages enseignent : Adam, le premier homme vit que la longueur du jour allait en déclinant (de jour en jour) et il se dit : ‘‘Malheur à moi, sans doute est-ce parce que j’ai failli (de par la faute originelle) que le monde s’obscurcit et régresse vers le chaos primordial ; telle est la mort qui m’a été assignée par les Cieux.’’ Il se mit à jeûner et à implorer durant huit jours. Lorsqu’il s’aperçut qu’à partir du solstice d’hiver, les jours commençaient à rallonger, il se dit : ‘‘Tel est en fait l’ordre de la nature’’ et il célébra le fait durant huit jours. L’année suivante, il fixa ces deux périodes de huit jours comme jours de célébration. Il le fit pour la gloire divine mais eux (les païens, et ultérieurement les Romains) le firent dans un but idolâtre » (Avoda zara 8a).
Selon cet enseignement, il y aurait eu antérieurement à la célébration de la dédicace du Temple une fête saisonnière du renouveau de la lumière instaurée par Adam, autrement dit, une pratique universelle remontant à la nuit des temps !
Le Talmud décrit notamment les festivités romaines de fin d’année, du moins telles qu’elles furent fixées dans le calendrier à une certaine époque : les Saturnales du 17 au 24 décembre (huit jours), suivies des Calendes du 25 décembre au 1 janvier (huit jours) débouchant sur la nouvelle année.
C’est cette fête de lumière dont le point charnière et culminant se situait la nuit du 24 au 25 décembre qui est à l’origine de la célébration de Noël et Nouvel an. En effet, dans l’ancienne religion iranienne, Mithra était le dieu de la lumière, le symbole de la chasteté et de la pureté, combattant les forces maléfiques. Dès le IIe siècle, le culte de Mithra se répandit dans l’empire romain, surtout au sein de l’armée. Le solstice d’hiver célébré le 25 décembre (mais qui tombe en réalité le 21) était la fête la plus importante de l’an mithraïen, célébrant la renaissance de Mithra. Finalement, l’empereur romain Aurélien (270-275) le proclama fête du « Deus Sol Invinctus » (dieu soleil invaincu) et le Mithraïsme devint religion d’État. Plus tard, en 321, le dimanche, « Dies solis » (jour sous l’influence du soleil), fut adopté comme jour de repos dans tout l’empire romain, suite à un décret promulgué par l’empereur Constantin qui voulait tout à la fois contenter chrétiens et païens. Et au début du IVe siècle toujours, pour enrayer le culte païen des Saturnales et promouvoir le christianisme au sein du paganisme, le pape Sylvestre I fit avancer du 6 janvier au 25 décembre la commémoration de la naissance du Christ qui devint ainsi le nouveau « Dieu invaincu » en lieu et place de Mithra ou du dieu Soleil.
Comme le suggère le chercheur Moshe Benovitz, cette célébration païenne est très probablement également à l’origine de la pratique juive, ascendante ou descendante, d’allumage des bougies évoquée et dont la datte buttoir est la nuit du 24 au 25 du mois de Kislèv :
L’allumage des veilleuses ne faisait pas partie de la célébration de Hanoucca à l’époque hasmonéenne. Il faut attendre plus d’un siècle après la victoire des Maccabim (en – 164) pour trouver les premières traces d’un lien entre allumage de bougies et fête de la dédicace. Nous avons de bonnes raisons de penser que cette pratique fut introduite à l’époque d’Hérode le Grand, peu après que Jules César introduisit son calendrier solaire dit julien, dans l’empire romain, en – 46. Dans la foulée de cette adoption, nombreux furent ceux qui commencèrent à célébrer le solstice d’hiver, lors de la “naissance du soleil”, soit au moment où les jours commencent à rallonger. Les Saturnales romaines du 17 décembre qui étaient à l’origine une fête agraire évoluèrent vers une fête de solstice au cours du premier siècle avant notre ère. Deux nouveaux rituels furent alors introduits : l’allumage de bougies sur l’autel de Saturne à Rome et la coutume de s’offrir à cette occasion des bougies de cire. […] Quoique les Juifs n’adoptèrent aucunement le calendrier julien, il semble qu’ils se mirent à célébrer la dédicace en allumant également un nombre croissant de bougies, avec le rallongement des jours. Ce n’est qu’ultérieurement que l’allumage des bougies de Hanoucca fut associé au miracle de la fiole d’huile.
Ainsi, « les jours sortant » du texte talmudique correspondraient aux huit derniers jours de la diminution de lumière solaire quotidienne, jusqu’à ce que, avec le solstice d’hiver, les jours rallongent ; tandis que « les jours entrant » seraient les huit premiers jours d’augmentation de lumière, depuis le solstice d’hiver.
Cela laisse supposer du reste que l’école de Chamaï célébrait les huit jours de Hanoucca du soir du 17 jusqu’au soir sortant du 24 (soit le 25) Kislèv, et non depuis cette date, comme le faisait Hillel, et comme cela se pratique désormais dans la tradition juive, jusqu’au 2 Tévèt .
Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que la pratique d’allumage progressif ou dégressif s’est greffée sur la fête ancestrale et universelle du solstice d’hiver, plutôt qu’elle ne fut inspirée du fameux miracle de la fiole d’huile rapporté par le midrach talmudique qui du reste –mais c’est une autre question– est de rédaction très tardive par rapport aux événements évoqués :
Lorsque les Hellénistes eurent investi le Sanctuaire, ils y souillèrent toutes les huiles. Et lorsque les hommes de la dynastie hasmonéenne parvinrent à les défaire (et pénétrèrent dans le Temple), ils cherchèrent (de l’huile intacte) mais ne trouvèrent qu’une seule fiole encore cachetée/scellée par le sceau du grand prêtre. Elle ne contenait une provision d’huile suffisante que pour l’allumage (de la Menora) d’une journée. Il y eut un miracle et elle brûla durant huit jours. L’année suivante, on fixa ces jours, en les célébrant comme jours de fête, de louange et de gratitude (Chabbat 21b).
S’il s’agissait seulement de célébrer la prolongation surnaturelle du feu de la fiole, on voit mal comment la coutume d’allumage dégressif de Chamaï ferait sens. De fait, le Talmud lui-même à la même page ne s’y réfère guère pour expliquer les pratiques de Chamaï ou de Hillel et au contraire se risque comme vu plus haut à d’autres interprétations ! Celle qui renvoie aux jours entrant et sortant demeurait absconde. En revanche, en conjoignant les deux passages talmudiques, il devient possible de décrypter la visée symbolique première des deux Sages , en interprétant le sens des deux moments de l’expérience hivernale d’Adam, tels qu’ils ressortent du midrach . Chamaï se serait focalisé sur les huit jours d’imploration d’Adam jusqu’à l’arrêt de l’obscuration, au solstice d’hiver ; Hillel, sur les huit jours de célébration du renouveau de la lumière solaire.
Et puisque ce thème s’est trouvé secondairement associé à celui de la dédicace, il convient de se demander comment symboliquement ils s’articulent.
Pour Chamaï, la diminution du nombre de bougies de jour en jour ressemble à un compte à rebours. L’esprit est tout entier tourné vers l’espoir et l’attente du retour de la lumière solaire qui vient restaurer l’ordre naturel déficient. C’est aussi dans l’esprit du midrach précité (Avoda zara 8a), une manière de conjurer la malédiction du péché primordial. La lumière déclinante des bougies est en somme métaphore de la finitude de l’âme humaine jusqu’à ce qu’elle soit relayée et sauvée par la lumière divine. Par suite, la purification du Temple aboutissant sur la dédicace préfigure l’aboutissement messianique de ce processus initié à l’aube des temps.
Tandis que pour Hillel, l’augmentation du nombre de bougies de jour en jour exprime la réjouissance et la reconnaissance que l’on se doit d’exprimer devant la lumière naturelle retrouvée, et par superposition, pour la victoire des Judéens sur les Séleucides, lors de la libération du Temple. Ici, c’est le ressourcement quotidien de l’âme humaine grâce à l’apport de la lumière divine qui est célébré. C’est ici et maintenant que la providence divine dont la victoire nationale est un haut fait, doit être savourée et valorisée.
Chamaï se situe sur le versant de la réduction de la lumière, en posture de contrition, en vue de l’avènement d’une nouvelle lumière, là où Hillel se place sur le versant de la gratitude bâtie à partir de l’avènement advenu. Le premier se focalise sur ce qu’il reste à accomplir. Le second, sur ce qui a déjà été accompli . Juifs et chrétiens n’ont finalement retenu pour l’essentiel que les huit jours de célébration joyeuse, se retrouvant là où pourtant ils se séparent.
Rivon Krygier est le rabbin de la communauté Massorti Adath Shalom à Paris
Article publié dans l’Arche nov. 2007
Hanouka : Ces rites particuliers qui nous rapprochent tous
Par Floriane Chinsky
Il est parfois de petites idées simples et assassines qui ne peuvent être réfutées en quelques mots. Un slogan est beaucoup plus percutant qu’une conférence.
Les slogans, sous forme de mots ou d’image, nous en sommes constamment abreuvés. Acceptons-nous les « pop-up » de l’internet (ces petites fenêtres publicitaires qui s’ouvrent tout le temps lorsque nous surfons), et ceux de la publicité en général, que ce soit à la télé ou dans les rues ? Nos yeux sont souvent des enjeux financiers et commerciaux, à tel point que les publicitaires recherchent des moments où ils seraient inoccupés et où ils pourraient les remplir de messages toujours plus nombreux et toujours plus efficaces. Un moment visuel libre est considéré comme une opportunité perdue. Par conséquence directe, un moment libre dans notre esprit est également considéré comme un moment perdu, un moment qui pourrait être utilisé pour nous suggérer de nouveaux besoins qui alimenteraient la société de consommation. Le slogan et sa version visuelle bloquent la pensée.
Prendre conscience de notre environnement visuel et auditif
Notre tradition cède-t-elle à cette tentation ? La « profession de foi » juive elle-même n’a rien d’un slogan. La « Kriat chéma », lecture [publique] du chéma israël énonce :
« Ecoute Israël, l’Eternel, notre Dieu, l’Eternel est un. »
Il s’agit d’écouter, de façon active, pas d’entendre subliminalement un slogan. Il s’agit d’écouter une vérité dite par nous-même, puisque le chéma doit être « dit », et qu’il nous demande une écoute. Il nous demande deux types de consciences. La conscience de ce que nous disons, d’abord. Nous ne devons pas parler à tort et à travers, nous devons écouter ce que nous disons nous-même, « écoute Israël », il ne suffit pas de parler. Par ailleurs, il nous demande une prise de conscience de ce qui traverse nos oreilles, la recherche consciente de ce qui devrait les traverser, la création des sons et des valeurs qui doivent nous imprégner, au niveau de l’ouïe comme à celui de la pensée. Il ne suffit pas, enfin, de réaffirmer nos valeurs uniquement dans le cercle privé, nos valeurs dépassent notre propre individu, nous devons les partager, trouver d’autres personnes qui les mettent en pratique, créer un microcosme social dénué de slogans et peuplé de nos valeurs. La lecture du chéma israël a une valeur particulière lorsqu’elle est publique, en présence du minian-quorum de dix juifs.
Construire notre environnement sensoriel
Encore une fois, il ne s’agit pas de répéter ensemble les mêmes slogans ou les mêmes mantras, ni de s’étourdir ensemble dans une hallucination collective. Cette phrase du chéma israël incite à la réflexion, insiste sur l’importance de l’unité. Chacun d’entre-nous doit aspirer à une pensée unifiée, à mettre en pratique nos principes de la même façon vis-à-vis des autres que vis-à-vis de lui-même, à défendre les mêmes principes et les mêmes valeurs dans un forum ou dans un autre. Je ne peux pas défendre le « dieu du pardon » lorsque j’ai commis une erreur et le « dieu de la justice stricte » lorsque quelqu’un a commis une erreur à mes dépens. Je dois défendre le Dieu Un, et appliquer les mêmes principes lorsqu’ils jouent en ma faveur et lorsqu’ils jouent contre moi. Je dois préserver ma conscience et mon unité, et refuser de me laisser partager malgré les tentations extérieures.
Ces tentations sont aujourd’hui tout à fait puissantes. Notre intelligence en tant qu’humanité nous permet de trouver les meilleurs moyens de manipulation, les meilleurs slogans, les faiblesses émotionnelles qui nous rendront les plus vulnérables aux volontés de nos manipulateurs, les processus psychologiques susceptibles de nous amener les plus sûrement à un comportement souhaité, souvent celui de la consommation. Face à la profusion des jouets, tous pareils, tous différents, tous créés, vantés et disposés pour susciter l’envie, comment garder un sens des priorités ? Nous connaissons l’étourdissement de nos enfants, et nous connaissons le nôtre propre. Ce n’est pas pour rien que le Chéma poursuit : vélo tatourou aHaré lévavHem véaHaré eynéHem :
« Et vous ne vous égarerez pas en suivant vos cœurs et vos yeux »
Le cœur, pour notre tradition, doit être canalisé. Le cœur tend à nous entraîner vers ce qui nous arrange. Pour reprendre notre exemple précédant, il nous incite à promouvoir alternativement une attitude compréhensive des autres à notre égard ou une attitude dure à l’égard d’autrui. Ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas vivre n’est pas une chose triviale. L’idée exprimée dans ce passage des Nombres est celle de la canalisation de nos sens. Nos sens servent notre conscience, notre pensée et notre action. Les rituels et les pratiques juives nous permettent d’alimenter nos sens avec des valeurs que nous choisissons et de repousser les slogans et images qui nous assaillent.
Hanouka
Hanouka est la fête de la lumière, la lumière étant le symbole universel de la conscience. C’est la fête du triomphe du droit d’être soi-même, du droit à pratiquer le judaïsme sans être inquiété. C’est la fête de la ré-inauguration du temple, celle de la possibilité de pratiquer ces rituels qui nous rappellent qui nous sommes. C’est la fête du refus de l’assimilation et du refus de suivre inconsciemment le mouvement général.
Oui, une fête peut allier la lumière, l’intelligence, le respect de l’autre, et l’espoir universel d’un côté et l’identité, la différence et le particularisme de l’autre. Il faut aller plus loin encore. En réalité, pour promouvoir la lumière et l’intelligence de notre espèce nous avons besoin en tant qu’humanité d’aider les « familles de la terre » à conserver leur identité et leurs pratiques personnelles. C’est cette diversité qui nous oblige au dialogue et nous empêche de tomber dans les slogans.
Si on doit se demander quelle fête allie ces qualités, on pensera aujourd’hui à Hanouka. Pourtant, la réponse est bien plus vaste. La vie juive dans son ensemble nous engage dans cette voie, ce refus des slogans, à travers les textes de nos offices comme le chéma israël, à travers nos pratiques comme l’allumage de la Hanoukia, et à travers notre étude. Hanouka, l’inauguration du temple, sont un symbole de la liberté de conscience et de la liberté de pratique. Nos rites ne sont pas et ne doivent pas devenir l’opium du peuple, mais doivent rester ou devenir une désintoxication. Nous ne devons, en tant qu’humanité, ni « dépasser les rites qui nous séparent », ni permettre le développement d’aucun slogan « moral » ou « économique ». Nous devons, en tant qu’humanité, développer les rites qui nous immunisent contre la tentation de la pensée unique ou contre celle de la lobotomie universelle. Nous devons « développer les rites qui nous rapprochent ». C’est ce que nous faisons en tant que juifs, toute la semaine de Hanouka.
Rabbin Dr. Floriane Chinsky
La guerre métaphysique entre juifs et grecs
Une conférence de Bernard-Henri Lévy, Philosophe et écrivain que nous vous recommandons sur Akadem http://www.akadem.org/sommaire/modu...
Messages
Bonjour,
Juste pour savoir est-ce que Y. dalsace est toujour webmaster ? ou est il en pre-retraite ? ce qui serait dommage...
bameavarecha@gmail.com