Certains rabbins américains envisagent une cérémonie différente d’un mariage, mais célébrant néanmoins un couple homosexuel. De nombreux rabbins massorti américains ne sont pas d’accord. L’Europe est plus conservatrice. En France, les différents rabbins massorti s’opposent à une telle cérémonie.
Résolution des rabbins massorti francophones réunis en cession à Berlin le 2 mai 2012 :
• Nous considérons que le mouvement Massorti s’honore à se confronter en profondeur et en toute probité à une question éthique aussi fondamentale que la question du statut des homosexuels qui touche notre société et notre normativité religieuse. Il y a eu par le passé un mépris, une incompréhension et une ségrégation intolérables envers les homosexuels. Une meilleure compréhension du phénomène est désormais de mise, notamment du caractère structurel et non pervers de l’homosexualité à tout le moins pour la majorité de ceux qui s’éprouvent comme tels.
• Nous ne voulons ignorer le fait que sur cette question épineuse, il y a un débat et désaccord au sein de notre mouvement. Vu la complexité, nous considérons ce désaccord comme fécond et légitime et du même coup, appelons au respect des positions des uns et des autres, également légitimes dans l’approche pluraliste de la mahlokèt le-chèm chamaïm (une discussion au nom du Ciel), le débat de fond dans la recherche sincère et non opportuniste de la vérité.
• Bien que nous nous interdisions de juger qui que ce soit en nous immisçant dans sa vie privée, nous rappelons, au demeurant, que la normativité halakhique affirme le primat de l’hétérosexualité. Nous ne souhaitons pas renvoyer un message ambigu sur cette question et affirmons que toute personne dont l’inclination est contrastée, bisexuelle, polymorphe doit a priori orienter sa libido vers la constitution d’une relation affective engagée et responsable avec une personne de l’autre sexe, dans le but de constituer un foyer. Nous souhaitons encore moins laisser penser que pour le judaïsme des personnes hétérosexuelles puissent considérer l’homosexualité comme une option d’expérience sensuelle, sexuelle et affective aussi légitime ou « normative » que la construction d’un couple hétérosexuel.
• En conséquence, pour lever toute ambigüité et dans le but de définir un positionnement collégial, les rabbins de MF décident d’un commun accord de ne pas présider à des cérémonies religieuses d’union homosexuelle de quelque nature que ce soit, et certainement pas à des Kiddouchin (mariage traditionnel sous le signe de la sanctification de l’union). Nous respectons au demeurant les couples homosexuels qui ont choisi la vie maritale et les accueillons.
• Nous ne nous immisçons pas dans les décisions prises par les divers séminaires rabbiniques quant à l’ordination de personnes homosexuelles. Au demeurant, nous accorderons plein respect et autorité à tout rabbin massorti quelle que soit son inclination sexuelle du moment qu’il se conduit selon les normes éthiques requises pour tous les rabbins , sans distinction ou discrimination aucune.
• Chaque communauté reste parfaitement libre de décider si elle désire engager à sa tête un rabbin homosexuel. Aucune contrainte ne devra être exercée ni sur les communautés ni sur les rabbins , si ce n’est le respect catégorique des personnes et choix de conscience.
Extrait de l’Epître de l’amour :
Eliot Dorff : Épitre de l’amour, Paris, Nadir-Alliance israélite universelle, 2000.
Au cours de l’automne 1991 et du printemps 1992, le comité chargé par le mouvement conservative de la loi juive et des standards a consacré pas moins de quatre cessions pour traiter des questions liées à l’homosexualité qui n’ont pas été couvertes par la résolution. En mars 1992, le comité a enregistré des conclusions qui traduisent deux tendances distinctes. Pour les uns, même en considérant qu’une personne homosexuelle ne soit pas en mesure de modifier cette inclination, les pratiques homosexuelles demeurent prohibées, en conséquence de quoi, un homosexuel soucieux d’observer la loi juive n’a d’autre choix que de rester célibataire. Ce n’est pas de gaîté de cœur que ces membres du comité ont été amenés à adopter ce point de vue austère. Ils sont parfaitement conscients de la souffrance et de la discrimination intolérables que peuvent subir les homosexuels dans la société, tout comme ils savent que s’imposer le célibat peut être éprouvant. Mais cette position leur semble la seule qui puisse être en accord avec ce que commandent la Tora et la tradition juive. Une des préoccupations majeures de ceux qui ont émis ce point de vue était la fragilisation de la notion traditionnelle de famille qui ne manquerait pas de se produire dès lors que l’on considérerait légitime d’en adopter d’autres formes. Ils ont également exprimé la crainte qu’un tel bouleversement normatif dans la loi juive affaiblirait considérablement le mouvement dans son effort de promouvoir certaines normes en matière de conduite sexuelle et ce, à tous les niveaux. Certains d’entre eux ont également argué que des changements qui se produisent dans la perception morale à une époque donnée ne constituent pas une raison suffisante pour modifier des normes établies de longue date par la loi juive.
Quelles que soient les considérations spécifiques qui ont forgé l’avis de ces personnes, ceux qui l’ont adopté ont émis une fin de non-recevoir contre toute velléité d’instaurer des cérémonies religieuses célébrant une union homosexuelle, d’ordonner des rabbins dont l’homosexualité serait déclarée ou affirmée ou de nommer des individus à la fonction de chantre dans les synagogues. Certains d’entre eux ont également considéré que les personnes qui ont une conduite homosexuelle ne devaient pas être valorisées en leur accordant des honneurs religieux à la synagogue ou en leur autorisant d’occuper des fonctions de dirigeants, d’enseignants ou d’éducateurs de la jeunesse.
Quant à la seconde tendance exprimée au sein du comité de la loi juive et des standards, plus favorable à l’homosexualité, elle a pris en compte de toutes autres considérations. Les tenants de ce point de vue admettent que l’on ne peut pas situer au même plan tous ceux qui font état de leur homosexualité. Certaines personnes peuvent avoir des propensions homosexuelles, avoir ressenti une attirance ou avoir eu une ou plusieurs expériences homosexuelles dans leur jeune âge sans pour autant être foncièrement homosexuelles ou se reconnaître comme telles. Selon cette analyse, la sexualité couvre un large éventail de propensions et de comportements, depuis ceux qui manifestent qu’un individu est totalement hétérosexuel jusqu’à ceux qui manifestent qu’un individu est totalement homosexuel. Cette variabilité et cette diversité ayant été constatées, il n’en reste pas moins que les résultats d’études scientifiques récentes, et plus encore, le témoignage personnel des homosexuels eux-mêmes, semblent établir clairement que ceux qui se déclarent pleinement homosexuels n’ont pas choisi de l’être . Bien souvent, au contraire, cette inclination s’est imposée à eux contre leur gré. Certains l’ont ressentie et éprouvée depuis le plus jeune âge et ont lutté de toutes leurs forces pour se convaincre du contraire car ils avaient à souffrir des préjugés et du regard moqueur et méprisant que la société porte bien souvent sur les homosexuels. Cette situation a conduit parfois certains homosexuels à contracter des mariages et même à avoir des enfants, rendant malheureux, eux et leur famille.
Partant du principe que des injonctions et des prohibitions ne peuvent prendre sens que pour des personnes qui sont en mesure de les respecter, et que la tradition juive n’a légiféré sur ce sujet qu’avec pour présupposé qu’un homosexuel était en mesure de devenir hétérosexuel par son choix, les tenants de la seconde tendance au sein du comité de la loi juive et des standards se sont prononcés en faveur de l’idée que l’homosexualité ne devait plus être reléguée au rang d’abomination dans la mesure où il devint établi que cette propension ne découlait pas d’un choix de valeur. Ils ont ajouté à cet argument que puisque la plupart des spécialistes et professionnels de la santé mentale traitant de la question étaient arrivés à la conclusion que l’inclination sexuelle d’un individu était déjà enracinée à un stade précoce et qu’elle ne pouvait être ensuite modifiée, il n’y avait plus lieu de considérer la normalisation de l’homosexualité comme une menace pour le devenir de la famille traditionnelle hétérosexuelle. Plus encore, ils ont estimé que prescrire le célibat aux homosexuels était une mesure cruelle, de surcroît contraire à la conception juive classique qui voit dans le corps et la sexualité un don divin et en conséquence, légitime le plaisir et considère sa répression comme une faute.
A l’appui de ces trois assertions, ce groupe de rabbins en a conclu que notre perception morale et légale de l’homosexualité devait être amendée. Plus spécifiquement, que l’on ne pouvait plus désormais considérer l’homosexualité comme une abomination et qu’en conséquence, toutes les pénalités et récusions halakhiques attachées à ce statut devaient être supprimées. Pour ceux qui souscrivent à ce point de vue, les mêmes normes prescrites par le judaïsme pour les relations hétérosexuelles devaient désormais présider pour l’homosexualité. Cela a conduit certains à voir d’un bon œil l’instauration de cérémonies religieuses d’engagement mutuel, en y voyant une manière de promouvoir une éthique d’amour fondée sur un engagement solide, la monogamie et un mode de vie juif.
Au bout du compte, le comité de la loi juive et des standards retint quatre responsa concernant l’homosexualité. Trois d’entre eux la condamnent, soit parce qu’elle tombe sous la catégorie d’abomination, soit parce qu’elle constitue un risque de fragilisation culturelle de la cellule familiale, soit encore parce que rien n’autorise à éradiquer sa prohibition des lois de la Tora. Le quatrième responsum affirma que l’homosexualité ne pouvait plus être considérée comme une abomination et soumit à la commission la recommandation de mener une large étude sur la sexualité humaine. Le comité prit la décision de ne pas autoriser l’instauration de cérémonie d’engagement mutuel entre homosexuels. Il décida de ne pas admettre aux études rabbiniques ou à la formation de chantres, prodiguées par notre mouvement tout candidat ayant fait un choix de vie homosexuel. Le quatrième responsum demanda spécifiquement à ce que ces dernières mesures puissent être ultérieurement l’objet d’un réexamen et d’une éventuelle révision. Enfin, il fut laissé à chaque rabbin le soin de juger si des personnes homosexuelles pouvaient exercer au sein de sa communauté en tant qu’enseignants ou éducateurs, si elles pouvaient être éligibles en tant qu’administrateurs ou encore si l’on pouvait leur accorder des honneurs religieux au cours des offices.
La loi sur le mariage homosexuel et le judaïsme
Sur la question du mariage civil, voir le long article de Yeshaya Dalsace (opinion personnelle et non collégiale) qui a critiqué l’essai du grand rabbin de France Gilles Bernheim. http://www.massorti.com/La-loi-sur-...
ou en PDF ici
Messages
Shalom,
à la lecture du document suivant publié sur le site de masorti olami et intitulé "RITUALS AND DOCUMENTS OF MARRIAGE AND DIVORCE FOR SAME-SEX COUPLES by Rabbis Elliot Dorff , Daniel Nevins and Avram Reisner - Sivan 5772 / Spring 2012"
ci-joint le lien :
http://www.rabbinicalassembly.org/sites/default/files/public/halakhah/teshuvot/2011-2020/same-sex-marriage-and-divorce-appendix.pdf
j’ai cru comprendre que la position unanime des rabbins massorti français sur le mariage religieux gay était contraire à la position récente du mouvement massorti américain sur la question.
Ai-je bien compris ? Si c’est le cas, la divergence est-elle tenable à long terme, et même à court terme ?
Merci pour vos éclaircissements, et la qualité de votre site.
Samuel
Aux Rabbins massortis signataires,
Enfin de compte votre silence criard, ne fait que remuer le couteau dans la plaie. Si vous acceptiez les homosexuels et les respectiez reelement, votre decision serait bien differente.
Et pour pousser le bouchon encore plus loin, si vous, Floriane Chinsky, Haïm Cipriani, Yeshaya Dalsace, Rivon Krygier, David Touboul, etiez gay et lesbienne, je doute fortement que vous tiendriez les memes position...
pourquoi, vous decideriez d’un tel sujet puisque il ne vous concerne pas personnelement ? vous auriez du avoir la sincerite de nommer des rabbin Gay et lesbienne pour juger de la question !
Deux poids deux mesures.
Julien
Samuel, le mouvement massorti n’est pas un bloc unanime mais un courant assez divers et plein de débats. Le mariage homosexuel ne peut pas exister dans la halakha . Il n’y a pas de kidoushin. Pour comprendre cela, il faut avoir une certaine culture talmudique et le large public ne saisit pas forcément toutes ces questions. L’option d’une sorte de cérémonie d’union telle que des rabbins américains l’envisagent est très discutable et ne fait pas l’unanimité (mais ce n’est de toute façon pas un mariage, c’est à dire de kidoushin). Nous, rabbins européens, pensons que ce n’est pas souhaitable, pour diverses raisons.
Julien, que cela fasse mal, je le déplore, mais je vous répondrais que sans être homosexuel, je comprends la douleur ou la déception, (on ne peut nous accuser d’indifférence à la question homosexuelle), mais si vous étiez dans l’étude juive sérieuse, vous comprendriez la problématique. On ne peut faire plaisir à tout le monde, le judaïsme ne fonctionne pas comme cela et se doit de fonctionner dans sa logique. Les enjeux sont divers et il faut les comprendre dans leur contexte.
Si vous voulez vraiment voir les choses bouger et le faire sérieusement, je vous invite à étudier et venir étudier. Les solutions doivent surgir du sein même de la tradition et ce n’est pas si simple. Sinon, ce n’est pas sérieux.
Vous êtes parfaitement bien venus, et les textes sont les vôtres, mais ce n’est pas un débat de forum, car du beit hamidrash.
Bien à vous, avec ma sincère écoute et ouverture à toute proposition dès lors qu’elle vient de l’étude et s’inscrit dans un judaïsme sérieux et pérenne.
Yeshaya Dalsace
A Monsieur Dalsaces.
Tout d’un coup vous utilisez un language orthodoxe ? Quand il s’agit de femmes rabbins en tant qu’hetero vous n’avez aucun probleme... cela, monsieur, c’est de l’indifference pour les homos !!
c’est en tant qu’inovateur que vous etes interressant. si vous n’etes pas capable d’inover sur cette question et de trouver une solution, rangez-vous.
Car, vous ne faites pas le poids avec les grands rabbins d’israel, donc je ne vois pas en tant que quoi vous prenez la parole... dites nous que le cochon est pas cacher...
Je ne m’y connais pas beaucoup en hala’ha mais je ne suis pas idiot pour autant...
Julien.
"les rabbins de MF décident d’un « commun accord » de ne pas présider à des cérémonies religieuses d’union homosexuelle de quelque nature que ce soit"
J’apprécie cette information et souhaite qu’elle ne soit plus discutée
Dans le cas contraire je ne comprendrai pas comment on pourrait concilier cette position avec la paracha sur les interdits sexuels que l’on lit entre autre, chaque année pour kippour.
j’ai appris que la position commune des rabbins massortis français et belges sur la question de l’égalité des droits entre hétérosexuels et homosexuels du point de vue du communautarisme juif se distingue de la position américaine en créant une catégorie de juifs de seconde zone homosexuels bienvenus dans les synagogues mais proscrits des fonctions de responsabilité et exclus du mariage religieux ainsi que de toute cérémonie religieuse d’union. Il me semble que ces pratiques sont discriminatoires pour les personnes concernées et de ce fait je les désapprouve.
En effet toute personne juive doit avoir le même droit d’expression et d’accès aux responsabilités communautaires quel que soit son statut sexuel et marital. Va - ton aussi discriminer l’accès à la fonction rabbinique des femmes célibataires et des hommes veufs ?