(Les légumineuses comprennent diverses graines et leur farine : sésame, pois-chiche, maïs, etc. Le riz tombe également sous cet interdit.)
Résumé d’un responsum du rabbin David Golinkin (Possek important du mouvement Massorti )
Réponse :
À notre avis, il est permis, voire indiqué, d’abandonner cette coutume. Elle est en contradiction avec une décision explicite dans le Talmud (Pessahim 114b) et, de façon générale, avec l’opinion de l’ensemble des sages de la Michna et du Talmud , à l’exception de R. Yohanan ben Nouri, (cf. Pessahim 35a et équivalents). Elle est aussi en opposition avec la position et la pratique des Amoraïm à Babylone et en Israël (Pessahim 114b et passim), des Guéonim (cf. Cheiltot, Halakhot pessoukot, Halakhot guedolot, etc.) et de la plupart des autorités du début du moyen âge dans tous les pays (soit en tout, de l’avis de plus de cinquante Richonim ) !
Cette coutume est mentionnée pour la première fois en France et en Provence au début du XIIIe siècle par le rabbin Achèr de Lunel, le rabbin Samuel de Falaise et le rabbin Perets de Corbeil. À partir de là, elle s’est répandue dans différents pays et depuis, la liste des aliments défendus n’a cessé de s’allonger. Néanmoins, la raison de la coutume n’est pas connue et, en conséquence, on ne compte pas moins de onze explications différentes recensées pour en rendre compte. Le rabbin Samuel de Falaise, l’un des premiers à la mentionner, s’y réfère comme à une « coutume erronée » et le rabbin Yerouham la qualifie de « coutume stupide » (minhag chtout).
La question halakhique qui se pose dès lors est de savoir s’il est permis de ne plus pratiquer une coutume considérée comme insensée. De nombreuses autorités rabbiniques ont considéré qu’il était permis, sinon obligatoire, d’abandonner ce type de coutume (cf. le rabbin Abin dans le Talmud de Jérusalem, Pessahim, Maïmonide , le Roch , le Ribach et beaucoup d’autres décisionnaires). En outre, il existe de nombreuses bonnes raisons pour abandonner cette « coutume erronée » :
a) elle diminue la joie de la fête en limitant le nombre d’aliments autorisés. Or, c’est une mitsva de se réjouir les jours de fête.
b) elle entraîne des hausses de prix exorbitantes qui aboutissent à une importante perte financière. Or, il est un principe bien établi dans la Halakha que « la Tora prend en compte le poids des dépenses du peuple d’Israël . »
(Ce qui signifie que le judaïsme prend soin de ne pas imposer des charges exagérément lourdes et s’élève contre le gaspillage. )
c) elle met l’accent sur un interdit accessoire aux dépens de celui qui est essentiel : l’interdit de consommer du hamets .
d) elle entraîne une défiance quant à l’observance des commandements en général (l’interdit de consommer du hamets en particulier) : d’aucuns peuvent se dire abusivement que si cette coutume est observée – alors qu’elle est incohérente et injustifiée – il n’y a sans doute pas plus de raison valable d’observer encore d’autres commandements.
e) cela entraîne des divisions intercommunautaires en Israël qui n’ont aucune raison d’être, puisque seules certaines communautés d’origine achkénaze ont cette prohibition.
La seule raison valable qui justifierait d’observer cette coutume est le désir même de vouloir préserver une ancienne coutume. Mais de toute évidence, ce désir ne l’emporte pas sur tout ce qui a été dit précédemment.
En conséquence, nous décrétons qu’achkénazes ou séfarades peuvent manger des légumineuses et du riz à Pessah, sans craindre de transgression. Sans doute, il y aura des achkénazes qui voudront s’en tenir à la coutume de leurs ancêtres même s’ils savent qu’il est permis de manger des légumineuses à Pessah. Pour eux, nous recommandons d’observer seulement la coutume originelle, de ne manger ni riz ni légumineuses mais d’utiliser l’huile des légumineuses ainsi que tous les autres aliments interdits surajoutés au fil des années comme les petits pois, les haricots, l’ail, la moutarde, les graines de tournesol, les cacahuètes, etc. Cela leur permettra de consommer des centaines de produits qui portent le label « cacher pour Pessah pour ceux qui mangent des légumineuses ». Cela leur rendra la vie plus facile et ajoutera de la joie et du plaisir à leur observance de la fête.
(Traduction de Rivon Krygier)
Il est intéressant de constater que des Rabbins orthodoxes ont repris les principes de cette décision. Voir document joint (en hébreu)