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Bétsalel, artisan ou artiste.

Bétsalel, artisan ou artiste.

Dans la parasha   de la semaine dernière, nous avions fait la connaissance avec Bétsalel, chargé par Dieu de fabriquer les ustensiles du sanctuaire. Cette semaine, nous le retrouvons, mais cette fois-ci en pleine action :

notre parasha   se concentre en effet non sur les ordres de construction, mais sur la réalisation elle-même.

Ces dernières semaines, une polémique s’est engagée dans le monde de la Torah concernant l’action même menée par Betsalel, dont le nom signifie "à l’ombre de Dieu". Le rabbin   Israël Rozen, s’attaquant à l’école des beaux-arts de Jérusalem, qui porte justement le nom de "Betsalel", apporte un argument intéressant : selon lui, Betsalel fils d’Ouri, fils de Hour, a été désigné par Dieu "pour être artisan et non artiste, fabriquant (méyatsér) et non créateur, réalisateur et non novateur" (bulletin "shabat beshabato", tétsavé 5768).

La question est en effet importante : il ne s’agit pas seulement de réfléchir sur le bien fondé de la créativité artistique, mais sur la créativité en général, dans le domaine de l’histoire, des sciences, et bien sûr et avant tout dans le domaine de la Torah.

Quel est, finalement, le rôle de l’homme dans la création divine, dont le microcosme du sanctuaire en est comme un résumé. Est-il là uniquement pour accomplir strictement les ordres divins, ceux-ci lui montrant une route toute entière tracée. Où bien est-il là pour innover et développer une trame mise en place par Dieu, mais qui laisse des espaces de liberté à l’initiative humaine ?

Dans le passage de la semaine dernière, il semblerait que les choses étaient claires. Après avoir empli Betsalel d’esprit divin et de sagesse, Dieu lui adjoint Aoliav fils d’Ahisamakh ainsi que d’autres sages   "et ils feront tout ce que j’ordonnerai" (Exode, 31, 6).

Il semble donc qu’il n’y ait pas de place pour une initiative quelconque, mais que la réalisation du sanctuaire se fasse en application exacte des ordres reçus.

Cependant, dans le passage parallèle situé dans notre parasha  , les choses semblent plus nuancées : "Et Bétsalel fit (…) pour tout ce que Dieu avait ordonné (Exode, 36, 1). Dans l’introduction de ce "pour", on peut voir un besoin grammatical par rapport à ce qui précède dans la phrase, mais on peut également y voir l’introduction d’une dose d’incertitude.

Au moment de réaliser vraiment l’ouvrage, Bétsalel ne doit pas seulement faire tout ce que Dieu a ordonné, mais utiliser son intelligence pour y parvenir, se servir de sa créativité, et ce notamment parce que, quelque soient détaillés les ordres de construction du sanctuaire, ils ne comprennent pas certaines précisions indispensables à la réalisation.

Prenons l’exemple des "chérubins" qui se trouvaient sur l’arche : leur visage est un élément important, et pourtant nulle indication ne vient préciser comment devaient être leurs visages. C’est la créativité contenue dans la sagesse reçu de Dieu qui permet à Bétsalel de les confectionner.

Cette importance de la créativité, nous la retrouvons dans un texte du Rav Kook  , écrit justement pour célébrer l’ouverture de l’école Bétsalel, au début du vingtième siècle :

"L’un des signes clairs de la renaissance est constitué par l’action importante qui doit résulter de votre respectable institution : la renaissance de l’art et de la beauté hébraïque en terre d’Israël. Le spectacle de nos frères pleins de talent réjouit notre cœur, ces génies de la beauté et de l’art, qui trouvent une place honnête dans les larges et hautes avenues de la vie générale, et un vent d’élévation les porte pour les amener à Jérusalem, afin de couronner notre ville sainte, qui est comme un sceau sur notre cœur, par leur floraison agréable, pour être en son sein un honneur et une gloire, aussi bien pour la bénédiction que pour le résultat qui en découle".

Pour le rav Kook  , la création d’un institut d’art à Jérusalem ne pouvait être qu’une étape positive sur la route de la reconstruction nationale, car pour lui seule la complémentarité du "hol" et du "kodesh", du profane et du sacré, pouvait garantir la construction d’une véritable société juive. La leçon de Bétsalel est donc claire : l’artiste, comme le scientifique ou l’historien, ne sont pas les ennemis de notre élévation vers la sainteté, mais en sont, au contraire, des agents indispensables.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

copyright Jerusalem Post

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