« Petit à petit, nous imposerons aux citoyens d’Israël les lois de la Torah, et nous ferons de la Halakhah (la jurisprudence rabbinique) la loi régissant la nation » , a déclaré Yaakov Neeman lors d’une intervention publique devant une assemblée rabbinique à Jérusalem. « Nous devons imposer l’héritage des pères de la nation.
La Torah donne la réponse complète à toutes les questions qui nous interpellent » , a-t-il ajouté.
Le ministre a été vivement applaudi, notamment par le grand rabbin ashkénaze d’Israël, Yona Metzger, et le rabbin Ovadia Yossef , chef spirituel du parti orthodoxe séfarade Shass.
Les propos prononcés en décembre 2009 par le ministre de la Justice, Yaakov Nééman qui est un juif orthodoxe , lors d’une conférence à Jérusalem ont déclenché un tollé au sein de la classe politique et du système judiciaire. « Il faut retourner aux sources, que le droit de la Torah soit le droit applicable en Israël. Et l’établissement de tribunaux rabbiniques chargés du droit des biens est une bonne manière d’instaurer ce droit de la Torah, par étapes, pas à pas ».
Le ministre de la Justice a tenté de calmer les esprits en expliquant que son intention était de dire que face à l’engorgement des tribunaux, il est nécessaire de mettre en place un système parallèle qui traitera d’une partie des dossiers.
Le député travailliste Ofir Pinès, membre de la commission de la législation, des lois constitutionnelles et de la justice de la Knesset, a appelé à convoquer M. Nééman pour qu’il explique ses propos devant la commission. « Un ministre de la Justice qui ne croit pas dans le système dont il a la charge doit se demander ce qu’il fait à ce poste », a-t-il déclaré.
Le chef de l’opposition, Tzipi Livni, a elle aussi vivement critiqué les propos de Yaakov Nééman : « L’idée exprimée par Yaakov Nééman doit troubler tous les citoyens qui se préoccupent de l’avenir des valeurs et de la démocratie israélienne ».
Le fond de la question :
Ce problème se pose depuis la création de l’Etat d’Israël. Cet état a été prévu par le sionisme comme un Etat démocratique et occidental. Sionisme qui n’a rien d’un mouvement religieux, au contraire.
Cependant le désir d’une mise en place d’un système judiciaire purement hébraïque, c’est-à-dire basé sur la Halakha , a toujours occupé les esprits. Plusieurs rabbins ont écrit des ouvrages sur ce problème question. Il préoccupa également des penseurs du judaïsme comme Yeshayahou Leibowitz ou Eliezer Ravisky.
Le mouvement Massorti s’est clairement prononcé pour la séparation de la synagogue et de l’Etat, tout en souhaitant que l’esprit des textes anciens inspire la législation moderne.
La véritable question est de savoir le résultat qu’un Etat halakhique donnerait.
Le système de la Halakha est-il capable de gérer un Etat moderne ? Qui prendrait les décisions ? Sur quelles bases ?
Il faut savoir que dans l’histoire juive, jamais un tel Etat n’a existé. Cela relève du pur fantasme.
Cependant, les rabbins ont développé une infrastructure juridique extrêmement complexe, la Halakha , susceptible de gérer une grande part de la société. Il faut savoir cependant que la Halakha date d’une époque où les juifs n’avaient pas d’Etat (époque talmudique).
Si jamais on voulait faire fonctionner un Etat selon cette loi, on serait confrontés à des problèmes multiples.
Mais la véritable problématique est que la Halakha n’est pas du tout basée sur un système compatible avec l’idée d’un Etat moderne et démocratique. En obtiendrait quelque chose assez proche de ce qu’est l’Iran des mollahs. D’où le tollé soulevé par les propos du ministre de la justice.
Ce serait un cadeau empoisonné à faire au rabbinat israélien : lui laisser les clés de l’Etat et lui demander de tout gérer. L’expérience serait sûrement douloureuse pour bien des gens, et sans doute catastrophique, mais elle aurait le mérite de montrer les limites de ce que les juifs fondamentalistes voient comme système absolu. Elle obligerait en tout cas certainement à revoir en profondeur toute la Halakha .
Affaire à suivre.
Yeshaya Dalsace
Messages
Chalom,
"Le mouvement Massorti s’est clairement prononcé pour la séparation de la synagogue et de l’Etat"
Intérressant...
Votre Rav est Waldeck-Rousseau ou bien Emiles Combes...?
Saviez-vous qu’on a tué pour mettre en place un tel concept. Les Jacobins, fervents défenseurs de la séparation entre le clergé et l’Etat font partie des plus grands meurtriers qu’a connu notre chère patrie...
Enfin, dans l’état d’Israël c’est différent... Vivement que Tsipi Livni soit au pouvoir pour que des mariages gays soient célébrés et que les Massorti aient leur mot à dire dans le système religieux isralélien, n’est-ce pas ?
C’était une question rhétorique bien sûr...
Bonne soirée
Ne vous en déplaise, nous tenons compte en effet des enseignements politiques de Rousseau, de Spinoza, de Hume ou encore de Condorcet.
Le propre du mouvement Massorti , comme de tous les mouvements juifs modernistes, est de chercher à intégrer les enseignements de la culture moderne à ceux du judaïsme. Notre vision du judaïsme et une vision intégrative qui loin de rejeter les données de la culture contemporaine, y compris de la culture politique, cherche au contraire à les mettre ensemble et à les confronter dans un dialogue actif avec les sources juives.
C’est une évidence que de ce point de vue là, l’extraordinaire travail de réflexion politique mise en place depuis quelques siècles (depuis la révolution anglaise du 16e siècle et non pas seulement le travail des jacobins) a valeur d’enseignement « rabbinique ».
La véritable question est de savoir comment le judaïsme peut-être susceptible d’intégrer les valeurs du libéralisme politique moderne et de la démocratie dans un Etat qui chercherait à appliquer les valeurs juives. Le sujet mérite une véritable réflexion, plusieurs ouvrages se sont penchés sur la question.
Dans tous les cas, l’application pure et simple de la « pensée politique » rabbinique, c’est-à-dire des règles élaborées dans une littérature qui ignorait tout de la réflexion politique moderne et qui de toute façon ne s’est jamais confrontée dans l’histoire à l’épreuve de la réalité, mais était purement théorique (je pense au traité Sanhedrin ou encore Hilkhot Melakhim de Maimonide ) serait tout simplement une catastrophe et un échec des plus patents pour le judaïsme. Le modèle affligeant de l’islam politique devrait suffire à nous mettre en garde, à moins d’être soit un fanatique méchant et dangereux, soit un aveugle ou un imbécile…
Le mouvement Massorti n’est pas le seul à penser la nécessité de séparer le politique du religieux, c’est le cas également de tous les autres mouvements modernistes, y compris d’une large part de l’orthodoxie . Vous pouvez vous en moquer, mais je ne vois pas du tout quelle alternative sérieuse vous avez à proposer ; de plus, nous pouvons être fiers d’être un mouvement religieux qui a réussi à intégrer véritablement les valeurs de la modernité et de la démocratie à une vie religieuse juive active. C’est d’ailleurs un des plus grands intérêts du mouvement Massorti et dans mon cas personnel, l’une des raisons de mon adhésion à celui –ci.
Pour ce qui est des unions homosexuelles laïques, si la démocratie israélienne en décidait ainsi, nous n’y serions je crois, absolument pas opposés. C’est une affaire de l’Etat et non de la religion. Je ne vois d’ailleurs aucune raison pour laquelle la société israélienne n’irait pas dans le sens du reste du monde occidental dont elle fait partie.
Quant au mouvement Massorti , il a déjà son mot à dire en Israël où il est implanté et dont l’influance va bien au delà des membres officiels de ce mouvement touchant par définition les élites pensantes de la nation.
Il n’y a pas de quoi s’affoler.
N’oubliez jamais que le sionisme politique est un pur fruit de la Haskala , pas de l’intégrisme juif.
Yeshaya Dalsace
Merci.
Merci milles fois...
Enfin un vrai juif laic. ce n’est pas la religion qui va decider de faire de nous des automates mais l’etat. (l’etat d’israel, bien sur)
on en a mare des rabbins qui se prennent pour plus que ce qu’il ne sont. laissez les grands decider et restez gentils dans vos temple.
Joyeux hannoel.
Laïc en effet comme 90 % des juifs dans le monde, la chose n’a donc rien d’exceptionnel. Laïc n’est pas une insulte ni un gros mot, cela n’est même pas incompatible avec la pratique religieuse. Cela désigne tout simplement un désir de neutralité de l’Etat vis-à-vis de la religion et de la vie privée des gens. Cela sous-entend un respect de la liberté de conscience et de pratiques religieuses. Je suis laïc, comme le grand rabbin de France est laïc et comme la plupart des gens que je connais le sont, qu’ils soient juifs pratiquants ou non, ou appartenant à d’autres confessions.
Je vous signale également que dans un système de laïcité, l’Etat ne demande jamais à ses citoyens d’être des automates… vous confondez avec un autre système.
Plus que cela, notre vision du judaïsme ne demande en rien de faire des juifs des automates, mais des gens autonomes qui réfléchissent…
Votre étonnement est donc totalement déplacé.
Je vous signale juste au passage que dans un Etat qui ne serait pas laïc, les juifs seraient soumis à des restrictions imposées par la religion dominante (islam ou christianisme)… En Israël, ce seraient les juifs qui devraient éventuellement imposer des restrictions aux autres religions...
La laïcité représente dans l’histoire de l’humanité un progrès gigantesque. Il n’y a aucune raison pour que les juifs qui en ont largement profité lui crachent à la figure.
Un peu de réflexion politique et de connaissance historique suffisent à comprendre cela.
En Israël, dont je suis citoyen, je ne vote pas pour des listes confessionnelles, mais toujours pour des listes générales.
Bien que religieux, je me refuse à voter pour un parti religieux.
Je trouve absolument ridicule la sectorisation de certains partis politiques israéliens. La masse des petits partis sectoriels, religieux ou pas (il y eut récemment le parti des retraités !) montre un certain manque de maturité de la politique israélienne.
Yeshaya Dalsace
Vous ne m’avez pas compris, mais c’est pas bien grave...
Si je puis me permettre , moi ce que je trouve totalement ridicule , et honteux, c’est que vous compariez la Torah et les lois du Levitique á la charia dans sa pire application, insinuant, comme tout le ramassi d’antisémites de tout bord, que le notre Livre est "périmé" , et notre peuple et son D. facistes !...Je vous rapelle donc que selon la halah’a, un tribunal rabbinique qui délivrait plus d’1 sentence de mort tous les 70 ans, était considéré "sanguinaire" !!! Or en Iran les executions capitales se comptent par centaines á l’année !..Et quand vs prétendez que la royauté de la Torah en Israel n’a jamais existé, et n’est qu’UN FANTASME (!!!)-si encore vs aviez dit utopie...- que faites-vs de la royauté de David, et des autres époques ou la Torah régissait, en commençant par l’époque de Moshé ?...Je trouve vraiment dommage que votre mouvement, qui pourrait être une saine et necessaire critique, en arrive á s’opposer á l’esprit de la Torah et ses représentants avec cet esprit conflictif de rivalité...Il ne s’agit pas d’un défi électoral, mais de parvenir á représenter l’esprit de tolérance et d’évolution ! ...mais si vous reniez la validité de la source, au lieu d’être une porte plus large, vous devenez un ravin !...Shalom shalom ! j’aimerai tant que vous m’entendiez be ezrat HM !
Chère Madame,
historiquement, on ne connait pas d’époque où la Halakha aurait été appliquée (c’est à dire ce qui ressort du Talmud ) y compris la peine de mort applicable assez facilement (le 70 ans n’est qu’une opinion contredite d’ailleurs). L’exemple de la royauté de David est un bien mauvais exemple et on ne sait rien d’elle. C’est sous la plume des rabbins vivant plus de 1000 ans plus tard que ce royaume est présenté comme un âge d’or halakhique, mais ce n’est en rien historique.
Je vous conseille une lecture systématique du code de Maïmonide (Mishné Tora) et d’en chercher la compatibilité avec un Etat moderne et démocratique et on en reparlera.
Dans l’Etat actuel des choses, à nos yeux, un Etat halakhique serait une catastrophe. Cela ne nie pas la source et encore moins la pratique personnelle. Cela n’empêche nullement non plus que le législateur israélien s’inspire des grands textes de notre tradition.
Mais ce propos mériterait une étude de science politique et de Halakha sérieuse. Je vous invite à la faire.
Yeshaya Dalsace
très bon article. Merci