Pour moi, Gainsbourg a toujours été un grand artiste et un personnage provocateur et sensible de génie. J’ai grandi avec ses chansons, je suis allé le voir à l’Olympia, j’ai tous ses disques…
A sa mort en 1991, je lui avais rendu un vibrant hommage à la radio israélienne, où j’étais alors journaliste, ressortant des archives de la radio en exclusivité une veille bande alors jamais diffusée, de sa depuis fameuse chanson sur la guerre des 6 jours : Le Sable et le Soldat.
Donc, pour moi, un film sur Gainsbourg avec des acteurs était difficile à envisager et a priori me laisse sceptique.
Par ailleurs, j’ai bien sûr été sous le charme du « Chat du rabbin », excellente BD sur le judaïsme par Joann Sfar dont la production me séduit toujours plus.
La rencontre Sfar – Gainsbourg ne pouvait donc que m’intriguer ; me convaincre s’était moins sûr.
Enfin, avec quelques mois de retard, j’ai pu voir le film « Gainsbourg, vie héroïque » et je suis convaincu : chapeau bas Joann Sfar !
Deux réussites absolues : les acteurs, au premier chef le fabuleux Eric Elmosnino confondant de vérité ; et les intrusions de Sfar auteur de BD dans le film à travers « la gueule » à Gainsbourg qui vient le hanter toute sa vie.
L’amateur de Gainsbourg est donc absolument satisfait.
Mais, et c’est l’autre intérêt de ce film, la question juive est magnifiquement traitée par des aller et retour entre le petit Lucien traumatisé de la Shoa et le Gainsbarre adulte.
Sfar considère la judéité de Gainsbourg comme cruciale pour comprendre le personnage et son génie provocateur, mais aussi un certain mal de vivre noyé dans les conquêtes féminines et l’alcool.
Cet aspect psychologique fait de « Gainsbourg, vie héroïque » un beau film sur la judéité et dit bien les choses : vivre pour cette génération tenait de l’héroïsme… Les fantômes et les hantises étaient bien trop proches et prégnantes pour pouvoir oublier la « bonne étoile… jaune » chère au sheriff « Guimbard » (nom de planque de la famille, repris en dérision dans le Gainsbarre des dernières années). Un tragique besoin d’être aimé quand on a été marqué au fer.
Un immense merci, donc, à Joann Sfar et sa géniale équipe pour nous avoir offert un tel spectacle et un si bel hommage à notre Gainsbourg immortel.
Yeshaya Dalsace