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40.Abbé Pierre, casser l’icône

40.Abbé Pierre, casser l’icône

Nous l’admirions pour son combat pour les pauvres, mais le reste demeure et le reste nous concerne car il relève toujours de la même histoire, celle du bon vieil enseignement du mépris... dommage !

On connaissait le problème, mais voici un article lu dans le Nouvel Obs qui l’explique parfaitement. Ajoutons la parole de Rolland Barthes qui parla comme un rabbin   :

« J’en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l’Abbé Pierre n’est pas l’alibi dont une bonne partie de la nation s’autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice. »

Yeshaya Dalsace Webmaster

Article publié dans Le Nouvel Observateur :

A 84 ans, l’abbé Pierre soutient Roger Garaudy, négationniste radical. Il se fâche avec son ami Bernard Kouchner. Puis il lui demande pardon

Le 15 avril 1996, l’abbé Pierre apporte dans une lettre rendue publique son soutien à Roger Garaudy. Ce philosophe, un ancien du PC passé du stalinisme au catholicisme, puis à l’islam, est poursuivi pour avoir publié « les Mythes fondateurs de la politique israélienne », un ouvrage négationniste. Dans sa missive, l’abbé Pierre salue Garaudy et sa « quête d’absolu », il loue l’« érudition exceptionnelle » d’un intellectuel « qui recherche la vérité face à des déformations indiscutables de la réalité ». Il va jusqu’à écrire : « Il est tout à fait normal que nous ayons été portés à des exagérations après la guerre. » Et il ajoute, dans une lugubre lapalissade : « A Auschwitz, on a inscrit sur une plaque qu’il y avait eu quatre millions de morts. Puisqu’on en est revenu aujourd’hui à un million, c’est que le chiffre de quatre millions était exagéré. »

Faurisson et ses amis se frottent les mains devant ce renfort inespéré. Malgré la déception et le chagrin de ses proches, l’abbé persiste dans les jours qui suivent. Il appelle même à lever le tabou de l’Holocauste.

L’Eglise se démarque de lui par la voix de Mgr Gaston Poulain, évêque de Périgueux et président du Comité épiscopal pour les Relations avec le Judaïsme. Il parle de « confusion très grave » et de « scandale ». L’abbé fait son mea culpa dans « la Croix », où ilregrette d’avoir offensé ses « frères juifs ». Mais il est trop tard. Il est exclu de la Licra. Il choisit de s’exiler pour un temps en Italie dans une abbaye bénédictine. Lui qui était un saint pour les laïques comme pour les religieux est descendu de son vitrail. Il n’est plus qu’un vieil homme faillible marqué par son éducation bourgeoise, un prêtre d’autrefois marqué par un antisémitisme de bénitier, même si les Français lui gardent leur affection au bénéfice de l’âge et en reconnaissance pour les services rendus.

En réalité, les Français ne connaissaient pas l’abbé Pierre. Il avait son secret. Ceux qui le connaissaient se taisaient par affection et par respect. En 1993, dans un entretien avec Bernard Kouchner auquel assistait le journaliste et écrivain Michel-Antoine Burnier, l’abbé Pierre avait laissé entrevoir un antijudaïsme chevillé au corps. C’était à Esteville, près de Rouen, dans la maison de retraite d’Emmaüs. Il avait reproché aux Hébreux de l’Antiquité d’avoir exterminé les Philistins afin de prendre possession de la Terre promise. Il avait même employé le mot « Shoah », à la stupeur de Kouchner. « L’abbé Pierre est un homme de fantasme, dit Michel-Antoine Burnier. Il assimile le génocide hitlérien à un massacre mythique relaté dans le livre de Josué, dont rien ne dit qu’il ait jamais eu lieu. Il est enfermé dans son catholicisme et il a une méconnaissance hallucinante du judaïsme. Il a mené au plus profond de lui-même un combat obsessionnel contre la Bible hébraïque. »

Bernard Kouchner a publié avec l’abbé Pierre un livre, « Dieu et les hommes » (1), un dialogue entre un chrétien et un athée. Il lui a gardé son amitié malgré ses pulsions négationnistes. Après le scandale Garaudy, ils ont longtemps cessé de se voir. Mais l’abbé Pierre a fait une démarche de repentance. Le fondateur d’Emmaüs s’est rendu chez le fondateur de Médecins sans Frontières pour s’expliquer. Entre historiques de l’humanitaire. « Nous avons eu une altercation très vive. J’ai fini par comprendre ce qui l’avait motivé. D’abord son amitié pour Roger Garaudy. Elle remontait à l’époque où ils étaient tous deux députés. Une vieille fraternité parlementaire. L’abbé était fidèle en amitié et il était têtu. Mais bien sûr il y avait autre chose... » Et Bernard Kouchner se souvient. Il a fait avec l’abbé Pierre un voyage en Terre sainte. « Nous avons rencontré là-bas beaucoup de prêtres. Les chrétiens orientaux n’ont pas renoncé à l’accusation de déicide abandonnée par Vatican II. Ils sont possédés par un antijudaïsme et un antisionisme qui se confond avec leur antisémitisme. J’ai senti que l’abbé Pierre avait, malgré lui, une sorte de faiblesse pour leur entêtement et leur archaïsme. Il ne pouvait pas oublier son éducation religieuse. » Le prêtre FTP, le saint Vincent de Paul du xxe siècle était resté Henri Grouès, un petit catholique lyonnais prisonnier de son passé.

(1) Robert Laffont.

François Caviglioli
Article publié dans Le Nouvel Observateur

http://hebdo.nouvelobs.com/p2203/ar...

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