Une soldate israélienne demanda à dire le kaddish dans une synagogue d’une base militaire. L’aumônier militaire le lui a interdit. Une fois de plus, le rabbinat militaire a montré son étroitesse d’esprit refusant à son public objectif un service religieux légitime.
Cette soldate avait appris le décès de sa grand-mère. L’enterrement eut lieu aux Etats Unis, d’où est originaire la famille de cette soldate membre de Noam, mouvement de jeunesse Massorti et fondateur d’un groupe combattant du Nahal dans lequel sert cette soldate. Le père endeuillé de la jeune fille téléphona à sa fille lui demandant de dire kaddish car se trouvant lui-même momentanément loin d’un minyan .
La soldate consulta l’aumônier militaire (orthodoxe ) qui lui conseilla de réunir pour cela un minyan de femmes dans la synagogue de la base. Mais une soldate s’interposa et déclara que son rabbin déclarait la chose interdite par la halakha . L’aumônier consulta ses supérieurs rabbiniques et demanda à la soldate d’organiser son minyan de femmes hors de la synagogue, dans une classe. La soldate fut profondément blessée de la proposition.
Le représentant du mouvement Massorti intercéda auprès du grand Rabbin militaire, en vain.
Dans cette affaire, l’aumônerie militaire pêche en discriminant religieusement une soldate qui a droit comme tout le monde à son aide. Prouvant une fois supplémentaire qu’il va falloir se battre pour faire régner un esprit de pluralisme juif dans le rabbinat militaire israélien et que les synagogues militaires ne soient pas uniquement des bastions de l’orthodoxie radicale.
Mais il pêche également par son manque d’imagination, ne proposant aucune alternative au sein de la synagogue à cette soldate et suivant automatiquement la voix la plus radicale. Il aurait pu proposer à cette soldate de dire le kaddish en se tenant dans le « coin des femmes » en présence d’un minyan d’hommes. Cette solution est acceptée par de nombreux rabbins orthodoxes ouverts. Il n’y a aucune raison que le rabbinat militaire se range à l’opinion des radicaux interdisant une telle solution. Son devoir est de venir en aide spirituellement à cette soldate et de lui permettre d’exprimer son deuil. Au lieu de cela, la peur du qu’en dira-t-on religieux et des critiques des plus radicaux l’emporta au détriment de l’empathie pour l’individu. Ce phénomène est hélas trop commun dans le judaïsme orthodoxe actuel, il est dommage qu’il vienne également parasiter l’aumônerie militaire.
Dans un autre registre, plusieurs rabbins militaires ont pris la parole devant des soldats, religieux ou non, tenus d’être présents, et exprimèrent leur réticence religieuse du retrait de Gaza, considéré comme un « recul de la rédemption » et donc comme une faute contre Dieu. On peut se demander en quoi un tel discours regarde un soldat laïc, mais également dénoncer le mélange malsain entre religion et politique, alors que Tsahal doit rester un lieu neutre. Un vrai discours de Tora, moral et touchant le cœur aurait été plus à propos. Que pense un soldat non religieux d’un tel discours ne pouvant que nourrir le stigmate associant religion juive et extrémisme politique déjà largement diffusé dans la société israélienne ? Pourquoi les soldats devraient subir ce seul discours et une telle caricature de judaïsme ? Il faut également dénoncer la brochure remplie de slogans extrémistes diffusée par le même rabbinat militaire au moment de l’opération à Gaza.
Le tout payé par des deniers publics !
Ces différents épisodes, exemples parmi bien d’autres, posent la question d’une sérieuse refonte du rabbinat militaire. Il est temps de faire entendre une autre voix juive, pour le salut même de l’image du judaïsme auprès des soldats de Tsahal.
Guershom Grunberg, journal Haaretz, juin 2009