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Conflit au Liban et médias français

Conflit au Liban et médias français

Yeshaya Dalsace -

On a l’impression que les médias français mettent tout en place dans la tête des gens pour que les tensions soient importées une fois de plus sur le sol français et, pour le moins, entretenir chez leur auditoire des raisonnements simplistes et un antisionisme primaire déjà bien répandus en France.

Mise au point sur la situation en Israël

Nul n’est sans savoir que la situation dans le conflit entre Israël et le Hezbollah (la Syrie et l’Iran derrière) est complexe et mouvante susceptible de changer à tout moment. Chacun, selon ses affinités personnelles préférera un camp ou un autre. Il est bien naturel que les juifs soient du côté d’Israël.
Être solidaire d’Israël ne veut pas dire que l’on se réjouit des victimes civiles libanaises. L’armée israélienne et le gouvernement d’Israël sont les premiers à les déplorer. De même, on peut être solidaire d’Israël tout en se posant des questions sur le bien-fondé et l’efficacité ou non de telle ou telle stratégie (cela relevant du débat politique légitime, ce qui n’est pas mon propos). Mais, solidaires d’Israël, nous le sommes et le resterons.

Il est naturel également que la France qui entretient depuis longtemps des liens privilégiés avec le Liban s’émeuve particulièrement de la situation.
Cependant, il me semble totalement anormal que cette solidarité s’exprime de façon aussi unilatérale dans les médias français et chez la plupart des responsables politiques. En effet, depuis le début du conflit, l’accent est largement mis sur les victimes libanaises tout en présentant, directement ou par des sous-entendus, Israël comme une superpuissance militaire agressive. Personnellement, cela me déplaît profondément et me met mal à l’aise vis-à-vis de la position française.

En effet, Israël reste dans cette affaire l’agressé et ne fait que réagir à des attaques injustifiées contre sa population civile et son territoire. Israël réagit fortement, il est vrai, mais Israël le fait pour des raisons stratégiques précises qu’il faut chercher à analyser. La France ne s’est jamais gênée de réagir militairement avec fermeté quand elle en a éprouvé le besoin (encore très récemment en Côte d’Ivoire en détruisant la totalité de la petite armée de l’air pour un missile tiré) et n’a donc aucune leçon à donner à quiconque là-dessus.

Les médias et les politiques français mettent singulièrement l’accent sur les problèmes que traverse le Liban (destructions, victimes, les réfugiés fuyant vers le nord, saison touristique annulée...). On va même jusqu’à interroger largement des libanais résidants en France sur leurs inquiétudes vis-à-vis de leur famille restée au pays. Le spectateur français ne peut que s’identifier avec le Liban meurtri et en vouloir à « l’agresseur » c’est-à-dire le puissant Israël.

Cela est profondément choquant parce qu’Israël, pas moins que le Liban, est un ami de longue date de la France. Parce qu’Israël subit également des destructions et que sa population civile est également victime du conflit, que la saison touristique en Israël est tout autant gâchée qu’au Liban et que l’économie israélienne également meurtrie. Parce qu’en Israël vivent également beaucoup de ressortissants français dont certains subissent de front les destructions et se retrouvent pris dans ce conflit. (Mais il est bien rare d’entendre la France s’inquiéter officiellement du sort de ces ressortissants là). Parce qu’en France, la communauté juive est profondément inquiète pour ses proches qui se trouvent en Israël.

Certes, Israël est un pays un peu mieux organisé et efficace que le Liban pour protéger sa population et la France n’a pas encore à intervenir pour évacuer par bateau ses ressortissants. Il n’en demeure pas moins que le niveau d’inquiétudes reste grand.
Comment se fait-il que nul reportage de la télévision française ne s’intéresse aux états d’âme de la communauté juive en France pour ses proches en Israël (et la plupart des juifs de France en ont) ? Pourquoi lorsque de grandes vagues d’attentats ont lieu en Israël la télévision ne vient pas faire des reportages sur la communauté juive rongée par l’inquiétude ou la colère ? Pourquoi faut-il systématiquement présenter Israël dans le mauvais rôle, même quand il se défend pour défendre sa souveraineté légitime ? Pourquoi par exemple présenter comme « un incident de frontière » ce qui relève de l’agression militaire pure et simple sur le sol israélien par un mouvement terroriste membre du gouvernement libanais, en violation flagrante du droit international et donc un véritable casus belli ? Comment s’étonner que le Français moyen finisse par croire que c’est Israël qui mène une fois de plus une guerre de conquête pour élargir son trop grand territoire et satisfaire l’instinct de violence de son armée réputée pour sa sanglante efficacité et son avidité de combats ?
Comment s’étonner que même certains juifs, un peu honteux, prompts à se regarder en miroir dans le regard des autres, c’est-à-dire de leurs concitoyens et des médias français, se mettent déjà à critiquer Israël ?
Comment s’étonner si de jeunes Français d’origine arabe s’identifiant aux trop nombreuses victimes des brutalités gratuites du monstrueux Etat d’Israël finiront par s’en prendre à d’autres Français, d’origine juive ?
On a l’impression que les médias français mettent tout en place dans la tête des gens pour que les tensions soient importées une fois de plus sur le sol français et, pour le moins, entretenir chez leur auditoire des raisonnements simplistes et un antisionisme primaire déjà bien répandus en France.

Le scénario nous est, hélas, bien connu. Les mécanismes sont clairs et ont déjà été largement étudiés.
Il n’en demeure pas moins que c’est horripilant et que cela ne fait qu’augmenter le malaise que beaucoup de juifs français ressentent depuis des années envers leurs pays dont la politique et les médias sont toujours sous le signe de l’ambiguïté dès qu’il s’agit d’Israël.

Tout cela d’autant plus que l’agresseur ne mérite aucune sympathie de la France. Le Hezbollah est une milice islamique fondamentaliste, membre du gouvernement souverain du Liban, pour qui le chaos général fait partie du programme politique et le sang innocent versé un moyen de cette politique. Le même Hezbollah fut en son temps le responsable de la mort de 50 soldats français à Beyrouth. Le même Hezbollah prend un malin plaisir à se servir de boucliers humains en cachant ses infrastructures au sein de la population civile.

Beaucoup de juifs de France ne sont pas dupes des médias français et ont d’autres sources d’information (Internet et radios juives notamment). Mais ce n’est pas le cas de tous et ce n’est certainement pas le cas du Français moyen.
C’est pourquoi ces précisions sont nécessaires et que l’on ne les divulguera jamais assez.

C’est pourquoi également, le malaise juif vis-à-vis de la France, tant déploré par les politiques et les médias il y a peu, ne se nourrit pas seulement du passé, de l’affaire Dreyfus et de Vichy, mais est bien alimenté chaque jour, à petites doses, lentement mais sûrement, dans des moments comme ceux que nous traversons aujourd’hui.

Toutes les raisons sont donc là, pour que notre cœur soit légitimement plus que jamais auprès d’Israël et que nous souhaitions une victoire rapide et efficace à ses forces de défense et que cette guerre prenne fin au plus vite.
Notre solidarité pleine et entière envers Israël n’enlevant rien à la solidarité et la compassion que nous pouvons éprouver pour toutes les victimes d’un conflit stupide mais désiré profondément par des voyous fanatiques et haineux avec lesquels les compromis diplomatiques relèvent plus du fantasme que de la réalité politique.

Yeshaya Dalsace
Rabbin   de Maayane Or
17 juillet 2006

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