Les aventures de rabbi Harvey. La sagesse et l’humour juifs au Far West
Désormais, elle est enseignée en faculté, aux côté de la science-fiction ou du roman policier. Bref, au fil des ans, elle acquiert, peu à peu, ses lettres de noblesse. Le format livre remplace désormais les grands albums d’antan, permettant à ce moyen moderne d’expression de voisiner avec les « vrais » livres, sur les étals des libraires.
Le judaïsme, dès lors, n’échappe pas à cette nouvelle emprise comme en témoignent les œuvres déjà anciennes d’Art Spiegelman, prix Pulitzer, auteur du célèbre Maus, ou celles, plus récentes, de Joann Sfar avec son Chat du rabbin .
Avec le recueil de Steve Sheinkin, auteur et illustrateur américain, une étape est franchie dans la pédagogie moderne : les textes et les enseignements du Talmud sont véhiculés par le canal inattendu de la bande dessinée. L’auteur a puisé dans le folklore juif, dans les légendes hassidiques du Baal Chem Tov, les contes de Rabbi Nahman de Braslav ou encore les Maximes des Pères (Pirké Avot).
Pour nous offrir, avec talent, ces « leçons » talmudiques, Steve Sheinkin nous transporte au Far-West, dans la localité imaginaire d’Elk Spring, dans les montagnes du Colorado, un village qui tient tout à la fois du shtetl et des localités chères à Lucky Luke.
Elk Spring, donc, où tous les habitants ou presque sont juifs. Tels Nathan, le fabricant de bougies et sa femme Ruth ou Julius Jaffa, le cultivateur. Des habitants qui vivent dans la peur. Car le village est sous la coupe d’une bande de hors-la-loi sans pitié : Milton Wasserman, le chef du gang, alias « Big Milt », qui prétend, « vous avez intérêt à le croire », être le gars le plus malin et le bandit le plus dur à cuire de tout l’Ouest, Daniel Lévy, dit « Le lion » et Moïse Goldwater, surnommé « Matsa man » parce qu’il ne mange que des matsot. De rackets en filouteries en tous genres, les trois acolytes terrorisent la population. C’est alors, qu’un étudiant fauché, nanti d’un diplôme délivré par une yeshiva de New York, à la recherche d’un emploi, même à temps partiel, le jeune Harvey, se retrouve, après des journées d’errance, à Elk Spring. « Qu’il est difficile de trouver une place dans cette profession ! », soupire-t-il. Il faut se faire une raison en effet, car force est de constater que « les rabbins vivent si longtemps que les postes vacants sont rares ».
Et le miracle, « Baroukh Hachem », s’accomplit. A force d’humour et de philosophie, Harvey, rabbi Harvey, tient tête à ses tortionnaires, les bandits juifs. Las de l’écouter, ils le condamnent à mort, mais commettent l’imprudence de lui laisser le choix de la manière de mourir. La pendaison ? Une balle en plein cœur ? La noyade ? Harvey n’hésite pas et répond : « De vieillesse ». « Ce type est infernal » maugrée Milton, mais, par peur du ridicule, il l’épargne. La population, surtout les jeunes, se prend d’affection pour Harvey lequel, sur fond de sagesse hébraïque, déjoue tous les pièges philosophiques que lui tendent les malfrats. Ecœurés, les bandits quittent Elk Spring et Harvey en devient le rabbin . On suit ses aventures et ses démêlés avec plaisir. Et, pour ceux qui n’auraient pas détecté la référence biblique de chaque épisode, l’auteur, en fin de volume, propose une grille de lecture.
Rafraîchissant et sympathique.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Yodéa. Mai 2008. 122 pages. 14,50 euros
Messages
Bonjour,
j’ai aujourd’hui acheté cette bande-dessinée et elle est vraiment géniale !
Voir en ligne : http://www.szdavid.com
Merci,
Le tome 2 est en préparation. De mon côté j’aime aussi votre blog. Judaïsme,informatique et plongée mes trois passions.
Laurent Alhadef responsable des éditions Yodéa